Prime Macron, prime carburant, prime de Noël, chèque énergie, MaPrimeRénov', prime d'activité, prime anti-inflation... A la longue liste des primes existantes ou récentes, il va bientôt falloir ajouter la « prime de partage de la valorisation de l'entreprise ». Voici tout ce qu'il faut savoir sur la nouvelle venue.

Dans la famille « prime », je demande la PPVE. La quoi ? PPVE, pour « prime de partage de la valorisation de l'entreprise ». A ne surtout pas confondre avec la prime de partage de la valeur, ou PPV, nouveau nom de la prime Macron depuis 2022. Quelle différence ? La prime Macron, votre employeur choisit quand il la donne à ses salariés, à son bon vouloir. La PPVE fera l'objet d'un accord.

Cette PPVE est inscrite dans la loi depuis le 30 novembre 2023 et la publication au Journal officiel de la loi sur le partage de la valeur en entreprise. Et pourtant, vous n'en avez pas encore entendu parler ? Logique. Car il manque à ce stade deux décrets pour qu'elle soit mise en œuvre dans les entreprises volontaires : un décret pour inscrire cette nouvelle prime dans le champ de l'épargne salariale (qui compte déjà plusieurs dispositifs) et un décret pour la mise en place d'un plan de partage de la valorisation de l'entreprise avec ses salariés, en clair un accord ouvrant la voie à cette prime.

PPVE : quel principe ?

La prime et le plan dans lequel elle devra s'intégrer sont un « nouveau dispositif facultatif de partage de la valeur dans l'entreprise », pour reprendre les termes du gouvernement dans son dossier de presse accompagnant le projet de loi devenu loi de partage de la valeur.

La première étape sera de nouer un accord dans l'entreprise. Ensuite, « dans le cas où la valeur de l'entreprise a augmenté » en l'espace de 3 ans, la prime sera versée aux salariés. Il s'agit sans ambiguïté d'une prime d'épargne salariale, avec un fonctionnement différent de la participation et de l'intéressement, qui existent déjà.

Une prime Macron durable, une nouvelle prime... Les nouveautés de la loi « partage de la valeur »

« Les premières primes seront potentiellement versées en 2027 en cas d'accord noué en 2024 »

Quand pourrez-vous en profiter ?

« Les premières primes seront potentiellement versées en 2027 en cas d'accord noué en 2024 », explique Nicolas Aubert, professeur de finance à l'IAE Aix-Marseille, spécialiste de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié. « D'ici là, des décrets d'application préciseront probablement les modalités de placement sur les différents plans d'épargne salariale. »

Pourquoi ce nouveau dispositif ?

« L'objectif poursuivi est de créer un dispositif qui permette aux entreprises d'intéresser financièrement les salariés à la valorisation financière de leur entreprise, sans pour autant avoir à passer par un mécanisme d'actionnariat salarié qui peut paraître complexe à mettre en place », lit-on dans l'étude d'impact que le gouvernement a lié à sa récente loi sur le partage de la valeur en entreprise.

Quel avantage fiscal ?

« Les primes versées en 2026, 2027 et 2028 au titre des plans de partage de la valorisation de l'entreprise bénéficieront d'une exonération de CSG, de CRDS, de cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu », explique le gouvernement dans l'étude d'impact.

Au-delà des 3 premières années de versement, il faudra (à l'image de l'intéressement et de la participation) placer votre prime sur un plan d'épargne salariale (PEE ou PER) pour éviter l'impôt sur le revenu. Ou... « La PPVE sera exonérée d'impôt sur le revenu tant que vous ne dépassez pas un seuil : 5% de 75% du plafond annuel de la sécurité sociale », précise l'universitaire Nicolas Aubert.

Cette nouvelle prime d'épargne salariale a-t-elle une chance de séduire ?

La loi est en vigueur depuis la fin novembre 2023. Les entreprises, déjà, sont-elles séduites ? « On a quelques questions mais d'ordre très générique de certains clients sur les nouveautés de la loi partage de la valeur en entreprise », répond Élodie Chailloux, consultante veille juridique et droit social chez ADP, fournisseur de logiciel de paie. « Maintenant, plus spécifiquement sur le PPVE, il nous manque des décrets d'application. Les entreprises ne peuvent pas encore s'en saisir tant que ces décrets ne sont pas pris. »

Du potentiel, tout de même, cette PPVE ? « C'est difficile à dire, hésite Élodie Chailloux. On n'a pas suffisamment de recul. Il existe déjà beaucoup de dispositifs d'épargne salariale. Cela en rajoute un supplémentaire. Il y a le risque que les entreprises s'en saisissent peu si cela s'apparente à une surcouche de complexité. »

« La PPVE, cela donne l'impression d'un actionnariat salarié au rabais : vous donnez un avantage aux salariés sans les droits que confèrent d'actionnariat salarié »

Spécialiste de l'actionnariat salarié, Nicolas Aubert est plus sceptique. Il craint ouvertement une « usine à gaz » : « C'est tellement compliqué qu'on s'y perd. » Surtout, Nicolas Aubert regrette l'occasion manquée de renforcer l'actionnariat salarié, c'est-à-dire une véritable participation des salariés au capital de l'entreprise : « Ils souhaitent développer l'actionnariat salarié dans les PME. A raison, on sait l'impact que cela peut avoir, notamment en termes de fidélisation des salariés. Mais il existe déjà des dispositifs d'actionnariat salarié. »

« La PPVE, cela donne l'impression d'un actionnariat salarié au rabais : vous donnez un avantage aux salariés sans les droits que confèrent d'actionnariat salarié », s'agace le professeur de finance. « En simplifiant, vous avez la prime si la valeur de l'action ou de la part sociale augmente », résume Nicolas Aubert. « Or, un salarié qui touchera 2 000 euros de PPVE aurait probablement gagné plus s'il était devenu actionnaire. »

L'exemple des premières primes versées

« L'entreprise d'Ernest décide de mettre en place un plan de partage de la valorisation de l'entreprise », prend en exemple le gouvernement dans sa présentation du projet de loi. « C'est une société qui est capitalisée en bourse. Elle met en place en février 2024 le plan en décidant que l'ensemble des salariés ayant 8 mois d'ancienneté se voient attribuer des montants de référence qui varient en fonction de la rémunération du salarié. Ernest se voit attribuer un montant de référence de 4 000 euros. »

3 ans plus tard, donc en février 2027, « la valeur de l'entreprise a augmenté de 30%. », dans cet exemple. Résultat : Ernest perçoit « une prime de 1 200 € (4 000 x 30%) »