Le bitcoin, la plus célèbre des « cryptomonnaies », a vu son cours flamber en quelques semaines, à un niveau tel qu’il doit freiner les particuliers qui souhaiteraient en acheter.

Trois ans presque jour pour jour après avoir atteint son pic historique, le bitcoin tutoie à nouveau les sommets. Le 1er décembre, au moment de rédiger cet article, 1 seul bitcoin vaut 19 000 dollars (environ 16 000 euros), alors qu’en septembre, son cours dépassait tout juste les 10 000 dollars, selon la plateforme spécialisée CoinGecko.

A l’origine de cette flambée, il y a plusieurs annonces, médiatisées, qui peuvent laisser penser que les cryptomonnaies (ou cryptoactifs) vont bientôt sortir du monde des geeks pour devenir des moyens de paiement plus largement acceptés. Citons, par exemple, le lancement par la Banque centrale européenne, en octobre dernier, d’une consultation publique afin de créer un euro numérique basé sur la même technologie que le bitcoin. La décision de PayPal de permettre à ses utilisateurs d'acheter, de vendre et de payer en bitcoins (ainsi que dans d’autres monnaies virtuelles comme l’ethereum) participe également à une certaine crédibilisation des cryptomonnaies.

Cette annonce du géant du paiement américain donne, en effet, de nouveaux arguments aux adeptes du bitcoin qui mettaient déjà en avant sa liquidité. « Avec environ 35 milliards de dollars échangés quotidiennement sur le bitcoin, cela en fait un placement liquide. Il est très simple pour les investisseurs de sortir de positions lorsqu’ils le souhaitent », explique à MoneyVox David Derhy, analyste cryptomonnaies chez le courtier eToro qui propose depuis peu d’acheter et de vendre des cryptomonnaies. Avant Paypal, il existait déjà des cartes prépayées pour dépenser ses cryptomonnaies, à l’image de celle proposée par la société américaine BitPay.

Un cadre légal commence à émerger

Enfin, la mise en place de réglementations propres à ce secteur contribue aussi à rassurer les internautes. Surtout après des piratages retentissants comme celui de MT.Gox. En 2014, quelque 800 000 bitcoins auraient été volés (soit aujourd’hui l’équivalent de 15 milliards de dollars) sur cette plateforme d’échange de crypto qui a depuis fait faillite.

La France s’est ainsi dotée en mai 2019 d’un premier cadre juridique afin de permettre aux particuliers d’identifier les prestataires de confiance. Celui-ci sera pleinement opérationnel dans quelques jours. En effet, à partir du 19 décembre, tous les prestataires proposant des services de conservation ou d’achat-vente de cryptoactifs contre des monnaies ayant cours légal (euro, dollar…) vont nécessairement devoir s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour être actives dans l’hexagone. « Ces plateformes devront avoir présenté un certain nombre d’éléments de sérieux pour pouvoir exercer en France. L’AMF s’assure de l'honorabilité et la compétence des dirigeants, du respect des dispositions contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme », explique à MoneyVox Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l’AMF.

A défaut, le régulateur se réserve la possibilité de publier une liste noire des intermédiaires non enregistrés, accompagnée d’une mise en garde du public et de demander en justice le blocage de l’accès à ces sites internet. A quelques jours de la date limite, seules 5 sociétés sont officiellement habilitées, dont Coinhouse, SheeldMarket et StackinSat.

L’activité d’achat-vente de crypto reste complexe

Or, sans ces intermédiaires, les particuliers ne peuvent pas acheter du bitcoin, de l’ethereum, du ripple ou l’un des 7 000 crytoactifs existants. Pour avoir accès à ce marché, il est en effet nécessaire d’ouvrir un compte sur une plateforme d’échange. En France, Kraken, Paymium ou encore Coinhouse – qui, elle, s’est d’ores et déjà enregistrée auprès de l’AMF - font partie des plus utilisées. Ensuite, il est conseillé de conserver ses cryptoactifs dans un portefeuille sécurisé, appelé « wallet », afin d’éviter le risque de piratage.

S’ils peuvent être dématérialisés, ces wallet prennent souvent la forme de clés USB, comme ceux proposés par la start-up française Ledger qui fait partie des leaders mondiaux des portefeuilles pour cryptomonnaies. En se branchant à des places de marché, certaines enseignes, plus grand public, proposent à la fois d’acheter et de conserver ces actifs, ce qui participe à rendre l’achat de cryptomonnaies plus accessible. C’est le cas, par exemple, de la néobanque Revolut ou du courtier eToro, pas encore référencés par l’AMF. En contrepartie, ces intermédiaires prélèvent leurs propres frais. eToro retient ainsi une commission de 0,75% sur les transactions en bitcoin, de 1,90% sur l’ethereum ou encore de 2,45% sur le ripple.

