Alors que le ministère du Travail a évoqué un passage du plafond des tickets resto à 95 euros par semaine jusqu’à la réouverture des brasseries et cafés, la Commission nationale des titres restaurant planche, elle, sur l’étape suivante. Et propose que les salariés puissent dépenser 38 euros par jour, y compris le dimanche, dans les restaurants quand ils seront rouverts.

Plus de 4 millions de salariés bénéficient en France de titres restaurant (d’une valeur moyenne de 7,70 euros), leur permettant de se rendre au restaurant sur leur pause déjeuner ou d’acheter de quoi manger sur le pouce. Actuellement, le Code du travail fixe à 19 euros par jour le montant maximum qu’un travailleur peut dépenser pour s’offrir un repas. Et exclut l’utilisation des titres restaurant le dimanche.

Pour soutenir la filière de la restauration, mise à mal par le confinement, la Commission nationale des titres restaurant (CNTR) a formulé des propositions pour faire évoluer le fonctionnement des « tickets resto » à partir de la réouverture des établissements. Dans un courrier adressé au ministre de l’Economie et à la ministre du Travail le 27 avril, Patrick Bouderbala, président de la CNTR (1), suggère de « porter à 38 euros […] le plafond journalier d’utilisation des titres restaurant », de faire en sorte que « les titres restaurant soient utilisables tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et jours fériés » et de « lever les limites géographiques d’utilisation des titres restaurant » (pour rappel, sauf mention contraire, ces derniers ne sont utilisables que dans le département du siège social de l’entreprise).

Ces mesures dérogatoires ne s’appliqueraient que jusqu’au 31 décembre 2020. « A situation exceptionnelle, propositions exceptionnelles et limitées dans le temps » justifie Patrick Bouderbala, interrogé par MoneyVox. « Nous pensons que nos propositions apportent un réel plus, pour les restaurateurs et pour les salariés. En tout cas, les restaurateurs, y compris l’UMIH et le GNI [la puissante Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, et le Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration, ndlr], ont validé ces propositions. Et ce malgré une crainte initiale que la hausse du plafond aille surtout vers la grande distribution ». Pour les salariés, permettre le recours aux tickets restaurant tous les jours sans exception et augmenter le plafond de dépense journalier sera aussi synonyme d’une meilleure « capacité de consommation ». « Nous souhaitions permettre une utilisation « familiale ». Là, celui qui veut aller déjeuner ou dîner en famille un dimanche peut le faire » précise Patrick Bouderbala.

Si ces propositions visent principalement à soutenir les restaurateurs, elles ne se limiteront pas aux brasseries, bistrots, cafés… La hausse du plafond, le dézonage géographique et l’extension aux dimanches et jours fériés s’appliqueront aussi à l’utilisation des titres restaurant en supermarchés, pour les produits éligibles.

La Commission nationale des titres restaurant suggère également une 4e modification de la législation pour s’adapter à la crise : « augmenter de 60 à 90% la limite supérieure de la contribution employeur à l’acquisition des titres restaurant ». Patrick Bouderbala rappelle qu’aujourd’hui, « si l’employeur veut aller au-delà de 60% de participation, c’est considéré comme un avantage en nature et donc taxé. On propose une majoration de la participation de l’employeur sans fiscalisation/socialisation. Les titres restaurant coûteraient moins cher au salarié, sans que cela ne soit trop lourd côté employeur ».

Quelle suite sera donnée à ces propositions ? « Les deux ministères ont remercié notre commission d’avoir formulé des propositions. Ca ne veut pas dire qu’ils l’agréent évidemment mais en tout cas ils ont dans les mains une proposition qui fait consensus auprès des restaurateurs et qui est acceptable aussi pour le budget de l’Etat. Car le titre restaurant est quand même une niche fiscale, via les exonérations de cotisations sociales ».

Si ces pistes sont validées, elles seront applicables rapidement. « Quelle que soit la proposition retenue, il y aura des ajustements techniques à faire [modification de la programmation des cartes à puce pour les titres dématérialisés notamment, ndlr] mais ce n’est pas compliqué pour les opérateurs du titre » (Edenred, Up… tous les organismes qui distribuent les tickets resto), précise le président de la CNTR.

Un plafond à 95 euros par semaine avant la réouverture des restaurants ?

Le 23 avril, le ministère du Travail annonçait que le plafond de l'utilisation des titres restaurant pour des achats dans les supermarchés et les commerces de proximité était en passe d'être modifié à 95 euros par semaine (contre 19 euros par jour actuellement). « Concrètement cela veut dire qu'il sera possible de payer en une seule fois ses courses alimentaires avec ses tickets restaurant » précisait-il. Un décret est attendu pour la fin de cette semaine afin de préciser les modalités d’application de cette décision, applicable a priori jusqu’à la réouverture des restaurants. Cette demande de changement de plafond émanait d’un syndicat et non de la CNTR. « Au sein de la Commission nationale de titres restaurant, cela n’a jamais été évoqué et nous n’avons pas été consultés sur le sujet » précise Patrick Bouderbala.

(1) La commission nationale des titre restaurant est l'interlocuteur des commerçants (restaurateurs, traiteurs, grandes et moyennes surfaces) et des pouvoirs publics pour gérer le système des titres-restaurant.