Disparus célèbres ou anonymes, on en a tous entendu parler. Sans trace et sans nouvelle, les familles se raccrochent à un fol espoir. Mais il y aura peut être un moment où il faudra faire le deuil et ensuite régler les questions financières.

Elle n’est pas rentrée de son travail. Il est allé chercher du pain et n’est pas revenu. Cette personne adulte est-elle partie volontairement pour refaire sa vie ailleurs, se gardant bien de mettre ses proches dans le secret ? S’agit-il de l’envie de faire pendant quelques temps une pause loin de l’environnement habituel ? S’agit-il d’un accident en un lieu inaccessible ? A t-elle été victime d’un acte criminel ? Est-elle morte ou vive ? On cherche des pistes, on fait des suppositions mais on n’a pas de preuve.

En France, 40 000 personnes disparaissent chaque année, dont 10 000 ne sont jamais retrouvées. Outre le chagrin et la détresse, ces situations ont des implications juridiques, pratiques et financières pour les proches de la personne dont on ignore le sort.

Les conséquences de l'absence

Absence ou disparition ? Dans le langage courant, les deux mots s’emploient indifféremment pour désigner la situation où une personne n’est plus là sans que l’on sache avec précision quel a été son sort. En droit, les deux situations ne sont pas synonymes.

L’absent (e) est, juridiquement parlant, la personne qui a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on ait eu de ses nouvelles, explique l’article 112 du code civil. Il y a une incertitude, mais rien ne prouve qu’elle ne refera pas surface un jour.

Si la personne absente vous a laissé avant sa disparition une procuration pour la représenter et administrer ses biens et valeurs, vous pouvez continuer à l’utiliser. Quand il n’existe pas de procuration mais que la personne absente est votre conjoint, vous pouvez en vertu de votre régime matrimonial, gérer son patrimoine, et également les biens et valeurs qui font partie de la communauté légale.

Côté charges, la personne absente reste soumise à toutes ses obligations légales : participation aux charges du mariage, à l’entretien et l’éducation de ses enfants, pensions alimentaires à verser...

En pratique, si la personne absente n’a pas signé de procuration sur son compte bancaire personnel, la banque ne laissera pas son conjoint ni tout autre proche y accéder. Dans ce cas, il est possible d’obtenir en justice que soient fixées les sommes à prélever sur le patrimoine de l’absent (e) afin de les affecter à l’entretien de la famille, aux charges du mariage, et à l’éducation des enfants. Pour le logement qui constitue la résidence principale du couple marié, la vente nécessite l’accord des deux époux. Le conjoint de la personne absente devra solliciter en justice l’autorisation de vente.

Quand la personne absente ne laisse pas de conjoint, ses proches peuvent demander au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du lieu de situation de son domicile, l’autorisation d’exercer les droits et l’administration de ses biens.

Si bien entendu, elle ne touche plus de salaire puisque « absente » de son travail, sa pension de retraite doit continuer de lui être versée, a indiqué la Cour de cassation dans un arrêt de février 1998. La plus haute juridiction rappelle que la personne absente est considérée comme vivante jusqu’au jugement déclaratif d’absence.

De ce fait, ses droits et obligations sont maintenus comme pour toute autre personne. Son conjoint qui remplit les conditions d’âge et de ressources peut demander l’attribution d’une pension de réversion provisoire, disposent les articles L 353-2 et R 353-7 du code de la sécurité sociale. Mais, il n’est pas possible de cumuler la poursuite du versement de la pension de retraite du conjoint absent avec l’attribution d’une pension de réversion.

Par ailleurs, l’absence au sens de la loi, d’un héritier n’empêche pas le partage amiable d’une succession à laquelle il est appelé : la part de l’absent sera conservée sous le contrôle du juge, indique l’article 116 du code civil.

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Les étapes judiciaires

Après un an d’absence, s’ils le souhaitent, les proches peuvent demander au juge des contentieux de la protection de constater qu’il y a présomption d’absence, selon l’article 112 du code civil. Pour obtenir cette décision, il faut remplir le formulaire Cerfa n° 15603*03 Requête aux fins de constatation de présomption d’absence, et l’envoyer au tribunal judiciaire du lieu du domicile de la personne absente.

Dans un délai de dix ans à compter du jugement qui a constaté la présomption d’absence, ou un délai de vingt ans à compter de la disparition si aucun jugement n’a été préalablement rendu, les proches peuvent demander au tribunal judiciaire de rendre un jugement déclaratif d’absence. Ce dernier a juridiquement les mêmes conséquences qu’un décès avec l'ouverture de la succession de la personne : ses biens, valeurs et patrimoine sont répartis entre ses héritiers. Le jugement déclaratif d’absence entraîne également la dissolution du mariage, le conjoint de l’absent est autorisé à se remarier.

Le cas des droits acquis par les proches

Si ultérieurement, le décès vient à être établi (par exemple, on retrouve le corps de la personne), les droits acquis sans fraude par les proches sur le fondement de l’absence ne sont pas remis en cause, quelle que soit la date retenue pour le décès, prévoit l’article 119 du code civil. C'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation en mai 2017.

Malgré sa disparition, un homme recevait toujours ses pensions de retraite sur son compte bancaire. Son corps a été retrouvé huit ans plus tard. La caisse de la Mutualité sociale agricole a alors demandé au notaire chargé par la famille du règlement de la succession, de lui restituer les 95 026,77 euros de pension de retraite versés jusqu’à la date de constatation du décès. La Cour a jugé que cette caisse de retraite n’avait pas le droit de récupérer ces sommes et qu’elle devait les restituer aux héritiers de cet homme.

Ce qu'entraîne la disparition

Il existe aussi le cas de la disparition, à ne pas confondre avec l’absence. La personne a cessé de paraître dans des circonstances de nature à faire craindre pour sa vie : accident aérien, naufrage, inondation, incendie, tempête, attentat, guerre.

On suppose ou l’on est certain que la personne est décédée mais son corps n’a pas été retrouvé. Les proches de la personne disparue peuvent demander que son décès soit judiciairement constaté d’après les articles 88 et suivants du code civil. Pour obtenir cette décision de justice, il faut remplir le formulaire Cerfa n° 15456*02 Requête-déclaration judiciaire de décès (après disparition) et l’envoyer, accompagné des documents justificatifs, au rpocureur de la République du tribunal judiciaire du lieu de disparition afin que ce dernier prononce la déclaration judiciaire de décès.