2,80% en 2013, 2,50% en 2014, 2,30% en 2015 puis le décrochage, en 2016 : 1,80%. Pour l’année 2017, Facts & Figures anticipe une rémunération moyenne des fonds en euros sous les 1,50%, avant une remontée progressive à partir de 2019. Explications du fondateur de ce cabinet de conseil, Cyrille Chartier-Kastler.

Les rendements 2016 ont été plus faibles que prévu. Un même scénario pourrait-il se produire pour les taux 2017 ?

Cyrille Chartier-Kastler : « Nos projections 2017, qui nous amènent à prévoir un taux moyen de 1,48%, intègrent le fait que l’ACPR et le HCSF (1) vont réitérer leur demande de brider les performances. La marge financière dont disposent les assureurs dans la détermination des rémunérations est très élevée : elle le sera à nouveau en 2017. En effet, la performance brute des fonds en euros se maintient à un bon niveau. Les assureurs vont une nouvelle fois modérer les taux servis aux assurés en dotant la provision pour participation aux bénéfices (PPB), à hauteur de 0,20 ou 0,30 point de rendement. Nous ne prévoyons un relâchement de la pression des autorités de tutelle qu’en 2018. »

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Avec une rémunération de 1,48% pour 2017, la baisse serait donc terminée ?
Les assureurs vont « accompagner une probable hausse des taux, à l’horizon 2019 »

C-K. : « Les taux des emprunts d’Etat (OAT 10 ans) devraient rester sous les 1% sur l’ensemble de l’année 2017, avant de remonter progressivement. Mais les assureurs ont considérablement réduit la poche OAT de leurs fonds en euros. Ce constat, et le fait qu’ils aient fortement doté leur PPB ces dernières années, va leur permettre d’accompagner une probable hausse des taux, à l’horizon 2018 ou 2019, notamment en puisant dans cette PPB. L’ACPR et le HCSF vont d’ailleurs très probablement encourager cette stratégie : après avoir appelé les assureurs à la modération, elles vont les inviter à puiser dans leurs réserves pour suivre la remontée globale des rendements des placements financiers. Cela permettra d’éviter que les épargnants ne se désintéressent de l’assurance-vie, et qu’ils mettent ainsi en péril la situation financière des compagnies d’assurance. »

Certains assureurs pourraient-ils tenter un « coup » en lançant un nouveau fonds en euros, dont la performance ne pâtirait pas de tout ce passif ?

C-K. : « Effectivement, un fonds ''vierge'' pourrait bénéficier de la remontée des taux : de petits assureurs pourraient tenter ce type de ''coup''. Mais de tels lancements ne devraient pas intervenir avant 2018 ou 2019. Et c’est pour éviter une telle situation que l’ACPR demande actuellement aux assureurs de doter leur PPB, afin de disposer d’une marge suffisante pour répondre à cette concurrence. Nous sommes sur le fil du rasoir ! »

Dans votre baromètre 2017, vous estimez que le secteur aura « géré très convenablement » cette situation de taux bas…
« Pendant 30-40 ans, les assureurs ont été dans une situation idéale : une lente baisse des taux »

C-K. : « Tout à fait. Pendant 30-40 ans, les assureurs ont été dans une situation idéale : une lente baisse des taux. Les fonds en euros bénéficiaient en continu des investissements réalisés quelques années auparavant, ce qui permettait de servir des rendements honorables pour un placement à capital garanti. Là, les taux obligataires ont atteint un point bas et ils devraient enclencher la remontée : une situation très défavorable pour les fonds en euros ! Si nos projections sont confirmées, avec un point bas à 1,40% environ en 2018, alors oui, j’estime que les assureurs auront géré très convenablement cette période critique. »

Petit à petit, les compagnies remplacent les emprunts d’Etat par des obligations d’entreprises…

C-K. : « Elles ont nettement abaissé la part des obligations souveraines dans les fonds en euros. Elles ont aussi investi sur des obligations moins bien notées que par le passé, afin d’espérer des performances supérieures. »

En 2017, avec une moyenne de 1,48%, faut-il s’attendre à voir beaucoup de banques servir des taux inférieurs à 1% ?
« Les assureurs auront géré très convenablement cette période critique »

C-K. : « Plusieurs bancassureurs livrent déjà des rendements inférieurs à 1% sur certains contrats d’assurance-vie : au Crédit Mutuel, à la Banque Postale, etc. Les groupes bancaires sont les plus concernés par les taux bas : car leur clientèle se révèle averse au risque, et donc bien plus friande de fonds en euros que les autres populations d’assurés. De nombreux fonds en euros bancaires pourraient donc servir des rendements inférieurs à 1% en 2017 et 2018. Autant dire qu’en prenant en compte la fiscalité, il ne restera plus grand chose… »

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Les meilleurs fonds peuvent-ils se maintenir au-dessus de 2,50% ?

C-K. : « Les meilleurs fonds devraient perdre environ 0,30 point en 2017. »

Les fonds en euros immobiliers pourront-ils rester aussi rentables qu’ils le sont actuellement ?
Fonds immobiliers : « Le taux moyen se situera à 2,10% ou 2,20% » en 2017

C-K. : « En 2016, selon notre estimation, ils ont rapporté 2,49% en moyenne, contre 3,36% en 2015. Une baisse de 0,87 point, c’est considérable ! Ces fonds sont devenus une denrée rare : les assureurs sont obligés de limiter les entrées car ils peinent à trouver suffisamment d’actifs immobiliers pour investir. En 2017, toutefois, la baisse de rendement ne devrait pas être aussi importante qu’en 2016 : je pense que le taux moyen se situera à 2,10% ou 2,20%. »

Dans votre baromètre 2017, vous soulignez que l’orientation actuelle de l’assurance-vie vers les unités de compte (UC) pourrait lui faire perdre « sa dimension populaire »…

C-K. : « Oui, il s’agit d’une question politique ! Les assureurs membres de la Fédération française de l’assurance (FFA) optent tous pour des incitations à l’investissement en UC, en fermant le robinet sur les fonds en euros. Or, les supports en UC, risqués, conviennent traditionnellement mieux à une clientèle patrimoniale. Si l’assurance-vie devient petit à petit un produit patrimonial et de gestion privée, alors il sera difficile, pour la FFA, de maintenir un discours réclamant le maintien d’une fiscalité avantageuse. C’est l’une des raisons pour laquelle les assureurs vont probablement rouvrir le robinet, petit à petit, sur les fonds en euros. Aussi bien en soignant les rendements qu’en modérant les restrictions d’accès. »

Donc le fonds en euros n’est pas mort…

C-K. : « Non, clairement non ! Les Français ont bien identifié ce produit, et les assureurs gèrent intelligemment la période de taux bas. La crise a été bien absorbée : c’est un motif de confiance supplémentaire pour les épargnants. »

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(1) L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est le régulateur du secteur banque-assurance. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) réunit lui les présidents de la Banque de France, de l'AMF et de l'ACPR, entre autres, sous la présidence du ministre de l'Economie.