Le Copiesas, le comité chargé par le gouvernement d’esquisser les pistes de réforme de l’épargne salariale, a remis son rapport la semaine passée. Résultat : 31 propositions. Toutes vont-elles se concrétiser ? Lesquelles font débat ? Entretien avec Christophe Castaner, député PS et vice-président du Copiesas (1).

Quand saura-t-on quelles propositions sont retenues par le gouvernement ?

« Nous pensions avoir plus de temps pour élaborer nos propositions au sein du Copiesas. Notre calendrier a été bousculé par celui de la loi Macron. Nous avons demandé à ce que la partie relative à l’épargne salariale ne soit pas intégrée dès la première version du projet de loi, afin de pouvoir prendre en compte les discussions en cours avec les partenaires sociaux. Mercredi 10 décembre, au moment de la présentation de la loi Macron, le ministre de l’Economie va tout de même expliquer l’esprit de la réforme de l’épargne salariale. Et quatre articles du projet de loi portent sur l’épargne salariale. Le reste fait donc l’objet de discussion. Certaines de nos propositions ont déjà reçu l’accord du gouvernement, d’autres le gênent, certaines réclament une expertise. Les propositions retenues seront intégrées sous forme d’amendement au moment de la discussion au Parlement [début 2015, NDLR]. »

Le comité que vous avez animé mêlait syndicats salariés et patronaux, gestionnaires de fonds et parlementaires. Êtes-vous parvenu à un consensus ?

« Il y a eu un relatif consensus. Pas sur toutes les propositions. Les partenaires sociaux ont notamment tenu à exprimer certaines réserves en annexe du rapport. Cependant, par nature, avec l’épargne salariale, nous sommes sur des sujets qui ne sont pas tranchés. Exemple, au niveau des gouvernements successifs, il y a toujours une forme d’hésitation sur l'objectif de l’épargne salariale : préparer la retraite ou aider au pouvoir d’achat. Cependant, sur certains objectifs, il y a clairement un consensus : la simplification des dispositifs [intéressement, participation, Plan épargne entreprise (PEE), Perco, etc., NDLR], son développement dans les TPE et PME, le financement de l’économie réelle, etc. »

Quelle mesure préconisée par le comité va le plus fortement impacter les salariés ?

« Nos trois premières propositions visent à favoriser l’accès à l’épargne salariale dans les TPE-PME. A ce jour, 20% des employés des entreprises de 10 à 49 salariés ont accès à une formule d’épargne salariale, 12% dans celles de moins de 10 salariés, contre 83% dans les autres. Rendre l’épargne salariale accessible aux salariés des TPE et PME, cela me semble impacter un grand nombre de particuliers. »

Ces trois propositions répondent à une logique d’incitation…

« C’est exactement cela. Nous avions deux possibilités : imposer un dispositif d’épargne salariale, obligatoire, dans toutes les entreprises bénéficiaires. Ou favoriser l’accès dans les TPE et PME avec des mesures d’incitation. Nous avons choisi la deuxième option, avec un avantage fiscal pour les TPE et PME [exonérer ces entreprises de forfait social lorsqu’elles optent pour la première fois pour un dispositif d’épargne salariale, NDLR], avec un effet de lissage lorsque l’on passe le seuil de 50 salariés [possibilité de prolonger un accord d’intéressement plutôt que d’obliger l’entreprise à mettre en place de la participation, NDLR], avec le Livret E… »

Le Livret E, réservé aux entreprises de moins de 11 salariés, a déjà été critiqué par plusieurs acteurs du marché : syndicats, sociétés de gestion, experts-comptables, etc.

« J’écoute ! Au sein du Copiesas, les différents acteurs assis autour de la table n’avaient pas un avis aussi tranché… Concrètement, le Livret E (2) est une proposition portée par le Fondact [association siégeant au Copiesas et qui se définit comme « militant pour le développement de la participation des salariés à la vie de l’entreprise sous toutes ses formes », NDLR]. Je ne sais pas si cela va fonctionner. Sur le fond, les critiques sont légitimes : ils ont raison de s’interroger sur la sécurité de l’épargne placée sur le Livret E. Cet argent, il est au salarié ! Il faut donc veiller à ce qu’il soit garanti. Nous devons donc prendre en compte ces remarques. »

Tous les acteurs du marché s’accordent sur la nécessité de simplifier l’épargne salariale. Mais votre rapport et donc a priori la réforme à venir n’incluent pas d’harmonisation générale.

« Sur la simplification, nos propositions sont modestes (3). Nous nous sommes rendu compte que l’on ne peut pas tout bouleverser. Mais je pense qu’il est tout de même possible de changer la donne. Nos propositions doivent permettre de développer l’épargne salariale, dans un maximum d’entreprises. Déjà, de cette manière, on replace l’épargne salariale au cœur de l’entreprise. A partir du moment où le chef d’entreprise en parle avec ses salariés, il y a une forme de simplification. De cette manière, ils pourront se l’approprier. »

(1) Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié. Le président du Copiesas est le Premier ministre Manuel Valls. Il est animé par son vice-président Christophe Castaner.

(2) Livret dont la rémunération serait supérieure au Livret A mais sur lequel les sommes versées seraient indisponibles pendant 5 ans minimum. Pour la TPE, ce Livret E aurait l’avantage d’éviter une sortie de « cash » puisque l’argent placé resterait en trésorerie.

(3) Parmi les propositions du Copiesas figure l’harmonisation de certaines règles de la participation et de l’intéressement, tout en laissant les deux dispositifs coexister ; la mise en place d’une offre de conseil indépendant aux épargnants salariés, assurée par un professionnel habilité ; la création d’un site web grand public dédié à l’épargne salariale ; le fait que l’intéressement sera versé par défaut sur un PEE faute d’indication contraire du salarié, etc.