Si l'on est exproprié, il ne faut pas compter sur le juge de l'expropriation pour protéger ses intérêts. La Cour de cassation l'a répété dans deux arrêts : ce magistrat doit se borner à vérifier que le dossier transmis par le préfet est constitué conformément à la réglementation et il ne peut rien remettre en cause.

Le juge de l'expropriation intervient uniquement pour prononcer l'expropriation, c'est-à-dire le transfert de propriété. Il intervient uniquement parce qu'il est membre du tribunal de grande instance, juridiction judiciaire et non administrative. Il s'agit seulement de satisfaire le principe juridique selon lequel le juge judiciaire serait gardien des libertés et de la propriété. Mais en réalité, il n'a aucun pouvoir. Il ne peut rien. C'est cependant sans gravité, selon la Cour, puisque les décisions administratives qu'il doit appliquer peuvent être contestées devant le tribunal administratif. Et si la décision administrative d'expropriation est annulée par ce tribunal, l'exproprié pourra obtenir l'annulation du transfert de propriété prononcé par le juge de l'expropriation...

Dès lors, explique la Cour, les garanties du procès équitable imposées par la Convention européenne des droits de l'homme sont réunies. Il ne sert à rien de se plaindre parce que l'on n'a pas pu contester des documents lors d'une audience devant le juge de l'expropriation ou parce que la procédure n'a pas été contradictoire. Ce juge est sans pouvoirs de juge. Il n'a pas le droit de modifier les actes administratifs qui lui sont soumis, ni même de vérifier la régularité de la procédure qui a conduit à l'expropriation, ni son opportunité, précisent ces arrêts. L'expropriation est donc essentiellement une affaire de décisions administratives.

(Cass. Civ 3, 23.3.2017, N 15-28.062 et U 16-12.409)