Après plusieurs semaines de concertation, Eric Woerth, ministre du travail, a présenté ce mercredi matin son projet de réforme des retraites, qui prévoit notamment le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018, l’allongement de la durée de cotisations et l’alignement des cotisations des fonctionnaires avec le privé.

Amendable jusqu’à vendredi, le projet sera présenté le 13 juillet en conseil des ministres, avant son passage devant le Parlement en septembre.

Selon le gouvernement, les mesures d'âge permettront à elles seules de réduire de 50% les déficits d'ici 2018. S'y ajoutent 4 milliards d'euros d'économies dans la fonction publique et 4,4 milliards de recettes nouvelles, via la taxation des hauts revenus et des revenus du capital.

Eric Woerth a d’emblée annoncé la nécessité de la réforme: « En matière de retraites, nous avons devant nous, si nous ne faisons rien, des années de déficit. Des années de pensions de retraite payées à crédit. Bref, des années d'affaiblissement de notre pacte social », a-t-il expliqué devant la presse, avant de présenter les points essentiels de cette réforme.

Age légal de départ relevé à 62 ans en 2018

Le gouvernement prévoit de relever progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans d’ici 2018, par une augmentation de quatre mois tous les ans, à partir du 1er juillet 2011. Ainsi les assurés nés après le 1er juillet 1951 pourront prendre leur retraite à compter de 60 ans et quatre mois. Ceux qui sont nés en 1952 verront leur âge de départ porté à 60 ans et huit mois et ainsi de suite.

Ce relèvement concerne également tous les fonctionnaires dont l’âge d’ouverture des droits est aujourd’hui fixé à 60 ans, ainsi que les régimes spéciaux, pour lesquels le recul s’appliquera avec un décalage dans le temps, à partir de 2017.

Augmentation de la durée de cotisation

Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite s’accompagne d’une augmentation de la durée de cotisations nécessaire pour une pension à taux plein. Celle-ci, qui aura atteint 41 ans en 2012, sera portée à 41 ans et trois mois à partir de 2013, pour les générations de 1953 et 1954.

D’ici 2018, l’âge du taux plein qui permet au travailleur de partir sans décote devrait subir un décalage de 2 ans, de 65 ans à 67 ans.

Alignement des cotisations des fonctionnaires avec le privé

Le projet de réforme prévoit l’alignement sur 10 ans du taux de cotisations retraite des fonctionnaires sur celui du privé, le faisant passer de 7,85% à 10,55%.

Le gouvernement prévoit également de fermer dès 2012 le dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant 15 ans de service. Seuls les parents ayant déjà trois enfants en 2012 pourront encore bénéficier de ce dispositif, qui concerne en majorité les femmes.

La pénibilité devra être avérée pour justifier un départ à 60 ans

La pénibilité du travail sera prise en compte dans la réforme, mais elle devra être avérée médicalement et sera estimée au cas par cas. Ainsi, les salariés, ayant une incapacité physique d’au moins 20% constatée médicalement, pourront partir en retraite à 60 ans, avec une pension à taux plein.

Ce dispositif devrait concerner 10.000 personnes selon le gouvernement, qui prévoit également de mettre en place un carnet de santé individuel au travail obligatoire, pour les salariés exposés à des risques professionnels.

Des mesures pour les femmes, les jeunes précaires et les agriculteurs

Les jeunes en situation précaire bénéficieront de trimestres validés supplémentaires lorsqu'ils sont au chômage non indemnisé, le nombre de trimestres d’assurance validés au titre de la première période de chômage non indemnisé passera de 4 à 6, selon le projet de réforme dévoilé ce mercredi.

Pour les femmes, afin d'« empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension de retraite », l’indemnité journalière perçue pendant le congé maternité entrera désormais dans le salaire de référence sur la base duquel sera calculée la pension de retraite.

L’accès au minimum vieillesse (709 euros pour un célibataire) sera facilité pour les agriculteurs, afin d’éviter que certains d’entre eux n’aient des pensions s’élevant à 300 ou 400 euros mensuels. D’autre part, les terres agricoles ne feront plus l'objet d'un recours sur succession. Enfin, le bénéfice de la retraite complémentaire obligatoire du régime agricole sera ouvert aux conjoints collaborateurs d'exploitation et aux aides familiaux, qui en sont exclus actuellement.

Création d’un prélèvement de 1% pour les hauts revenus

Faire contribuer les hauts revenus au financement des retraites était l’une des promesses du gouvernement. La réforme prévoit la création d’un prélèvement de 1% sur la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, celle-ci passera donc à 41% contre 40% actuellement, au nom d’une « contribution solidarité vieillesse », une hausse qui « ne sera pas prise en compte dans le bouclier fiscal", selon le ministre.

Plusieurs taxes sur le capital seront relevées, le prélèvement sur les stock-options sera également augmenté et les retraites-chapeaux devraient être davantage taxées. Ces différentes mesures devraient constituer une nouvelle recette de 3,7 milliards d’euros l'an prochain.

Seniors : une aide à l’embauche d’un an pour les chômeurs de 55 ans

Pour améliorer l’emploi des seniors, la réforme prévoit « une aide à l’embauche d’un an pour les chômeurs de plus de 55 ans » égale à 14% du salaire brut (dans la limite du Plafond de la Sécurité sociale, 2.885 euros par mois actuellement). Cette aide sera accordée pour toute embauche d'un demandeur d'emploi senior en CDI ou en CDD de plus de six mois.

Un développement du tutorat « pour assurer une transmission des savoirs au sein de l'entreprise et favoriser une fin de carrière plus valorisante pour les seniors » sera également mise en œuvre.

Le fonds de réserve servira à financer les déficits d’ici 2018

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) sera utilisé pour compenser les déficits accumulés par le système des retraites, jusqu'à un retour à l’équilibre prévu par le gouvernement pour 2018.

Créé en 1999 sous le gouvernement de Lionel Jospin, ce fonds de réserve, alimenté par un prélèvement social de 2% sur les revenus du patrimoine et de placement, devait en théorie n’être utilisé qu’après 2020. Mais d'après le projet du gouvernement, l'"accélération" des déficits rend "logique" de le "mobiliser plus tôt que prévu".

A la fin du premier trimestre 2010, les actifs du FRR atteignaient 34,5 milliards d'euros, après avoir traversé une période très difficile durant la crise financière, qui avait vu la valeur de ses actifs chuter à 27,7 milliards fin 2007.