A l’instar de KissKissBankBank ou de Prêt d’Union - devenu Younited Credit - Babyloan fait partie des pionniers du crowdfunding en France. La plateforme de microcrédit solidaire se lance désormais dans l’univers de l’épargne, avec Babyloan Impact, nouvelle enseigne affichant une promesse de rendement allant jusqu'à 5% brut ! Les explications du fondateur, Arnaud Poissonnier.

Arnaud Poissonnier

Arnaud Poissonnier, fondateur de Babyloan et de « Babyloan IMPACT »

Lancé en 2008, Babyloan fait partie des précurseurs du financement participatif. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour créer un produit d’épargne ?

Arnaud Poissonnier : « Je m’en mords les doigts tous les jours ! Je pensais que notre proposition de microcrédit solidaire était suffisamment puissante, et qu’il était important que ce soit des prêts gratuits - dès lors qu’ils sont solidaires - dans des pays en développement. Nous étions dans une démarche philanthropique, donc sans promesse de rendement pour les Babyloaniens. Cependant, en 2017, nous avons absorbé MicroWorld, numéro 2 du microcrédit solidaire en France. Ils étaient loin de nous, statistiquement parlant, mais eux avaient un outil très performant permettant le prêt rémunéré. Nous aurions dû lancer le prêt rémunéré après ce rachat, en 2017. Babyloan n’est toujours pas rentable, en 12 ans d’existence. Notamment car le prêt moyen de la part des Babyloaniens est de 90 euros, alors que l’investissement moyen des prêteurs sur les plateformes proposant une rémunération est d’environ 1 200 euros. Il est donc important pour nous de proposer aussi une solution de prêt rémunéré, ‘‘Babyloan IMPACT’’, tout en conservant notre plateforme initiale, Babyloan. Sinon notre modèle sera en danger. »

Prêt ou microprêt solidaire, mode d’emploi

Sur Babyloan, les micro-entrepreneurs (du Pérou, du Cambodge, d’Indonésie, d'Équateur, du Bénin, du Honduras, d'Haïti…) présentent leurs projets (montant moyen 560 euros) sur la plateforme. Les contributeurs, ou « Babyloaniens », prêtent un minimum de 10 euros. Ils sont ensuite remboursés chaque mois, sans aucun intérêt d’emprunt.

Sur Babyloan Impact, le fonctionnement est le même, mais le ticket d’entrée pour les prêteurs-investisseurs est de 1 000 euros, et les projets financés nécessitent de plus gros emprunts. Le remboursement se fait avec intérêts d’emprunt, à l’image des plateformes de crowdlending (le financement participatif sous forme de prêts) dédiées aux PME en France ou en Europe. Le taux d’intérêt envisageable, avant fiscalité et avant défaut de remboursement éventuel, est annoncé entre 2% et 5%.

Avez-vous dû réclamer un nouveau statut pour devenir une plateforme de prêts rémunérés ?

A.P. : « Non, nous exerçons avec le statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP) : c’est le même statut pour le prêt rémunéré et non rémunéré. Seuls les montants plafonds changent. En revanche, nous allons probablement demander le statut de conseiller en investissements participatifs (CIP) afin de pouvoir proposer des prêts sous forme de minibons à des investisseurs institutionnels, pour lesquels l’investissement moyen grimpe à plus de 20 000 euros. »

« Seuls 30% des Babyloaniens refusent catégoriquement le prêt rémunéré »

Avec Babyloan Impact, vous adressez-vous à une autre cible d’épargnants qu’avec Babyloan ?

A.P. : « Pas forcément. Statistiquement, sur Babyloan, les prêteurs ont en moyenne 42 ans, sont cadres moyens ou supérieurs, à 53% des hommes, 47% des femmes… Nous pensons que nous ne sommes déjà pas très loin de la cible. Au total, nous avons 90 000 membres, lesquels ne sont évidemment pas tous actifs, sur Babyloan et MicroWorld. Quand nous les avons interrogés, un peu plus de 30% se sont montrés intéressés par les prêts rémunérés, et seuls 30% refusent catégoriquement cette idée. »

Vos membres actuels seront donc votre cible prioritaire pour Babyloan Impact ?