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Un marché non régulé particulièrement risqué

Cette facilité d’accès peut poser question. Car, si les législations commencent à encadrer les intermédiaires, les cryptoactifs demeurent un marché non régulé, particulièrement spéculatif, et volatile. Illustration le 26 novembre où, en moins de 10 heures, le bitcoin a perdu plus de 10% de sa valeur. Soulignons aussi que, depuis sa création en 2009 par le mystérieux Satoshi Nakamoto, le cours du bitcoin a 90% du temps été en deçà de 10 000 dollars et même 68% du temps en-dessous de 1 000 dollars. « Historiquement, le cours du bitcoin ressemble à une série de montagnes russes, rappelle Claire Castanet. Si un épargnant est prêt à se lancer, il ne doit investir que ce qu’il est prêt à perdre », donc en aucun cas liquider son Livret A et autres livrets d’épargne pour se lancer dans la crypto.

Cette volatilité extrême vient du fait que le cours des cryptomonnaies dépend seulement de l’offre et de la demande, sans sous-jacent économique, ce qui n’est pas le cas des produits financiers classiques. Par exemple, « Les actions d’entreprises, ce sont des parts de capital. Il y a une structure, il y a un objet social, des employés, une production… des choses tangibles. Le bitcoin c’est complètement différent », illustre la porte-parole de l’AMF.

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Sur ce marché très spéculatif, un seul gros investisseur peut, en fonction de ses décisions, orienter sa valorisation. C’est ce qu’il s’est passé en avril 2019 lorsqu’un financier a voulu acheter 21 000 bitcoins, provoquant en moins de 2 heures l'envolée de 20% de son cours.

De plus, s’agissant du bitcoin, l’immense majorité de cette cryptomonnaie est concentrée dans les mains d’une poignée d’individus. En effet, comme le souligne la société de conseil Flipside Crypto, citée récemment par Bloomberg, 2% des comptes abritent 95% du bitcoin.

Dans tous les cas, pour espérer faire une plus-value sur le bitcoin, il faut tenter d’en acheter quand il est peu coté, comme pour n’importe quel actif. Aujourd’hui avec une valorisation proche des 20 000 dollars, le moment n’est pas propice à l’achat de bitcoins. « Il faut s’interroger quand le cours est haut sur « est-ce le bon moment d’acheter ? ». Or le bitcoin est en train de frôler son plus haut historique », souligne également la directrice des relations avec les épargnants de l’AMF.

Le bitcoin, un aimant à escroqueries

A cause de ce nouvel engouement pour les cryptos, le régulateur s’inquiète du risque de voir apparaître de nouvelles escroqueries dans les semaines à venir. « La flambée du cours du bitcoin fin 2017 avait été suivie d’une explosion des arnaques aux crypto-monnaies, nous redoutons le même phénomène, car les personnes nous appellent une fois qu’elles ont investi et se sont rendues compte qu’elles avaient été escroquées, redoute Claire Castanet. En 2017 et 2018, la fièvre du bitcoin touchait tout le monde, les jeunes mais aussi des personnes plus âgées, des retraités, qui avaient envie de suivre le mouvement, mais qui bien souvent ne se rendaient pas compte de la nature intrinsèquement risquée de ces actifs dont il faut comprendre un minimum la technologie », poursuit-elle.

S’il est trop tôt pour observer la montée des escroqueries consécutives à ce nouveau pic du cours, l’AMF rappelle tout de même que les arnaques aux cryptoactifs sont devenues la deuxième source de réclamation derrière le Forex. « Notre centre de relations avec le public a parfois au bout du fil des gens qui n'investissent pas, qui n’ont qu’un livret et qui, pourtant, se posent la question d’aller acheter des crypto-monnaies. Ils en entendent parler dans les journaux et se disent « pourquoi pas moi, cela me permettrait de bénéficier d’une martingale ». Mais ils se leurrent », insiste la porte-parole de l’AMF.

A ce propos, Le Monde, en partenariat avec un consortium international de journalistes, vient de révéler les rouages des escroqueries aux cryptomonnaies. D’abord, les internautes sont attirés par une publicité vantant une promesse de gains alléchants. Les victimes commencent par miser une petite somme, qui semble fructifier vite. A ce moment, de faux conseillers les incitent à mettre plus d’argent, mais lorsqu’ils demandent à récupérer leurs gains, silence radio. Les victimes comprennent que leur argent est, en fait, allé directement dans la poche des escrocs. Ces derniers peuvent ensuite revendre les coordonnées des personnes flouées à d’autres arnaqueurs. D’où l’importance de bien vérifier la fiabilité des plateformes.

En résumé,

  • Le bitcoin, comme l’ethereum, le ripple ou encore le bitcoin cash (différent du bitcoin !), sont des actifs non régulés extrêmement volatiles.
  • Avant de vous lancer, il est nécessaire de cerner un minimum ce qu’est un cryptoactif et comment la blockchain - la technologie qui permet de les échanger - fonctionne.
  • Si vous souhaitez en acheter, il faut commencer avec une petite somme et surtout ne miser que ce que vous êtes prêt à perdre. Actuellement, le cours du bitcoin ne plaide pas pour en acheter.
  • Pour éviter de tomber dans une escroquerie, passez par les intermédiaires enregistrés par l’AMF.
  • Les plateformes retiennent des frais, qu’il faut comparer avant d’y ouvrir un compte.

Voir notre comparatif des plateformes pour acheter du bitcoin