Alors que les dévalorisations des prix des parts de SCPI se multiplient, une société de gestion vient de plafonner les demandes de retraits pour trois de ses fonds immobiliers. Un expert envisage même une chute de 30% des prix des parts de SCPI.

La situation se tend sur le marché de l'immobilier locatif. Dernier exemple : Sofidy. Cette société de gestion a récemment limité les demandes de rachats de trois de ses fonds immobiliers, selon les informations récentes de L'Agefi. Il s'agit de Sofidy Pierre Europe, Sofimmo et sa SCI Sofidy Convictions Immobilières.

Pour Sofidy, « ces mesures de plafonnement des retraits permettent de mieux organiser les sorties des épargnants en étalant les demandes de rachats. Ceci dans l'intérêt premier des épargnants, afin d'éviter un épuisement des liquidités qui aurait pour conséquence un blocage du fonds », rapportent Les Echos.

Cette décision est en partie due à l'augmentation rapide des taux d'intérêt et à un renversement du marché immobilier tertiaire, en particulier dans le secteur des bureaux en Ile-de-France.

« Des commerces peuvent être amenés à fermer, des bureaux sont inoccupés. Ces vacances peuvent être compliquées à gérer pour les fonds. Pour attirer de nouveaux acheteurs de leurs parts et faire face à leurs problèmes de liquidités, ils n'ont d'autre choix que de baisser leur prix », explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'épargne, interrogé par Ouest-France.

Les SCPI dans la tourmente

Plus globalement, certains fonds immobiliers, notamment les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont maintenant sous pression.

Depuis l'été dernier, des annonces significatives de dévalorisation des prix des parts ont été faites, sur fond de baisse des prix de l'immobilier. Par exemple, Sofidy a réduit la valeur des parts d'Effimo 1 et de Sofipierre de 10,5% et 9,2% respectivement. « Mais le gestionnaire assure qu'il n'y aura pas de baisse de prix de parts cette année sur les autres fonds de la gamme », précisent Les Echos.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) a mis en garde en juillet dernier contre les risques associés aux fonds investissant dans l'immobilier commercial.

La confiance des investisseurs individuels s'érode, entraînant une augmentation des rachats. En 2023, la collecte nette annuelle des SCPI est tombée à 5,7 milliards d'euros, un chiffre similaire à celui de 2020, une année marquée par la crise du Covid.

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Les SCI et OCI également dans le viseur

Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) principalement distribuées via l'assurance vie affichent une décollecte nette de 3 milliards d'euros sur 12 mois, selon Les Echos. Elle se chiffre à 543 millions d'euros pour les sociétés civiles immobilières en assurance vie (SCI).

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Ce contexte difficile soulève des inquiétudes quant à une crise de liquidité plus systémique dans le secteur. Cette préoccupation a été abordée lors de la dernière réunion du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), selon Les Echos.

Néanmoins, des experts du secteur, comme Jonathan Dhiver de Meilleurescpi.com, restent optimistes, estimant que le risque est limité et que le pire est passé pour les marchés immobiliers concernés. Même si des difficultés pour certains fonds pourraient se prolonger pendant encore 6 à 12 mois.

« Depuis 30 ans, le rendement moyen de la pierre-papier a toujours été supérieur à 4%, même en période de crise. Le prix des parts, lui, peut fluctuer, mais au long cours il reste globalement orienté à la hausse », indiquait récemment à MoneyVox Paul Bourdois, cofondateur de France SCPI.

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Résultat, les épargnants les plus impactés par les récentes baisses de valorisation sont ceux qui ont investi il y a peu. Ceux ayant une durée de détention supérieure à 8 ans, comme le préconise l'AMF, sont très rarement perdants.

« Les baisses sont vécues comme un choc par les épargnants, puisque dans l'imaginaire des Français, la pierre est associée à un sentiment de sécurité. Mais la SCPI est un placement qui comporte des risques. Et le meilleur allié face à ces risques, c'est le temps », complète Stéphane van Huffel, cofondateur de Netinvestissement, récemment interrogé par MoneyVox.

Investir dans les SCPI est une option à étudier mais uniquement si vous avez du temps devant vous. Et toutes les SCPI ne se valent pas. Par ailleurs, les baisses de prix ne sont pas encore terminées.

Une chute de 30% pour la valeur des SCPI ?

D'après Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Good Value for Money, « les demandes de rachats vont se poursuivre par effet domino. Les gestionnaires vont prendre des mesures temporaires de blocage des sorties et la valorisation d'un grand nombre de fonds va être revue à la baisse », indique-t-il aux Echos. Il anticipe ainsi une chute de la valeur des parts des SCPI de 30% dans les 18 prochains mois.

« Il ne faut pas céder à la panique dans un moment comme celui-là », selon Philippe Crevel. Autrement dit, se précipiter pour vendre ses parts ne serait pas toujours la meilleure option. « D'autant que parmi les SCPI qui diminuent le prix de leurs parts, certaines ont encore de bons rendements », indique l'économiste. Et de poursuivre : « Si vous constatez que votre SCPI est vraiment mauvaise, alors là oui, ce sera peut-être le moment de revendre. Mais sinon au contraire, ce serait même peut-être plus le moment de réinvestir ! ».

Actuellement, 24 SCPI sur environ 220 ont dévalorisé leurs actifs. Cependant, depuis le début de l'année, 11 SCPI ont augmenté le prix de leurs parts et de nouveaux fonds ont été créés, indiquant une certaine résilience du secteur. « On a pu penser que la SCPI était comme un Livret A. La situation que vivent ces véhicules d'épargne est donc plus un retour à la réalité qu'une crise », analyse Philippe Crevel.

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