Les allocataires RSA vont devoir rendre des comptes. Prouver leur recherche active. Ou leur bénévolat. Ou leur formation. Car le RSA sera bien conditionné à 15 heures d'activité par semaine dans les prochains mois. Mais quelles activités seront acceptées ? 15 heures, ou plus ? Pour quelles sanctions ? La suspension du RSA ? Dans les faits, malgré les expérimentations déjà en cours, de multiples questions restent en suspens...

« Dans 18 départements, nous avons lancé une expérimentation qui conditionne le RSA à 15 heures d'activité pour l'insertion. Je vous annonce que nous généralisons ce dispositif à tous les départements de France d'ici le 1er janvier 2025. » Lors de sa déclaration de politique générale mardi 30 janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé la couleur : le RSA conditionné, c'est demain. En attendant, le dispositif va même être testé dans 47 départements d'ici la fin février, élargissant le spectre d'un test déjà en cours dans 18 départements. Mais concrètement, comment s'articule ce conditionnement ? Pour qui ? Quelles « activités » ? Ce que l'on sait.

1 - Dans quels départements ?

Les 18 départements « pilotes » depuis des mois sont connus : le Nord, les Yvelines, les Bouches-du-Rhône, la Creuse, etc. Voici la liste complète dans cette carte. Précision : l'expérimentation en cours n'est pas contraignante à ce stade dans le sens où les radiations pour non-respect des conditions ne sont pas encore possibles.

RSA conditionné
Source : travail-emploi.gouv.fr

« Nous allons passer à 47 [départements] d'ici la fin du mois [de février] », a annoncé la nouvelle ministre du Travail Catherine Vautrin, mercredi 7 février sur Public Sénat. Lesquels ? Le cabinet de la ministre répond que la liste sera détaillée à l'occasion du prochain déplacement de Catherine Vautrin en Alsace, dans une dizaine de jours.

2 - Quelles « activités » ? Du travail ou de la recherche d'emploi ?

Que dit la loi ? Car ce projet de RSA conditionné est inscrit dans la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, le même texte qui a basculé la mutation de Pôle Emploi en France Travail au 1er janvier 2024. Or France Travail intègre une nouveauté de taille : « Chaque personne signera un contrat d'engagement élaboré en fonction de ses besoins (...). Il comportera, entre autres, le plan d'actions qui définit les objectifs de mise en œuvre du projet professionnel, les mesures d'accompagnement et/ou de formations associées pour favoriser le retour à l'emploi. »

« Il n'est pas question d'imaginer du travail bénévole, en dehors du cadre du code du travail »

A terme, c'est ce contrat d'engagement qui déterminera précisément les activités que devra suivre chaque allocataire de la CAF (ou de la MSA) touchant le RSA. Mais dans une page détaillée (et reconnaissant les zones d'ombre ou points à arbitrer) sur cet « accompagnement rénové des allocataires du RSA », publiée l'été dernier, avant l'adoption de la loi plein emploi, le ministère du Travail insiste sur le fait que les « activités » ne seront jamais un emploi sans salaire : « il n'est pas question d'imaginer du travail bénévole, en dehors du cadre du code du travail », écrit le ministère dans sa foire aux questions. « Les 15/20 heures pourront donc comprendre des activités allant de l'immersion en entreprise pour affiner son projet professionnel, à l'obtention du permis de conduire en passant par la réalisation de démarches d'accès aux droits ou encore la participation à des activités dans le secteur associatif. »

Quelles « activités » actuellement dans les départements en test ?

Quelle est la réalité de ces 15 à 20 heures hebdomadaires d'activités des allocataires RSA, en 2023, dans les 18 départements concernés ? A Marseille, le dispositif « concerne 2 000 bénéficiaires installés dans les 5e et 7e arrondissements » sur les « 71 205 allocataires » du département des Bouches-du-Rhône, relate France 3 PACA : les allocataires concernés ont des rendez-vous hebdomadaires de suivi, à Pôle Emploi, la mission locale ou autre structure d'accompagnement, avec l'objectif de les rediriger vers une entreprise locale ayant des besoins ou pouvant proposer une formation.

