Pour trouver des produits d’occasion, plus besoin de se rendre dans des enseignes spécialisées. La seconde main existe aussi dans les magasins vendant du « neuf », qui sont de plus en plus nombreux à s’y convertir.

Mi-février, Auchan a lancé un rayon « vêtements d’occasion » dans 5 de ses magasins en France. Développé avec Patatam, site de friperie en ligne, le service est testé à Marseille, Bordeaux-Mériadeck, Roncq, Melun et Hirson. Le concept est simple : côté acheteur, peu importe la marque, les t-shirts sont vendus au prix unique de 3 euros, les pantalons et pulls 8 euros, les manteaux 15 euros. Côté vendeur, les particuliers peuvent déposer leurs vêtements et recevoir en échange un bon d’achat valable dans le rayon textile de l’enseigne. Si le succès est au rendez-vous, l’enseigne du groupe Mulliez pourrait étendre le dispositif à d’autres implantations.

Auchan n’est pas la première enseigne de la grande distribution à se lancer dans le marché de l’occasion. Leclerc a déjà pris de l’avance en proposant dès juillet 2018 de la vente de produits de seconde main dans son magasin de Roques, près de Toulouse. Pas de textile mais des produits high-tech (télés, consoles, ordinateurs, smartphones, tablettes…), de l’électroménager (petit ou gros), des dvd, des livres… Un concept qui a essaimé puisque 25 points de vente Leclerc proposaient un espace d’achat/vente d’occasion fin 2019 et que le leader de la grande consommation compte atteindre les 130 Leclerc Occasion d’ici fin 2020 selon Capital.fr. Dans ces espaces, les produits déposés par les particuliers sont vérifiés, testés et garantis un an par exemple pour l’électronique. De quoi rassurer et lutter contre la concurrence des sites internet qui proposent des biens reconditionnés, d’occasion ou peu chers.

Trouvera-t-on demain des produits d’occasion dans tous les supermarchés de France, quelle que soit l’enseigne ? Interrogé par Moneyvox.fr à ce sujet il y a quelques semaines, Olivier Dauvers, spécialiste de la grande consommation, n’en doutait pas : « Les plus clairvoyants y vont d’abord mais tous iront. Tous les commerçants qui vendent des biens d’équipement seront condamnés tôt ou tard à organiser la seconde vie des produits qu’ils vendent ».

La seconde main, forte aspiration des consommateurs

Car l’âge d’or de l’achat 100% neuf semble bel et bien révolu. Les consommateurs sont de plus en plus enclins à favoriser l’équipement d’occasion, que ce soit en matière de textile, d’électroménager, de produits culturels, de biens électroniques, d’ameublement… Une motivation économique pour certains, une conviction écologique pour d’autres, un mix des deux pour beaucoup.

En témoigne le succès de l’application lituanienne Vinted, spécialisée dans la revente de vêtements d’occasion (et qui a ouvert un « rayon » Maison-Déco en fin d’année 2019). Une étude récente de la Fevad a établi que Vinted est le 3e site de mode comptant le plus de clients ! Leboncoin.fr bénéficie aussi de très nombreux adeptes et le lancement, en 2019, d’un service de livraison avec Mondial Relay a permis de donner une couverture plus nationale à l’échange de biens (là où, auparavant, les consommateurs privilégiaient les offres à proximité de leur domicile).

Le succès de ces sites Internet organisant la seconde vie des produits ferait-il peur aux magasins physiques spécialisés dans le neuf ? Citée par le site Fashionetwork, Sophie Lepers, responsable des projets digitaux de Camaïeu (qui a lancé un site de revente de vêtements fin 2018), réfute : « Nous n’avons pas peur de Vinted. Au contraire, cette réalité nous booste et nous a permis de prendre des décisions que nous n’aurions pas envisagées de prime abord, comme le fait d’ouvrir notre plateforme à toutes les marques et pas seulement aux articles Camaïeu ». Le cabinet d’études Xerfi voit en tout cas un lien de cause à effet entre la popularité de Vinted et le développement d’offres de seconde main chez plusieurs acteurs de la mode : « Le succès fulgurant de cette place de marché a poussé nombre d'enseignes traditionnelles de la mode à lancer leur offre d'occasion ». La plupart du temps, ces enseignes organisent la seconde main en s’appuyant sur leur réseau de boutiques : les pièces à chiner sont déposées en magasin par les vendeurs, et les acheteurs doivent se rendre en boutique pour trouver leur bonheur. Il est plus rare que les enseignes se basent uniquement sur un site Internet où la vente se fait ensuite à distance (mais ça existe : c’est le modèle du site Seconde Histoire, lancé par Cyrillus en 2018 par exemple).

