Les prix ont grimpé de près de 5% entre mars 2021 et mars 2022 ! Fort heureusement, quand l'inflation galope, ici portée par les prix de l'énergie, cela enclenche de nombreuses revalorisations automatiques. Mauvaise nouvelle : elles ont un train de retard sur l'inflation. A part la taxe foncière...

Smic, pension de retraite, barème de l'impôt sur le revenu, allocations et aides sociales, révision de loyers... Quand l'Insee met à jour son indice des prix à la consommation (IPC), mesure référence de l'inflation en France, de multiples formules de calcul s'activent. En l'occurrence, cet IPC de 4,5% pour mars 2022 est encore provisoire : l'inflation définitive de mars sera dévoilée par l'Insee le 15 avril. S'enclenchera certaines revalorisations... Problème : de nombreuses formules ne se débloquent qu'une fois par an, ce qui ne permet cette année pas de compenser l'envolée des prix.

Les faux gagnants

RSA et prime d'activité. La Caisse nationale des allocations familiales a confirmé jeudi 31 mars une revalorisation de 1,8% de l'ensemble de ses prestations, « en prévision de la hausse des prix à la consommation ». La revalorisation sera effective sur les minima sociaux (RSA, prime d'activité, RSO et AAH) du mois d'avril, versés à compter du 5 mai 2022. Cette hausse de 1,8% est toutefois loin de faire des bénéficiaires de ces minima sociaux des « gagnants » ! Cette réévaluation est en effet deux fois inférieure à l'inflation de mars. Pourquoi ? Car le revenu de solidarité active est revalorisé chaque année sur la base de la moyenne des douze derniers mois, arrêtée en février. Un timing désavantageux... Il faudra attendre un an (ou une réforme suite à l'élection présidentielle) pour espérer mieux.

RSA au 1er avril 2022
Allocataire
vivant seul
Couple
(marié
ou non)
Aucun enfant ou personne à charge575,52 €863,28 €
1 enfant (ou personne à charge)863,28 €1 035,94 €
2 enfants1 035,94 €1 208,58 €
Par enfant supplémentaire230,21 €232,21 €

Source : CNAF. Voir le simulateur CAF pour une estimation personnalisée.

Voici les barèmes forfaitaires du RSA et de la prime d'activité, valables pour un an à compter du 1er avril et donc jusqu'à mars 2023. Rappel d'importance : ces montants forfaitaires sont diminués en fonction de vos ressources. Ainsi un célibataire sans activité touchera 575,52 euros par mois au titre du RSA, mais ce forfait peut être modulé en cas d'autres ressources ou en cas d'aides au logement. La prime d'activité étant elle nécessairement un complément de ressources, personne ne touche précisément le montant forfaitaire, qui sert uniquement de base de calcul.

Barème forfaitaire de la prime d'activité au 1er avril 2023

Allocataire vivant seulCouple (marié ou non)
Aucun enfant ou personne à charge595,25€892,88€
1 enfant (ou personne à charge)892,88€1071,46€
2 enfants1071,46€1250,04€
Par enfant supplémentaire238,10€243,10€

Attention, la prime d'activité varie fortement d'un foyer à un autre puisqu'il s'agit d'un complément de ressources. La prime effectivement perçue est souvent inférieure aux sommes ci-dessus. Voir le simulateur CAF.

Prime d'activité : un bonus moyen de 185 euros par mois

Allocations familiales. Même revalorisation de 1,8%, pour un an, valable sur les prestations versées par les CAF à compter du 5 mai, pour les allocations familiales, l'allocation de base pour jeunes enfants, le complément de mode de garde, la PreParE pour les parents en congé parental, ou encore pour l'allocation de rentrée scolaire qui sera versée automatiquement en août prochain. Là encore, si l'inflation se maintient pendant de nombreux mois en 2022 autour de 5%, il faudra attendre le printemps 2023 pour que les allocations soient revalorisées à cette hauteur.

Le calendrier 2022 des virements de la CAF

Retraite de base. « A compter du 1er janvier 2022, votre retraite du régime général est revalorisée de 1,1%. » A l'automne, déjà, l'annonce de la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse) pouvait légitimement décevoir les retraités, puisque la hausse des prix entamait son accélération. Le mode de calcul, inscrit dans la loi, est désavantageux en cas d'envolée soudaine de l'inflation : il est en basé sur une moyenne de l'IPC sur 12 douze mois, de novembre 2020 à octobre 2021, pour une application en janvier 2022... Quatre mois plus tard, alors que l'inflation s'envole, les retraités devront attendre la pension de janvier 2023 (versée début février 2023) pour espérer mieux.

Retraite complémentaire. Pire, les régimes complémentaires suivent en nombre le même rythme. Et d'autres progressent encore moins vite. Agirc-Arrco, le régime des salariés du privé, a voté une mise à jour de 1%, au 1er novembre 2021, valable pour un an. Une constante pour Agirc-Arrco selon la fintech Sapiendo : « De 2011 à 2021, la valeur du point, servant de base au calcul de la pension de retraite complémentaire a été revalorisée de 5,71% pour les salariés (ex-Arrco) et 5,50% pour les cadres (ex-Agirc) alors que l'inflation a augmenté de 9,88%. » La fondatrice de Sapiendo Valérie Batigne expliquait en octobre dernier cette « sous-indexation » par « une obligation d'équilibre financier, qui pèse sur le régime complémentaire des salariés du privé ».

