Vols annulés, impossibilité de se déplacer ou fermeture partielle des frontières... Les compagnies aériennes sont invitées à se montrer souple avec leurs clients mais certaines s'accommodent de la loi en proposant des avoirs plutôt qu'un remboursement. Ce qu’il faut savoir pour ne pas se faire piéger en période de crise sanitaire.

Vous aviez réservé un vol mais son avenir est incertain ? Après le confinement, le semi-confinement, la limitation des 100 kilomètres et le couvre-feu national, la France a fermé fin janvier ses frontières aux pays extérieurs à l’Union européenne, « sauf motif impérieux ». Quelles conséquences pour un voyage en avion prévu de longue date ? Une problématique qui s'ajoute à celles des remboursements en cours et des avoirs non utilisés dont la date d'échéance approche. Les éclairages de MoneyVox avec Khalid El Wardi, secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage, et Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir.

Vol annulé = vol remboursé (c’est la loi)

Lorsqu’une compagnie aérienne annule un vol (peu importe la raison de l’annulation) et que le passager n’a donc pas pu profiter de la prestation achetée, ce dernier doit être remboursé (peu importe aussi la nature de son billet : annulable ou non, modifiable ou non…). C’est ce que prévoit le règlement européen n° 261/2004, qui établit des règles communes à tous les pays membres de l’UE en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard d'un vol. La règlementation prévoit un remboursement « dans un délai de sept jours », au prix auquel le billet d’avion a été acheté. Cette indemnisation peut être effectuée « en espèces, par virement bancaire électronique, par virement bancaire, par chèque, ou, avec l'accord signé du passager, sous forme de bons de voyage ».

Remboursement via un avoir : seulement si le client est d’accord

La loi est donc très claire : les compagnies aériennes ont le droit de rembourser le vol annulé sous la forme d’un avoir mais uniquement si le consommateur est d’accord avec le principe de ce bon de voyage. En aucun cas les transporteurs ne peuvent imposer une indemnisation via un avoir. Une règle dont s’affranchissent de très nombreux acteurs, comme a pu le constater l’association UFC-Que Choisir. « 80% des principales compagnies aériennes que l’on a analysées, qui représentent elles-mêmes 80% du trafic aérien de passagers annuel en France, font la politique de l’autruche et ne proposent qu’un avoir, explique Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir. Elles forcent l’avoir au titre du remboursement ».

Une solution ? « Le respect de la loi c’est la première marche pour rétablir de la confiance, estime Raphaël Bartlomé. Les consommateurs sont prêts potentiellement pour certains à accepter un avoir, sous réserve qu’il soit valorisé ». En gros, qu’un vol payé 200 euros puisse faire l’objet d’un avoir à hauteur de 250 ou 300 euros par exemple. « Mais les valorisations que nous avons analysées étaient parfois de… 5 euros. Comment vendre du rêve en vous donnant 5 euros de plus alors que potentiellement les prix des billets vont augmenter après la crise ?, déplore le responsable du service juridique. Pour les avoirs, il faut qu’il y ait des garde-fous : une garantie financière [en cas de faillite de la compagnie], une valorisation, une moindre augmentation du prix des billets futurs… ».

Les démarches pour être remboursé d’un vol annulé

« Lorsqu’un consommateur a un litige avec un professionnel, la première étape de réclamation, c’est de tenter de résoudre le problème avec le service relation clientèle du professionnel mis en cause » rappelle Khalid El Wardi, secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage. Prenez donc contact avec la compagnie si elle ne l’a pas déjà fait de son côté. Si le transporteur aérien ne vous propose qu’une indemnisation du vol annulé sous forme d’avoir, vous êtes en droit de lui rappeler qu’il ne respecte pas la loi. Contactez son service client (par mail ou par téléphone) et faites entendre votre point de vue en demandant un remboursement en argent. Si l’idée d’un avoir ne vous rebute pas, vous pouvez également négocier avec la compagnie pour obtenir un montant supérieur à l’achat initial.

Malheureusement, les compagnies font souvent la sourde oreille et présentent le bon voyage comme seule solution possible. Pire encore : elles donnent parfois l’impression que le remboursement doit être accepté très rapidement sous peine de n’avoir droit à rien. Si les contacts par mail ou téléphone avec la compagnie aérienne ne donnent rien, vous pouvez lui adresser une lettre recommandée avec accusé de réception demandant le remboursement en argent de votre vol annulé. L’UFC Que Choisir met à disposition des consommateurs un modèle de lettre type.

En parallèle, « le second niveau de réclamation c’est de faire appel à un médiateur de la consommation, tel que le Médiateur du tourisme », précise Khalid El Wardi. Celui-ci pourra intervenir après une réponse négative de la compagnie aérienne ou après 2 mois sans réponse de sa part. « Nous estimons que 2 mois, c’est un délai « raisonnable » pour que le professionnel puisse répondre. A fortiori dans une situation telle que celle d’aujourd’hui où on constate que les services relations clientèle sont absolument débordés. Ce délai vise à éviter qu’un consommateur n’écrive au professionnel et nous envoie son dossier 2 jours après ».

