« Les Français pourront partir en vacances en juillet et août », promet le gouvernement. Toutefois, avec une offre touristique sous contrainte, de possibles restrictions locales et un budget revu à la baisse pour certains, de nombreux particuliers vont rester près ce chez eux cet été. Bonne nouvelle : ce n'est pas synonyme de vacances ratées, comme nous l’explique Christophe Marchais, directeur adjoint d'ADN Tourisme.

ADN Tourisme est le nom de la Fédération nationale des organismes institutionnels du tourisme qui rassemble les Offices de Tourisme de France, Tourisme & Territoires et Destination Régions.

Avec des déplacements contraints, le tourisme local va-t-il être la grande tendance des vacances estivales ?

« C'est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir le patrimoine culturel local »

Christophe Marchais : « La limite des 100 kilomètres n’est pas définitive. C’est la règle en vigueur jusqu’au 2 juin. Fin mai, le gouvernement va s’exprimer sur l’acte 2 du déconfinement et notamment sur l’évolution de ce périmètre géographique. Si celui-ci s’étend, cela changera complètement la façon dont les Français pourront passer leurs vacances estivales. En revanche, si, cet été, cette limite reste localement en vigueur, c’est effectivement l’occasion pour les vacanciers de découvrir ou de redécouvrir le patrimoine culturel local. Ils peuvent aussi profiter de ces activités accessibles pour occuper les longs week-ends à venir, celui de l’Ascension et de Pentecôte. Limite kilométrique ou pas, après 8 semaines de confinement, parfois passées dans des logements exigus et sans extérieur, les ménages qui auront les moyens de partir vont avoir un besoin impérieux de s’aérer. Charge, ensuite, aux acteurs locaux de repenser leur offre touristique en conséquence, de faire preuve d’ingéniosité pour l’adapter et faire vivre une expérience inédite aux visiteurs. »

A quoi pensez-vous ? Avez-vous en tête des exemples d’activités touristiques qui se sont d’ores et déjà adaptées à l’épidémie ?

Les mesures sanitaires peuvent « amener des éléments positifs comme des expériences plus intimistes »

C.M. : « Par la mise en place des règles sanitaires, l’accueil du public va, de facto, être modifié. Donc, des visites qui pouvaient autrefois réunir des dizaines de personnes ne pourront plus se dérouler ainsi. Outre la taille du groupe, les musées et autres lieux de loisirs vont devoir adapter les supports. Impossible, par exemple, de faire passer de mains en mains la documentation. Cela va nécessiter une adaptation qui peut se heurter à l’habituel lâché prise qui, par nature, va de pair avec les vacances. Toutefois, cette nouvelle approche peut aussi amener des éléments positifs comme davantage d’interactivité et des expériences plus intimistes. Je pense notamment, en Alsace, à un écomusée qui, plutôt que d’expliquer de manière théorique l’architecture des maisons à colombages, va mettre en place des stages pratiques, en petits comités, de sensibilisation à ce mode de construction. »

Le bon côté de cette crise peut donc être de permettre aux zones habituellement désertées pendant l’été de tirer leur épingle du jeu…

C.M. : « Habituellement, l’essentiel de l’activité touristique se concentre sur 20% à 25% du territoire. La période actuelle peut effectivement être l’occasion pour les Français de découvrir des endroits dans lesquels ils ne se seraient pas rendus habituellement et faire ainsi de belles découvertes ! »

Quels sont les lieux touristiques accessibles depuis le 11 mai ?

« Habituellement, l’activité touristique se concentre sur 20% à 25% du territoire »

C.M. : « Il faut distinguer les autorisations nationales, des accords locaux passés entre les collectivités et les préfets. Si on prend la règle nationale, elle prévoit que, jusqu’au 2 juin, seuls les musées de petite taille peuvent rouvrir. C’est-à-dire ceux qui ont une fréquentation locale. Ceci étant, plusieurs châteaux du Centre-Val de Loire, ayant une notoriété nationale voire internationale, ont obtenu du préfet une dérogation pour rouvrir, ce, dans la mesure où la contrainte de 100 kilomètres limite de facto le flux de touristes. » [Il s’agit notamment du Château du Clos Lucé, du Château royal d’Amboise, du Château de Chenonceau ou encore du Château et des jardins de Villandry, ndlr]

Compte tenu du contexte si particulier du coronavirus, les vacanciers ont-ils des outils à disposition pour s’informer des activités ouvertes et des modalités d’accès ?