Retraite : combien gagnerez-vous à 62, 65 ou 67 ans ?

Minimum vieillesse. 916,78 euros, en cas d'absence de pension de retraite, pour une personne seule. L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), pendant du RSA pour les seniors, a « bénéficié » en 2022 du même pourcentage de revalorisation que la retraite de base, c'est-à-dire 1,1%. Loin, là encore, de protéger les personnes âgées concernées de l'inflation actuelle.

Allocation logement. Si les APL sont désormais calculés en « temps réel », ce qui est censé permettre de s'adapter plus rapidement aux évolutions personnelles, le barème des aides au logement est lui revalorisé une fois par an. Et là encore la hausse récente apparaît rétrospectivement bien désavantageuse pour les bénéficiaires au regard de l'inflation : +0,42% seulement en octobre 2021. Pourquoi ? Car les allocations personnalisées au logement sont réévaluées sur la base de l'indice de référence des loyers (IRL), lui-même calculé sur l'inflation moyenne des douze mois précédents... Pour profiter d'une hausse plus franche des APL, il faudra attendre la rentrée scolaire 2022 : l'aide sera alors réévaluée à la hausse au 1er octobre, sur la base de l'IRL du 2e trimestre 2022.

APL : qui sont les grands perdants du calcul en « temps réel » des allocations logement ?

Smic : nouvelle hausse automatique au 1er mai ?

Le contre-exemple parfait ! Face à une envolée de l'inflation, Les augmentations mécaniques du Smic n'attendent pas un an : +2,2% au 1er octobre 2021, +0,9% en janvier 2022 et donc probablement « entre 2,4% et 2,6% » en mai, comme l'a confirmé le ministère du Travail à l'AFP, au 1er mai 2022. Ces hausses successives sont bien mécaniques, puisque le Code du travail prévoit une réévaluation automatique dès que l'IPC grimpe de plus de 2% par rapport à la dernière mise à jour du salaire minimum. Le Smic net passerait de 1 269 euros à environ 1 300 euros, soit une augmentation de plus de 30 euros par mois.

Pour le reste des salariés... rien n'est automatique ! Y compris pour les salariés dont le salaire est indexé sur le Smic, car tout dépend alors de ce qu'indique le contrat de travail quant à la régularité des revalorisations.

Salaire : jusqu'à 35 euros de plus par mois pour le Smic dès le 1er mai

Les perdants

Taxe foncière. Voici la seule revalorisation automatique qui n'a pas à rougir face à l'envolée actuelle des prix ! Dommage, il s'agit d'un impôt, à la charge des propriétaires immobiliers... La taxe foncière évolue chaque année non seulement en fonction des taux votés dans votre commune ou département (d'ores et déjà annoncés en hausse dans certaines villes) mais aussi en fonction d'un indicateur spécifique de l'inflation, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) arrêté au mois de novembre, qui était de 3,4%. C'est à la valeur locative cadastrale de votre bien immobilier, base de calcul de cet impôt local, que s'applique ce taux. Comme l'a confirmé la Direction générale des finances publiques (DGFiP) à MoneyVox, « le taux de revalorisation est bien de 3,4% pour 2022 » après une hausse limitée à 0,2% l'année précédente. En fonction des taux votés dans les villes et intercommunalités, la taxe foncière pourrait bel et bien suivre le rythme de l'inflation en 2022.

Immobilier : la taxe foncière va flamber en 2022

Impôt sur le revenu. Non, aucune hausse d'impôt n'a été votée, ni décidée, ni programmée par le gouvernement ! En revanche, le timing de la hausse de l'inflation est in fine défavorable aux foyers fiscaux. Pourquoi ? Là encore, la revalorisation du barème progressif se base sur l'inflation, mais cette réévaluation s'est limitée à 1,4% d'augmentation. Un taux logique au moment de la présentation de la loi de finances pour 2022, entrée en vigueur au 1er janvier 2022 selon le calendrier classique des budgets annuels. Or, alors que se profile la déclaration annuelle des revenus, cette mise à jour du barème apparaît désormais bien faible. Tant mieux pour les contribuables ? Non. Toute augmentation des seuils recule le niveau de revenus à partir duquel vous êtes imposé. Et tout gel du barème ou hausse sous-évaluée (comme ce sera le cas cette année) se révèle défavorable aux foyers imposés. La faute, là encore, au calendrier.

De multiples revalorisations... et de multiples calendriers

L'inflation et les divers indices eux-mêmes indexés sur l'IPC influent sur bien d'autres charges ou ressources. Parmi lesquelles les pensions alimentaires, dont le rythme de revalorisation (voir l'indice choisi) peut varier selon la décision sur juge.

Dans une toute autre catégorie, la formule de calcul du taux du Livret A et du Livret d'épargne populaire prévoit une échéance intermédiaire au 1er mai : celle-ci n'est pas automatique mais elle pourrait permettre de porter le LEP à 3,2% et le Livret A à 1,3%, contre respectivement 2,2% et 1% aujourd'hui. Si Bercy décide d'opérer une telle revalorisation, les détenteurs de LEP feraient partie des rares « gagnants », ou presque, de l'inflation.