A.P. : « Oui. Ensuite, nous allons essayer de revenir dans les médias. L’importante visibilité médiatique dont nous avons bénéficié au lancement de Babyloan nous a longtemps porté. Pour Babyloan Impact, nous ferons aussi un peu de publicité sur internet, chose que nous ne pouvions pas nous permettre avec le modèle économique de Babyloan. »

Comment financez-vous cette nouvelle phase de développement, alors que l’entreprise n’est pas encore rentable ?

A.P. : « Tout d’abord nous avons une communauté d’actionnaires extrêmement bienveillante. Parmi nos 350 actionnaires, on compte des institutionnels, mais aussi des utilisateurs de Babyloan qui ont investi dans nos fonds propres via une opération de crowdfunding. Nous allons à nouveau avoir besoin de fonds propres, car nous allons créer une filiale pour Babyloan Impact. Nous passerons à nouveau en partie par le crowdequity. »

Comment la plateforme Babyloan Impact va-t-elle se rémunérer ?

A.P. : « A deux niveaux. Le premier, une prime de succès : nous percevons un pourcentage de la collecte, de 2%, si elle est complète à 100%. Enfin nous percevons une marge sur le taux d’intérêt, de 2% à 3%. Cela signifie, pour un taux d’intérêt brut de 5% annoncé aux prêteurs-investisseurs, que les emprunteurs remboursent à un taux supérieur. »

Pourquoi le ticket d’entrée est-il si élevé, avec un investissement minimal de 1 000 euros ?

« Nous ne voulons pas phagocyter Babyloan : les deux plateformes sont utiles et complémentaires »

A.P. : « Effet, il est volontairement élevé. Tout d’abord car nous ne voulons pas phagocyter Babyloan : les deux plateformes sont utiles et complémentaires, et les montants sont bien plus faibles sur Babyloan. Nous sommes donc plus élitistes sur Babyloan Impact, même si les utilisateurs actuels de Babyloan peuvent eux y investir à partir de 500 euros. »

Les projets des deux plateformes seront-ils si différents ?

A.P. : « Babyloan, c’est de la microfinance. Le microcrédit moyen est de 600 euros : les projets sont souvent individuels, avec une importante part d’agriculteurs. Babyloan Impact, c’est la mésofinance : une taille intermédiaire. L’emprunt moyen est plutôt de 30 000 à 50 000 euros, et les projets sont plus souvent collectifs. Il peut s’agir de besoins financiers d’une coopérative agricole, ou du soutien de l’élevage dans une région particulière, par exemple. »

Vous annoncez jusqu’à 5% d’intérêts bruts pour les investisseurs. Le crowdlending occasionne des défauts de paiement. N’y a-t-il pas un risque de déception ?

« Nous avons une gestion du risque honorable, avec 95% de remboursements en 12 ans »

A.P. : « Tout d’abord, sur Babyloan, alors qu’il s’agit de prêts solidaires dans des pays en développement, nous avons une gestion du risque honorable, avec 95% de remboursements en 12 ans. Nous continuons à travailler avec les mêmes partenaires pour Babyloan Impact et espérons donc maintenir cette bonne gestion du risque. Après, le risque, c’est le lot de toutes les plateformes de crowdlending. Évidemment ce risque existe ! Et nous ne promettons d’ailleurs pas des taux allant jusqu’à 10% comme certaines plateformes, car nous restons dans une optique de finance solidaire. Des taux de remboursement trop élevés ne seraient pas acceptable sur le terrain. »

Certains projets proposés sur Babyloan Impact sont en crédit in fine, solution plus risquée qu’un crédit amortissable classique : pourquoi ?

A.P. : « Nous allons financer de nombreuses coopératives agricoles. Or, elles ont le plus souvent besoin de solutions à court terme, sur 9 à 10 mois, afin de financer une récolte. Or les revenus tirés de la récolte ne tombent qu’à la fin de ce cycle, c’est la raison pour laquelle nous proposons des crédits in fine. D’ailleurs, tous les projets dont la durée de remboursement prévue est supérieure à 12 mois seront en crédit amortissable. Nous réservons le prêt in fine aux projets à courte échéance. »