Depuis le déclenchement de la crise du coronavirus, certains consommateurs font des achats massifs de nourriture et de biens de première nécessité, entraînant des ruptures de stock. Dans ce contexte, y a-t-il un risque de voir les prix de certains biens devenus rares s’envoler ? La filière alimentation se veut rassurante.

La peur de manquer. C’est le sentiment qui saisit une partie des consommateurs avec l’accélération, la semaine passée, de l’épidémie de Covid-19 en France et en Europe. Une forme de panique qui les poussent à acheter massivement, pour les stocker, des produits considérés comme indispensables : du papier toilette, des mouchoirs en papier, des couches-culottes, des produits peu périssables (pâtes, riz, farine, etc.).

Résultat : des rayons vides dans les supermarchés, qui laisse planer le spectre de pénuries, et accentue le sentiment d’urgence de faire le plein de courses. Face aux rumeurs, lundi, de confinement renforcé de la population annoncé par le chef de l'Etat dans la soirée, le phénomène s'est accéléré. Plusieurs magasins d'alimentation ont été pris d'assaut.

Dans l’immédiat, la pénurie, pourtant, ne semble pas d’actualité. Les patrons de la grande distribution - notamment celui de la principale enseigne, Michel Edouard Leclerc - puis le gouvernement, ont pris soin de rassurer les consommateurs. « Il n'y a pas de pénurie alimentaire en France face à la propagation du coronavirus » et « pas de problème d'approvisionnement de l'alimentation », a déclaré hier lundi le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, sur CNews, appelant les Français à un comportement « responsable », en évitant de « se précipiter sur les rayons ».

L’union sacrée plutôt que la guerre des prix

Quel impact, toutefois, la crise actuelle peut-elle avoir sur les prix de ces produits de grande consommation ? Risque-t-on d’assister à la même flambée que celle constatée, par exemple, sur les gels hydroalcooliques, avant que les pouvoirs publics n’y mettent le holà en limitant leur prix de vente par décret ?

La balle est dans le camp des enseignes de la grande distribution - E. Leclerc, Carrefour, Intermarché, Système U, etc - qui représentent l’essentiel du marché de l’alimentation. Ce sont elles, en effet, qui ont la main sur les prix. Comment les fixent-elles ? A grands traits, leurs centrales d’achat négocient avec les producteurs, souvent sur une base annuelle, le prix d’achat des denrées. Pour arriver au prix affiché en rayons, il faut notamment ajouter la marge des magasins. Celle-ci est encadrée, mais seulement à la baisse. Depuis la loi Egalim de 2018, elle doit représenter 10% au moins du prix d’achat de gros. Les distributeurs n’ont plus le droit, donc, de vendre à prix coûtant. En revanche, rien ne les empêche d’augmenter cette marge à leur guise, en fonction de critères de marché : l’état de l’offre et de la demande, les prix pratiqués par la concurrence, etc.

Ce scénario, toutefois, paraît pour l’instant très improbable. « Il n’y aura pas de flambée des prix sur les produits de première nécessité », assure-t-on au sein de la filière alimentaire. « Les pouvoirs publics ont été clairs : pas question de déclencher une guerre des prix dans le contexte actuel, celui qui s’y risquerait en subirait les conséquences. L’heure est à l’union sacrée pour garantir l’approvisionnement des points de vente. »

Assurer la continuité de l’approvisionnement

C’est en effet le grand enjeu du moment : permettre aux produits d’arriver jusqu’aux consommateurs, partout sur le territoire malgré les fortes restrictions mises en place par le gouvernement pour limiter la propagation du virus. Le confinement d'une grande partie de la population risque, a priori, de perturber l’ensemble de la chaîne, de la production des matières premières à la distribution finale des produits, en passant par leur transformation dans les usines de l’industrie agro-alimentaire. C’est de ce côté-là que pourraient venir les premières hausses de prix, à l’image de ce qui s’est passé en Chine, premier pays touché par la pandémie : les prix de certains produits devenus rares dans les magasins - des produits frais surtout, viande et légumes notamment - ont fortement augmenté, selon Les Echos.

Pour éviter ce scénario, le gouvernement a déclaré, dès la semaine dernière la filière alimentaire comme prioritaire. Une mesure qui va « aider à assurer la continuité des activités des entreprises », expliquent les organisations de la filière dans un communiqué commun daté du 11 mars. L’Association nationale des industries alimentaires, la Coopération Agricole, la FNSEA, la Fédération du commerce et de l’industrie et les autres distributeurs indépendants, se sont engagés à travailler « à la mise en place des plans de continuité d’activité, à faciliter la fluidité industrielle et logistique (priorisation des produits, formats...) et à respecter les bonnes pratiques en matière d’approvisionnement et de promotions ».