En 2015, le nombre d'informations reçues par Tracfin a progressé de 18% sur un an, pour atteindre le chiffre de 43.231. 95% ont émané de professionnels. La participation des banques en ligne « reste faible » selon Tracfin. Elles ne sont pas les seules à être pointées du doigt.

Tracfin existe depuis 1990. La mise en place de la cellule chargée du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins fait suite à la création du délit de blanchiment du trafic de stupéfiants en 1987 et du groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). C'est auprès d'elle que les professionnels dits déclarants ont l'obligation d'effectuer une déclaration de soupçon dès lors que, pour des sommes d'argent ou des opérations, ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme », rappelle Bercy.

70% des signalements proviennent des banques

Le rapport annuel 2015 de Tracfin révèle que 45.266 signalements ont été déposés l'an passé, soit une progression de +18% par rapport à 2014 et un bond de +150% par rapport à 2009. Les banques et les établissements de crédit sont en première ligne dans ce mouvement. Rien qu'en 2015, ils ont procédé à 31.276 déclarations de soupçon (70% du total réceptionné par Tracfin), soit une hausse de 6%.

Derrière ce chiffre, Tracfin pointe quelques asymétries de comportement : « Rapporté au nombre de comptes ouverts, la pratique déclarative des six plus grands groupes bancaires français (1) varie pratiquement dans une proportion de 1 à 2. (...) Dans l’ensemble, les signalements manquent d’analyse et il n’est pas toujours évident de déceler en quoi les opérations déclarées sont suspectes, notamment au regard du profil clientèle et des ''habitudes'' financières de la relation d’affaire. » Quant aux banques en ligne (2), elles peuvent, elles aussi, s'améliorer. « Collectivement, les sept banques en ligne ont adressé 313 déclarations au service, ce chiffre reste faible au regard du nombre de comptes ouverts par ces opérateurs, malgré une progression de 27% par rapport à 2014 », tient à signaler la cellule de lutte contre le blanchiment.

Les banques privées déclarent étrangement peu

Ce n'est pas le seul segment d'activités bancaires à être pointé du doigt. Pour Tracfin, « malgré une augmentation de l’activité déclarative des banques privées (+43% entre 2014 et 2015), les 736 signalements émanant de ces déclarants demeurent faibles en valeur absolue, notamment compte tenu de leur exposition aux risques de blanchiment des capitaux, en raison de la nature de leurs relations d’affaires (non-résidents, personnes politiquement exposées (PPE) étrangères et domestiques, résidents gérant directement des avoirs importants ou effectuant des opérations internationales particulièrement significatives) et des caractéristiques et modalités d’exécution des opérations financières (opérations de montants élevés, demande de confidentialité accrue, représentation du client par un tiers, montages complexes, recours à des trusts…). (...) La qualité des déclarations adressées par ces banques est largement perfectible (déclarations parfois tardives, absence d’éléments de connaissance client, absence des justificatifs). »

D'autres établissements financiers se montrent plus actifs. Les assureurs par exemple. Entre 2014 et 2015, le nombre de déclarations à Tracfin a progressé de 52% à 2.159. « Ces résultats chiffrés encourageants résultent en partie d’une meilleure sensibilisation du secteur depuis plus de deux ans », déclare la cellule de lutte contre le blanchiment d'argent. Mais là aussi, des progrès sont attendus. Le rapport annuel 2015 souligne « le faible nombre de déclarations (...) sur des personnes morales (7% en 2014, 6% en 2015). Si les contrats d’assurance-vie ne peuvent être souscrits que par des personnes physiques, les contrats de capitalisation sont, quant à eux, accessibles aux personnes morales sous certaines conditions. De plus, les fonds placés par les personnes physiques peuvent provenir directement ou indirectement de personnes morales (ex : abus de biens sociaux). Or, force est de constater que les déclarants du secteur des assurances s’intéressent peu à ces thématiques. »

Forte progression chez les établissements de paiement

Les boutiques de change de devises se sont aussi plus impliquées avec 1.709 informations (+50%) en 2015. Pourtant, « 67 changeurs sur 177 recensés au 1er janvier 2015 ont effectué au moins une déclaration de soupçon au cours de l’année : 5 d’entre eux ont contribué à 60,7% des 1.709 déclarations », peut-on lire dans le rapport 2015 de Tracfin. Lequel rappelle aussi que, depuis le 1er janvier 2016, les changeurs manuels doivent prendre l'identité de la personne pour toutes les opérations à partir de 1.000 euros. Ce plafond était de 8.000 euros auparavant.

Un dernier chiffre attire l'attention dans le bilan 2015 de Tracfin : +176%. C'est la progression des déclarations déposées par les établissements de paiement, soit 4.535 informations. Ils se placent comme le second acteur parmi les professionnels dans la lutte contre le blanchiment de l'argent et le financement du terrorisme. Mais ce chiffre doit être relativisé : « Pour la première fois, les déclarations de représentants en France de Western Union sont comptabilisées non pas dans les établissements de crédit, mais parmi les établissements de paiement. (...) 93% des déclarations de soupçon sont transmises par le secteur traditionnel des transferts d’espèces contre 7% pour l’activité de prestations de service de paiement pour le compte de tiers. » Pour ces derniers, ils peinent à connaître de manière exhaustive et fiable les expéditeurs et les bénéficiaires des fonds.

(1) BNP Paribas, groupe Crédit Agricole, Société Générale, groupe BPCE, groupe Crédit Mutuel (dont CM11 et Arkéa) et La Banque Postale – hors activité de banque en ligne. (2) Axa banque, BforBank, Boursorama, Fortuneo, Groupama banque, ING Bank, Monabanq.