« Parler de jobs non payés, c'est de la caricature ! » insistait en octobre dernier Jean Bassères, désormais ex-directeur général de Pôle emploi, dans Capital. « Il s'agira bel et bien d'une activité d'accompagnement et pas de travail non payé. »

Mais les agents de Pôle Emploi (rebaptisé France Travail) et de la CAF interrogés par le média en ligne Basta affirment n'avoir aucune information sur les activités à réaliser... A Strasbourg, où le département a voulu conditionner le RSA dès 2016, le tribunal administratif a jugé qu'il ne pouvait pas imposer une activité non rétribuée. Le dispositif existe bien mais n'est pas obligatoire : sur les 39 700 bénéficiaires du RSA en Alsace, chaque année, « entre 400 et 500 personnes sont en situation effective de bénévolat », relève Rue89 Strasbourg.

Et aucun bilan officiel n'a été publié mis à part un point d'étape du comité de suivi des départements. Impossible, à ce stade, d'avoir une vision claire des tests effectués en 2023.

3 - 15 heures par semaine ? Comment est fixée la durée ?

15 heures minimum ? 15 à 20 heures d'activité ? La « durée hebdomadaire » minimale est bien « d'au moins 15 heures » dans la loi. La durée précise est toutefois personnalisable en fonction de la situation du demandeur d'emploi allocataire, et cela doit être détaillé dans le « plan d'action » qui figure dans le « contrat d'engagement » : « Il comporte notamment des actions de formation, d'accompagnement et d'appui. »

Mais... cette « durée hebdomadaire minimale » peut « être minorée », lit-on dans ce même texte de loi, « sans pouvoir être nulle » pour « des raisons liées à la situation individuelle de l'intéressé ». En bref : du cas par cas.

4 - Tous les allocataires du RSA peuvent-ils perdre leur allocation ?

Oui, tous les allocataires RSA sont concernés, sauf ceux ayant « des problèmes de santé ou un handicap » et « les parents isolés sans solution de garde d'enfants ». Toutefois, de fait, les bénéficiaires du RSA qui ont un emploi à temps partiel pourront probablement plus facilement justifier d'heures d'activité en vue d'un retour à l'emploi.

Il existe déjà, actuellement, des sanctions en cas de non déclaration de ressources (obligation trimestrielle pour le RSA) ou suite à un contrôle révélant des irrégularités. Mais le nouveau contrat d'engagement ira plus loin.

« Lorsque le demandeur d'emploi bénéficie du revenu de solidarité active, celui-ci peut être suspendu ou supprimé »

« Lorsque le demandeur d'emploi bénéficie du revenu de solidarité active, celui-ci peut être suspendu ou supprimé. » C'est la loi, depuis décembre 2023.

Dans quelles conditions et sur quelle durée, précisément, le RSA sera-t-il suspendu ou supprimé ? La loi renvoie à un « décret en Conseil d'Etat », qui n'a pas encore été publié... La loi prévoit toutefois qu'en cas de suspension, l'allocataire RSA pourra récupérer les sommes suspendues de façon rétroactives s'il corrige le tir dans les 3 mois.

5 - Comment cela va s'articuler en 2025 ?

A ce stade, étant donné le flou sur les activités réclamées et l'absence de décret détaillant les sanctions possibles, les expérimentations étendues à 47 départements en 2024 vont s'inscrire dans la lignée des tests de 2023 : un accompagnement renforcé pour des allocataires RSA écarté du marché de l'emploi, en simplifiant.

C'est l'inscription automatique à France Travail en 2025 qui changera la donne : « toutes les personnes en recherche d'emploi seront inscrites à France Travail », lit-on sur pole-emploi.fr. « Non seulement tous ceux qui demandent cette inscription, mais aussi tous les allocataires du RSA ainsi que leur partenaire ou conjoint, les jeunes inscrits auprès des Missions locales à la recherche d'un emploi et les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi, seront tous inscrits à France Travail à partir du 1er janvier 2025. » Or, « chaque personne signera un contrat d'engagement », avec « droits » et « devoirs », et donc une feuille de route personnalisée indiquant ce qu'il faudra cocher comme activités hebdomadaires pour continuer à toucher le RSA chaque mois.

RSA : chiffres clés

RSA : montant maximum depuis le 1er avril 2023
Allocataire vivant seulCouple (marié ou non)
Aucun enfant ou personne à charge607,75 €911,63 €
1 enfant (ou personne à charge)911,63 €1 093,96 €
2 enfants1 093,96 €1 276,29 €
Par enfant supplémentaire+ 243,10 €

Source : CNAF. Voir le simulateur CAF pour une estimation personnalisée.