C.M. : « Oui, notre fédération ADN Tourisme, en partenariat avec Atout France, dispose d’une base de données qui compile toutes les informations que les professionnels font remonter aux Offices de tourisme, aux départements et aux régions. Cela nous permet à un instant T de savoir quels établissements sont ouverts et quels sont ceux qui n’accueillent pas de visiteur. Mais cela va au-delà puisque nous recensons aussi, par ce biais, les protocoles sanitaires, les guides de bonnes pratiques validés au niveau national mis en œuvre dans les lieux touristiques. Toutes ces informations vont être cartographiées pour que le grand public puisse préparer leur séjour. Ces cartes s’adressent aussi aux start-ups qui peuvent ainsi nourrir leurs offres touristiques. »

Quand et où cette cartographie des lieux ouverts sera-t-elle accessible ?

Une cartopgraphie des lieux ouverts et des mesures sanitaires disponibles « courant juin »

C.M. : « Il y a encore tout un pan majeur et moteur de la filière touristique qui reste fermé : les cafés, les bars et les restaurants. Pour cette raison, beaucoup d’activités touristiques resteront fermées tant que la restauration le sera. Nous attendons donc les annonces du gouvernement fin mai. Pour l’heure, nous avons imaginé que ces cartes soient disponibles dans le courant du mois de juin. Elles seront consultables via les Offices de tourisme, via les comités départementaux et régionaux du tourisme. »

Avec les mesures barrières, le nombre maximal de personnes par activité va logiquement baisser. Pour compenser le manque à gagner, les musées et autres lieux touristiques vont-ils augmenter leur tarif ?

C.M. : « Nous n’avons pas à ce jour entendu de telles dispositions, l’objectif étant avant tout de faire revenir les publics dans les lieux de visite dans les mois à venir. »

Sur l’hébergement, quelle stratégie doivent adopter les vacanciers : réserver si possible ou attendre ?

C.M. : « Toutes les solutions d’hébergement n’en sont pas au même stade du déconfinement. Si les hôtels n’étaient pas concernés par l’obligation de fermeture, dans les faits, ils sont pour la plupart demeurés fermés durant le confinement faute de clients. Les gîtes, chambres d’hôtes et les locations de meublés ont pu rouvrir le 11 mai car les mesures barrières et les règles sanitaires sont plus facilement respectables. Il n’y a en effet pas, ou peu, d’espaces communs. En revanche, les campings restent sous la coupe du décret leur interdisant d’ouvrir. Et la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air a été claire sur le fait qu’il n’y aurait pas d’ouverture avant le 2 juin au mieux. Toutefois des décisions préfectorales viennent parfois modifier cette règle. De fait, je recommanderai aux vacanciers de profiter des activités locales pendant les 2 semaines à venir, puis, lorsque le périmètre de circulation sera connu et vraisemblablement étendu, de commencer à réserver leurs vacances. »

Des annulations facilitées en réponse à l’épidémie

Le 14 mai, le Premier ministre Edouard Philippe a réuni un comité interministériel du Tourisme. C’est en conclusion de celui-ci qu’il a annoncé que « Les Français pourront partir en vacances en juillet et août », sous réserve toutefois de l'évolution de l'épidémie et de possibles restrictions localisées. Bien qu’une incertitude demeure donc sur l’accessibilité des lieux touristiques en cas de nouvelle vague épidémique, les vacanciers « peuvent prendre leurs réservation » car « les acteurs du tourisme, de l'hôtellerie, se sont engagés à faire en sorte qu'ils soient intégralement remboursés dans l'hypothèse où l'évolution de l'épidémie ne rendrait pas possible le départ en vacances », explique le Premier ministre. Quelques heures avant cette prise de parole, le groupe de locations saisonnières, Pierre&Vacances, annonçait que les annulations seraient possibles et gratuites jusqu’à 3 jours avant le début du séjour.

Est-ce que décaler les vacances scolaires pour mieux répartir les vacanciers et soutenir le secteur est envisagé ?

C.M. : « ADN Tourisme a soutenu auprès du gouvernement une proposition de décaler la rentrée scolaire d’une semaine, récupérable sur les vacances de la Toussaint, voire de deux semaines, comme le préfèreraient les professionnels. Bien que le débat ne soit pas totalement clos, il semblerait que ce soit trop difficile à mettre en œuvre pour le ministère de l’Éducation nationale ».