Même en cas de validation de la réforme des retraites ce vendredi par le Conseil constitutionnel, le possible référendum d'initiative partagé (RIP) n'empêcherait pas Emmanuel Macron de promulguer la loi, censée entrée en application au 1er septembre. Pas si sûr...

Le Conseil constitutionnel est très attendu ce vendredi après-midi. Aux alentours de 18 heures, les Sages vont annoncer s'ils censurent plusieurs articles ou la totalité de la réforme des retraites. Les neuf membres de l'institution doivent aussi se prononcer sur la suite à donner au RIP, ce référendum d'initiative partagé qui a été déposé sur leur bureau dès le 49.3 utilisé par le gouvernement en mars.

En cas de validation légale par le Conseil constitutionnel, les élus à l'origine de la démarche auront ensuite 9 mois pour convaincre 4,8 millions de Français inscrits sur les listes électorales en âge de signer ce RIP pour organiser un référendum sous un an, si l'Assemblée nationale et le Sénat ne votent pas sur le nouveau texte proposé par le RIP. Selon un sondage réalisé pour Le Figaro cette semaine, 74% des Français se disent prêts à signe 'certainement' ou 'probablement' ce texte.

Les conditions requises pour le référendum (signatures de parlementaires, champ de la proposition...) semblent réunies et le feu vert au RIP par le Conseil constitutionnel est « probable », selon Lauréline Fontaine, professeure de droit public, citée par l'AFP.

Que devient la loi en cas de RIP ?

Si la réforme des retraites n'est pas censurée dans son ensemble, rien n'empêchera le président de la République Emmanuel Macron de promulguer la loi et de tenir son calendrier pour une entrée en vigueur du nouveau texte à partir du 1er septembre. L'âge légal de la retraite serait alors relevé progressivement de trois mois par an pour atteindre 64 ans en 2030. Il faudra alors aussi justifier de 43 années de cotisations pour une pension à taux plein.

Problème, le RIP est en réalité un contre-projet de loi qui induit une forte incertitude, tant pour le pouvoir que pour les salariés. Dans la proposition de loi signée par 250 parlementaires de l'aile gauche, il est prévu que l'âge de départ à la retraite ne puisse pas dépasser les 62 ans. « D'un point de vue logistique, l'acceptation du RIP « risque de paralyser la mise en œuvre » de la loi car, « il est compliqué de reculer l'âge pendant quelques mois et de revenir en arrière ensuite », commente dans les colonnes du Parisien le professeur de droit public à Sciences-po, Guillaume Tusseau.

Dans une tribune largement commenté au Monde, le constitutionnaliste Dominique Rousseau avait jugé « souhaitable » une pause en cas de validation du RIP ce vendredi par les Sages pour, à la fois, ne pas attiser les colères et « éviter tout conflit avec la procédure référendaire. (...) On risque de se retrouver au bout du compte avec deux lois, l'une portant l'âge de départ à la retraite à 64 ans et l'autre le maintenant à 62 ans. On sera alors dans un conflit de normes. »

Le RIP a été créé pour modifier la loi

Mais dans le Le Figaro, Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, et Jean-Pierre Camby, professeur associé à l'université Paris-Saclay, jugent que cet âge annoncé - 62 ans - peut être analysé comme une « contrainte la loi future » et faire tiquer les Sages. « Seule la Constitution peut en effet soumettre la loi à des prohibitions ou à des obligations », précisent-ils. Pour se prémunir de cette situation, la Nupes a d'ores et déjà déposé jeudi 13 avril une deuxième demande de RIP

Le RIP pourrait donc avoir pour effet de retarder la mise en œuvre de la réforme même si, en cas de non-application d'une loi, le Conseil d'État pourrait aussi contraindre le gouvernement à appliquer le texte voté par 49.3 et non censuré par le Conseil constitutionnel.

De plus, « l'essence du RIP est de revenir sur une loi existante en la modifiant. Il ne peut en aucun cas suspendre une loi », rappelle le professeur de Droit public, Philippe Blachèr, dans Capital. En clair, seuls une validation du texte, même partielle, et un rejet du RIP, par les Sages peuvent éclaircir l'avenir d'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne. Et clarifier l'avenir de millions de futurs retraités.