Les chiffres des signalements aux autorités le montrent : les escroqueries restent en forte croissance en 2022. Une tendance de fond depuis une décennie, qui a encore accéléré avec la crise pandémique.

Arnaques au CPF ou à la carte Vitale, usurpations d'identité, cyberattaques : ces derniers mois, les appels à la vigilance se multiplient, de la part des banques, des régulateurs du secteur financier ou d'autres institutions. S'installe un sentiment diffus : nos comptes bancaires n'ont jamais été aussi en danger.

Une impression confirmée par les chiffres officiels : les escroqueries, en effet, sont en forte hausse. D'août à octobre 2022, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), chargé de comptabiliser et de publier les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie, a comptabilité près de 119 000 escroqueries (1). Un chiffre jamais atteint auparavant, en hausse de 5% par rapport aux trois mois précédents, qui ne reflète pourtant qu'imparfaitement la réalité du phénomène : on estime, en effet, que seule une escroquerie sur 5, environ, entraîne un signalement aux forces de l'ordre (2).

Une autre source, l'enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité » réalisée chaque année par l'Insee et le SSMSI, permet d'apprécier l'ampleur du phénomène. Selon cette étude, ce sont au moins 1,3 million de ménages français qui ont été victimes d'un ou plusieurs débits frauduleux sur leurs comptes bancaires en 2020.

Au fil des ans, le phénomène a fini par toucher une large part de la population. Selon notre sondage exclusif, réalisé en partenariat YouGov France (3), près de 40% des Français ont déjà subi un débit frauduleux, au moins, sur leur compte bancaire.

Un phénomène ancien qui s'accélère encore

S'il atteint des sommets encore inconnus, ce phénomène de hausse n'est pas nouveau. Sur la dernière décennie, le nombre d'escroqueries n'a, en effet, cessé de progresser. Il est ainsi passé, en cumul annuel, de 247 000 cas enregistrés par la police et la gendarmerie en 2012 à 423 000 en 2021, selon les chiffres de la SSMSI.

stats escroqueries SSMSI 2021

Ce qui est plus nouveau, c'est la courbe de cette hausse, qui s'est nettement infléchie depuis 2020. Plus précisément depuis le 3e trimestre 2020, lorsque que le cumul trimestriel a dépassé pour la première fois les 100 000 cas. Une date qui ne doit rien au hasard : elle correspond à la sortie du premier confinement, le plus strict, suite au déclenchement de la pandémie de Covid.

Depuis, la statistique n'est jamais redescendue sous ce seuil. Pire : après une relative stabilisation en 2021, les escroqueries sont reparties à la hausse depuis le début de l'année. « En septembre 2022, le nombre d'escroqueries enregistrées est nettement supérieur au niveau d'avant le premier confinement », note le SSMSI. Le total de l'année sera donc encore supérieur à celui de 2021 : les faits enregistrés dépassaient déjà les 374 000 à la fin octobre..

Le Covid a tout changé

Qu'est-ce qui a changé avec le Covid ? Comment la pandémie a-t-elle fait gonfler les escroqueries ? Si la réponse est multi-factorielle, un fait majeur domine, de l'avis de tous les observateurs. « Le Covid a entraîné une accélération des paiements digitaux », note ainsi Corina Fontaine, Partner paiements et infrastructures de marché au sein du cabinet Onepoint. Confrontés à l'obligation de rester chez eux, de nombreux Français, contraints et forcés, ont déplacé une partie de leur consommation sur internet. Les chiffres, là encore, le montrent : la part du e-commerce dans le commerce de détail est passé de 9,8% en 2019 à 13,1% en 2020 (4). Cela vaut aussi pour nombre de démarches administratives. Depuis, des habitudes ont été prises : nous avons transféré une partie de notre vie quotidienne dans l'univers numérique. Selon notre sondage (3), 55% des Français effectuent actuellement plusieurs paiements à distance par mois. Les allergiques au commerce en ligne sont devenus rares : seulement 7% des sondés.

Or c'est une bénédiction pour les escrocs : beaucoup plus que dans le monde physique, ils y trouvent des failles dans lesquels s'engouffrer. Et ils le font d'autant plus facilement que cette migration se déroule sans que les usagers aient toujours une bonne appréhension des risques.

(1) Source : SSMI Interstats, « Analyse conjoncturelle des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie à la fin du mois d'octobre 2022 ». (2) Source : SSMSI Interstats, « Insécurité et victimation : les enseignements de l'enquête Cadre de vie et sécurité édition 2021 », paru en mars 2022. (3) Enquête réalisée sur 1 003 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus. Le sondage a été effectué en ligne, sur le panel propriétaire YouGov France du 28 au 31 octobre 2022. (4) Source : Fevad, « Chiffres clés e-commerce 2021 ».