Arnaques immobilières, paradis fiscaux, banques rapaces : voici 3 films, sélectionnés par la rédaction de MoneyVox, sur le pouvoir corrupteur de l’argent. A voir sur Netflix.

Le choix de Benoît Léty : « La folie des hauteurs »

Image promo Betonrausch sur Netflix
© Netflix

« La folie des hauteurs » (ou Betonrausch en version originale) est un film allemand débarqué sur Netflix en plein confinement. Et qui s’est rapidement fait une place dans le top 10 France mi-avril. Car ce film est une bonne surprise ! Arnaque immobilière, un jeune au physique de gendre idéal ambitieux et enivré par l’argent - beaucoup d’argent -, un filou extravagant, une banquière peu scrupuleuse, de la drogue, des voitures de luxe, une grande villa, un strip-club, une réalisation nerveuse… Sur la forme comme sur le fond (inspiré de faits réels), Betonrausch a tout du « Loup de Wall Street » à l’allemande et à la sauce immobilière. Âmes sensibles s’abstenir : le film est déconseillé aux moins de 16 ans, à cause de quelques scènes explicites. Sur l’aspect divertissement, si vous avez aimé les dérives et abus divers de Leonardo Di Caprio et de ses sbires dans le film de Martin Scorsese, Betonrausch devrait vous plaire.

L’histoire présente certes quelques similitudes mais le contexte et les dérives financières pointées ici ne sont pas les mêmes. Betonrausch narre une arnaque (ou plutôt une série d’arnaques) à l’investissement immobilier comme celles qui remplissent les pages judiciaires de journaux, y compris en France. Toutes proportions gardées, les affaires en question n’ayant pas toutes connu leur épilogue, ce film Netflix offre plutôt une résonance fictive (et exagérée ?) aux affaires d’arnaque à l’immobilier locatif (résidences de tourisme, projets en Robien ou Borloo sans potentiel de location, Apollonia…).

L’arnaque, en bref ? L’excellent duo de jeunes escrocs incarné par David Kross (Viktor) et Frederick Lau (Gerry) mettent la main, lors d’enchères, sur de vastes opérations immobilières à des prix défiant toute concurrence, en soudoyant un employé de la maison de ventes. Aidés d’une banquière, ils rénovent les biens à la va-vite, puis vendent les appartements à des investisseurs naïfs. Une scène révélatrice de la cupidité de Viktor le place face à un retraité lui demandant, les yeux dans les yeux, si « ça n’est pas une arnaque »… Un film divertissant et efficace, sans être un chef-d’œuvre pour autant. Un conseil : privilégiez la version originale sous-titrée, pour mieux cerner le jeu d’acteur.

La folie des hauteurs (2020), film allemand de Cüneyt Kaya, avec David Kross, Frederick Lau et Janina Uhse.

Le choix de Samuel Auffray : « The Laundromat »

Image promo The Laundromat sur Netflix
© Netflix

Est-ce parce que le film sur la nébuleuse affaire des Panama Papers est si réussi que les deux principaux accusés Jürgen Mossack (Gary Oldman) et Ramón Fonseca (Antonio Banderas) ont tout fait pour le faire interdire ? Les deux avocats, fondateurs du cabinet qui porte leurs noms, contestaient le portrait dressé d’eux - féroces, insensibles et fiers de leurs opérations de blanchiment, d’évasion fiscale et de corruption - par Steven Soderbergh en 2019.

Il est incontestable que le film, adapté du livre du journaliste Jake Bernstein, ne s’embarrasse pas de la présomption d'innocence et insiste sur les mécanismes frauduleux orchestrés par les deux hommes. L’affaire éclate fin 2017, après qu’un consortium de journalistes - récompensé du prestigieux prix Pulitzer - a étudié plus de 11 millions de documents confidentiels du cabinet panaméen Mossack-Fonseca et révélé des informations sur 214 000 sociétés offshore utilisées pour diverses magouilles. Sur le gril, des centaines de politiques (Cahuzac et Balkany), de milliardaires, de sportifs de haut niveau (Lionel Messi) ou de célébrités (Jackie Chan), accusés, non pas de création de sociétés offshore, mais bien de les utiliser pour blanchir de l’argent, se soustraire à l’impôt ou se prêter à des actes de corruption. L’affaire est énorme et des procès s’ouvrent partout dans le monde. En France, une enquête est menée sur plus de 500 suspects, pour une seule condamnation à ce jour.

Ce pan judiciaire est toutefois absent du film. Steven Soderbergh prend le parti de raconter le savoir-faire criminel des deux avocats. Comme un guide de mauvaises pratiques, le film est découpé en chapitres où l’on suit Ellen (Meryl Strip), une retraitée qui se plonge dans les recoins sombres du contrat d’assurance de son mari, récemment décédé. Elle symbolise à elle seule la quête de justice des victimes indirectes du duo Jürgen Mossack-Ramón Fonseca. Eux passent le film à confier - en s’adressant directement aux spectateurs - leurs filouteries pour s’offrir une vie où le champagne coule à flot. Une fiction plus vraie que nature.

The Laundromat (2019), film états-unien de Steven Soderbergh, avec Meryl Streep, Gary Oldman, Antonio Banderas et David Schwimmer.

Le choix de Vincent Mignot : « The Big Short »

Image promo The Big short sur Netflix
© Netflix

La crise des subprime pour les nuls : ce pourrait être un bon sous-titre pour The Big Short (meilleur en tout cas que « Le Casse du Siècle » choisi par ses distributeurs français). Extrêmement divertissant mais aussi remarquablement pédagogique, le film d’Adam McKay, sorti une dizaine d’années après les faits présentés, suit pas à pas une poignée de financiers qui, dès 2005, avaient anticipé la catastrophe de 2008.

Ce faisant, il décrit par le menu les mécanismes qui ont entraîné la pire crise financière depuis 1929 : la rapacité des grandes banques d’affaires, la formation d’une bulle immobilière, la machine infernale du surendettement, la financiarisation de l’économie, incarnée par les fameuses CDO (Collateralized debt obligations) et la technique de la titrisation, qui a permis ici de transformer des crédits pourris en produits financiers triple A. Un cocktail qui, on le sait désormais, a fini par précipiter, bien au-delà des frontières états-uniennes, des centaines de millions de personnes dans la pauvreté. Mais un seul banquier en prison, se plait à rappeler l’épilogue.

Au-delà du réquisitoire anti-Wall Street, le film d’Adam McKay vaut aussi pour son casting. Christian Bale en visionnaire névrosé, Steve Carell en écorché vif, Ryan Gosling en cynique opportuniste, en font des tonnes mais parviennent à faire passer toute la folie de cette histoire « inspirée de faits réels », comme le précise d’entrée le générique.

The Big Short (2015), film états-unien réalisé par Adam McKay, avec Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling et Brad Pitt.