La médiation Tourisme et Voyages garantit en temps normal un traitement du dossier sous 90 jours. Son rôle n’est pas forcément de donner raison au consommateur qui veut à tout prix un remboursement en argent. « Notre rôle c’est d’essayer de trouver une solution qui soit satisfaisante pour les deux parties. Le médiateur va proposer des solutions en équité et pas uniquement en droit. On a parfois des consommateurs qui nous disent : « Le principe de l’avoir en soi ne me dérange pas forcément mais les possibilités d’utilisation sont trop contraignantes, la durée n’est pas suffisante, je ne peux pas le céder à quelqu’un d’autre », etc. On va essayer de trouver une solution avec pour objectif : 1/ de ne pas faire « couler » un opérateur de voyage et 2/ faire en sorte que le client ne perde pas et son voyage, et son argent ».

La 3e et dernière étape pour une réclamation, si rien ne peut être fait à l’amiable et que la compagnie aérienne ne respecte toujours pas la règlementation, c’est de saisir les tribunaux. Cette démarche est souvent compliquée pour un particulier, d’autant que les sommes en jeu (le montant des billets d’avion) n’est parfois pas très élevé et que le coût d’un avocat peut dissuader. Pour Raphaël Bartlomé, l’action en justice engagée par l’UFC-Que Choisir va changer la donne pour les consommateurs. « On demande au tribunal judiciaire de Paris de condamner les compagnies à modifier leur communication, à proposer l’alternative [argent ou avoir] comme le prévoit la réglementation, sous peine d’astreinte par jour de retard. Plus elles auront du retard, plus elles seront sanctionnées ». Si elle obtient gain de cause, l’association estime que même les consommateurs qui auraient accepté un avoir (à contrecœur ou sous la menace) « bénéficieront de la possibilité d’un remboursement en argent ».

Le cas « compliqué » des vols assurés malgré les restrictions

Si la règlementation européenne oblige les compagnies aériennes à rembourser les clients pour les vols annulés, rien n’est prévu dans les textes (européens ou français) pour les vols maintenus mais que les consommateurs n’ont pas pu prendre en raison des restrictions de circulation instaurées par le gouvernement. « Dans cette situation-là, la compagnie aérienne a le droit pour elle et le consommateur pourrait perdre et son vol et son argent », explique Khalid El Wardi. « Mais on essaiera, en tant que médiateur, de dire aux compagnies le droit c’est une chose mais en équité, il faudrait au moins proposer un avoir et échanger en bonne intelligence ».

L’UFC-Que Choisir plaide de son côté pour une cohérence des réponses apportées à tous les vols contrariés par la Covid-19. Sans attendre de règles sur le sujet, certaines compagnies offrent cependant des conditions de report ou d'annulation du voyage très souples.

Air France, Easy Jet... quelle politique d'annulation ou de remboursement selon les compagnies ?

Chez Air France, pour les vols compris jusqu'au 30 septembre 2021, les conditions d'annulation sont très souples et donnent le droit à un avoir valable un an. Pour un remboursement en cas de vol maintenu, il faut contacter la compagnie.

Chez EasyJet, trois options en cas d'annulation ou d'impossibilité de prendre le vol :

  • Transfert gratuit sur un autre vol EasyJet. Cela inclut la possibilité de choisir différents aéroports d’arrivée ou de départ dans la mesure où ils se trouvent dans le même pays que votre réservation initiale.
  • Un avoir d’un montant égal à la valeur totale de votre billet et valable pendant 12 mois. Ce bon donne la possibilité de réserver un billet vers n’importe quelle destination du réseau EasyJet, quand l’occasion de voyager se présentera.
  • Demander un remboursement.

Pour le moment, Ryanair a supprimé ses frais de changement de vol pour les nouvelles réservations jusqu’au 21 mars 2021 et Transavia, la filiale d'Air France, explique que si vous ne souhaitez pas voyager, « vous pouvez demander le report de votre voyage jusqu’au 30 octobre 2021 inclus sans frais de modification. Vous pouvez faire cette modification jusqu’à 2h avant votre vol. Une différence de prix pourra cependant s’appliquer si le tarif du nouveau vol est plus élevé. »

Test PCR et motif impérieux

Mieux vaut donc reporter votre voyage ou l'annuler en amont, dans le contecte actuel, si vous n'êtes pas sûr d'obtenir un test PCR valide avant d'embarquer et de pouvoir justifier du motif impérieux de votre vol s'il est en dehors de l'Union européenne. « Il faut considérer ces exigences comme une formalité administrative au même titre que la présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport, pointe Khalid El Wardi. Si vous ne les respectez pas, dans ce cas, il sera difficile d'exiger valoir un remboursement ou même un avoir ».

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