Le nombre de déclarations transmises au service de renseignement financier Tracfin a augmenté en 2015, mais la qualité de ces informations reste « largement perfectible », certaines professions restant « peu mobilisées ».

Sur l'ensemble de l'année 2015, 45.266 « déclarations de soupçon » ont été transmises à l'administration, soit une hausse de 18% par rapport à 2014, rappelle Tracfin dans un rapport consacré aux « risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ».

Parmi elles, 93% ont été transmises par quatre catégories de professionnels : les banques et établissements de crédit, le secteur de l'assurance, les établissements de paiement et les changeurs manuels, ajoute le service de renseignement, qui fait état d'une proportion « stable par rapport à 2014 ». Cette forte activité, liée notamment à la hausse des signalements et des enquêtes menées en matière de financement terroriste après les attentats de Paris, traduit un « niveau d'implication » globalement « croissant » des professionnels, se félicite Tracfin.

« Sur le plan qualitatif », les informations transmises à l'administration restent néanmoins « largement perfectibles », ajoute cet organe rattaché à Bercy, qui fait état d'un « trop grand nombre de déclarations incomplètes » et « d'un faible niveau d'analyse ».

Le secteur immobilier particulièrement vulnérable

Les déclarations émanant du secteur bancaire, portant en majorité sur des dossiers de montant moyen ou faible, constituent la principale source d'information. « Le secteur financier dans son ensemble est très mobilisé », a reconnu lors d'une conférence de presse le directeur de l'agence, Bruno Dalles.

Le plus petit des services de renseignement français, avec 120 agents, contre 5.000 pour la DGSE, regrette en revanche le manque de coopération de certains professionnels, comme les gestionnaires d'actifs. « Très clairement, tout ce qui relève de la banque d'affaire n'est pas à la hauteur des enjeux », a souligné Bruno Dalles.

Le rapport de Tracfin déplore également le manque de coopération des marchands d'art, des experts-comptables, des avocats - jugés « rétifs » au dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux, ou des professionnels de l'immobilier. Ce secteur « représente pourtant une des principales vulnérabilités du système français en matière de blanchiment » - souligne le rapport, qui critique enfin l'absence d'investissement des agents sportifs, dont le secteur est pourtant « connu pour être perméable aux intérêt criminels ».

Un pilier de la lutte contre le terrorisme

Les professionnels concernés ont l'obligation de déclarer à Tracfin les sommes ou opérations dont ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent » d'activités délictuelles ou servent « au financement du terrorisme », en vertu notamment du code monétaire et financier. En cas de manquement à cette règle, ils risquent des sanctions disciplinaires, administratives, civiles ou pénales.

« Il est nécessaire d'être particulièrement vigilant, à tous les niveaux », a déclaré lors de la conférence de presse Michel Sapin, ministre de l'Economie et des Finances, rappelant que Tracfin était devenu en quelques années « un des piliers en France de la lutte contre le terrorisme ». En 2015, Tracfin a transmis 180 notes portant sur des possibles financements terroristes, dont 170 aux services de renseignement et une dizaine à l'autorité judiciaire. Fin septembre, « on était déjà à 250 transmissions aux services de renseignement et 36 à l'autorité judiciaire », a souligné Bruno Dalles.