Près de 9 millions de salariés ont accès à un dispositif d’épargne salariale selon les statistiques du ministère du Travail. Pourtant, moins de 4 millions d’entre eux possèdent un Plan d’épargne entreprise, et environ un million un Perco. Le point de vue de Xavier Collot, directeur épargne salariale et retraite d’Amundi, sur le faible attrait des Français pour l’épargne en entreprise.

Xavier Collot, selon les dernières statistiques de la Dares, qui portent sur 2014, seule la moitié des salariés couverts possède un plan d’épargne salariale. Comment l’expliquez-vous ?

Xavier Collot : « C’est un vrai sujet, sur lequel nous nous penchons actuellement au sein de l’AFG (1). Les salariés n’ont pas toujours conscience que leur employeur leur met à disposition des outils d’épargne. Il faut faire œuvre de pédagogie. La semaine de l’épargne salariale, dont la première édition s’est déroulée fin mars, a été lancée dans cette optique. Pour rappel, en 2017, nous fêtons les 50 ans du concept de partage des profits, lancé en août 1967 sous De Gaulle. »

Mais pourquoi les salariés n’en profitent pas ?
« Beaucoup de salariés ne savent tout simplement pas qu’ils ont accès à l’épargne salariale ! »

X.C. : « Il s’agit en partie d’un problème de communication. Ces dispositifs ne sont pas toujours valorisés dans l’entreprise. A nous de simplifier, d’éviter un langage financier trop repoussant, afin que le message passe mieux dans les entreprises. Les baromètres que nous réalisons régulièrement nous permettent de dresser un constat : pour les salariés, l’entreprise est un véritable tiers de confiance ! La priorité est donc que le message y passe bien. Pour cela, nous mettons plus de moyens de communication à leur disposition, à l’image du simulateur retraite que nous venons de lancer, car beaucoup de salariés ne savent tout simplement pas qu’ils ont accès à l’épargne salariale ! »

Les 9 millions de salariés cités par la Dares reçoivent pourtant un bulletin d’option, pour savoir s’ils placent leur participation ou leur intéressement, ou s’ils choisissent de le percevoir directement…

X.C. : « Oui, mais il ne faut pas oublier qu’un changement d’ampleur a eu lieu en 2008, sous Sarkozy : les salariés peuvent choisir de percevoir directement leur participation. Auparavant, cette somme était directement placée et bloquée pour 5 ans. Désormais, de nombreux salariés voient la participation comme l’intéressement comme de l’épargne disponible, ou comme un complément de salaire. »

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Songez-vous, au sein d’Amundi comme au sein de l’AFG, à faire pression auprès du législateur pour limiter les cas de déblocage anticipés ?

X.C. : « Nous souhaitons encourager l’épargne longue. Fin mars, dans le cadre du débat présidentiel, l’AFG a formulé plusieurs propositions pour favoriser l’investissement à long terme, parmi lesquelles baisser le forfait social pour les employeurs et, pour les salariés, généraliser l’accès au Perco dans les entreprises. Il me semble important de favoriser l’épargne retraite, d’autant que le Conseil d’orientation des retraites (COR) a annoncé que l’équilibre du système ne serait pas atteint avant 2040. »

La loi Macron, adoptée en 2015, était censée améliorer et simplifier les dispositifs d’épargne salariale. Constatez-vous des retombées ?
La loi Macron, « c’est une vraie bonne évolution ! »

X.C. : « Les principales mesures ont été mises en œuvre en 2016. Il ne s’agit pas d’une révolution mais c’est une vraie bonne évolution ! Le forfait social a baissé, sous condition, sur certains supports d’investissement. L’intéressement est désormais versé par défaut sur un Plan d’épargne entreprise (PEE). Ces mesures, et toutes les autres contenues dans la loi Macron, ont permis de collecter un milliard d’euros en plus selon les données de la place. Le ''Perco plus'' a lui démarré doucement mais il devrait progresser d’ici la fin de l’année. »

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Le médiateur de l’AMF souligne régulièrement les cas litigieux de plans d’épargne salariale rognés par les frais au départ de l’entreprise. Un sujet particulièrement délicat pour le Perco…

X.C. : « Nous, et l’ensemble de la profession, via l’AFG, avons d’excellentes relations avec le médiateur de l’AMF. Nous avons convenu que les frais à charge du porteur doivent être affichés en évidence sur le site, dans l’espace personnel. Amundi le faisait déjà auparavant mais cette pratique doit se généraliser dans la profession. Concernant le Perco, il serait dommage de le fermer parce que le salarié n’y a plus accès dans sa nouvelle entreprise… Nous suggérons donc de fixer un seuil, en montant, en-deçà duquel il ne sera plus possible de percevoir des frais sur les Perco dans ce type de situation. Cela permettra d’éviter que les frais assèchent un petit plan après le départ de l’entreprise. Nous allons plutôt vers un consensus sur ce point au sein de la profession. »

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(1) L'Association française de la gestion financière (AFG) regroupe les sociétés de gestion d'actifs pour compte de tiers.