Les chiffres de la seconde main sur le marché de la mode

  • 39% des Français ont acheté au moins un vêtement ou accessoire d’occasion en 2019 (+ 8 points en un an, +24 points en 10 ans)
  • Parmi eux 20% déclarent consommer désormais davantage de mode d’occasion que neuve
  • 48% des Français veulent en acheter davantage en 2020
  • Un marché estimé à 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2018
  • 56% des acheteurs d’occasion ont réalisé au moins une transaction sur Vinted en 2019

Source : Etude de l’Institut Français de la Mode, publiée en octobre 2019

Des pionniers en matière de seconde main

Présente en France depuis 2013, l’application Vinted a véritablement décollé en 2017. Mais les initiatives de certaines enseignes françaises en matière de seconde main datent d’avant. On pense évidemment à Décathlon qui, dès 1986, a lancé son Trocathlon, un événement ponctuel, organisé 1 ou 2 fois par an dans les magasins. Le principe est alors celui d’un dépôt-vente : les particuliers déposent leur matériel déjà utilisé dans un magasin du réseau, qui le propose à la revente auprès de ses clients le temps de l’opération ; et si le produit trouve preneur, le vendeur récupère des bons d’achat à utiliser chez Decathlon. Depuis, le Trocathlon a trouvé une extension sur le web, via Decathlon Occasions, et a donc lieu toute l’année. Les sportifs à la recherche de matériel (et surtout de vélos, l’activité cycles représentant 80% de l’offre d’occasion) peuvent accéder rapidement à de nombreuses offres géolocalisées. « Sur les vélos, on est à un prix moyen de vente aux alentours de 70 euros », précise Julien Achour, leader Occasion pour Decathlon France. « Notre responsabilité, notre sens, c’est de rendre accessible le plaisir et les bienfaits de chaque sport. Pour certaines pratiques, il faut un accessoire technique. Or les premiers prix ne suffisent pas toujours, il faut aller chercher plus bas, c’est ce que l’on propose avec les produits d’occasion ».

Outre les reventes proposées par des particuliers, Decathlon Occasions commercialise également des produits ayant fait l’objet d’un retour client, soigneusement vérifiés et repackagés. L’objectif est notamment de mettre fin au gaspillage, car ces produits prenaient souvent le chemin de la poubelle avant que les salariés de Decathlon décident de mettre fin à ce gâchis. Et si l’année 2019 a été marquée par un doublement du chiffre d’affaires (« encore modeste ») sur l’occasion, « 2020 va être une année de forte accélération. On est dans les starting-blocks », plaide Julien Achour. L’enseigne sportive va notamment mettre les bouchées doubles pour communiquer sur son offre de reprise de matériel (vélos et skis).

Autre groupe pionnier dans la seconde vie, IDKIDS (qui regroupe les enseignes Okaïdi, Obaïbi, Oxybul et Jacadi) s’était lancé sur le marché de l’occasion dès 2010. « On a démarré le premier IDTroc en 2010 sur le livre pour enfants à la rentrée des classes, dans quelques magasins, explique Ludovic Leurent, responsable seconde vie du produit pour le groupe IDKIDS. En 2016, on a étendu cela à d’autres familles de produits : le jouet et le textile ; et ça a été un gros succès ». Depuis, environ 4 IDTroc d’une dizaine de jours sont notamment organisés chaque année dans les magasins de vêtements Okaïdi et Obaïbi, durant lesquels des particuliers viennent déposer les pièces de la marque qu’ils souhaitent revendre dans le magasin tandis que les acheteurs peuvent profiter de ces opérations pour renouveler à moindre coût la garde-robe de leurs enfants. « On n’a pas attendu Vinted pour réfléchir à la seconde vie mais on est ravis de voir qu’il y a aujourd’hui un consensus sur le fait de prendre soin des produits, précise Ludovic Leurent. La consommation change, la seconde main est un vrai sujet et on a vraiment envie d’être au rendez-vous de ce virage parce que c’est notre vocation chez IDKids d’accompagner les familles et l’enfant qui grandit. Donc à travers l’IDTroc, on aide au renouvellement du dressing, de la salle de jeux ou de la bibliothèque de l’enfant ». Pour lui, ces ventes sont aussi l’occasion de prouver que les vêtements Okaïdi, Obaïbi ou Jacadi sont de qualité, résistent dans le temps et « permettent la transmission pour éviter le gaspillage ». Avec cette opération, tout le monde est gagnant : les acheteurs qui trouvent des biens de qualité à moindre prix, et les vendeurs qui repartent avec des bons d’achat. « Pour les vêtements, on est en moyenne à 18 articles déposés et une dizaine vendus donc les vendeurs récupèrent une carte cadeau à 35 euros environ ». Du côté d’Oxybul, la directrice de l’enseigne précisait récemment au Parisien qu’un foyer « qui a déposé 25 livres en a vendu 18 pour un total de 45 euros. Celui qui a déposé 15 jouets, en a écoulé 10 pour 50 euros ». De quoi vider les placards et financer de quoi les re-remplir quand on grandit…

Chez quel spécialiste « du neuf » acheter de la seconde main ?

  • Auchan (vêtements, multimarques) : dans 5 magasins, jusqu’en mai pour l’instant
  • Leclerc (high-tech, électroménager, livres…) : dans une trentaine de magasins (objectif 130 fin 2020), toute l’année
  • Okaïdi / Obaïbi (vêtements de la marque) : dans tous les magasins, 4 IDTroc par an environ
  • Jacadi (vêtements de la marque) : dans tous les magasins, 2 IDTroc par an environ (et un IDTroc en ligne toute l’année, en test)
  • Cyrillus (vêtements de la marque) : sur le site Secondehistoire.fr, toute l’année
  • Petit Bateau (vêtements de la marque) : un espace Occasions sur l’application mobile
  • Camaïeu (vêtements multimarques) : dans 18 magasins (région de Lille et Paris)
  • Oxybul (livres, jeux et jouets) : dans tous les magasins, 4 IDTroc par an environ (2 pour les livres, 2 pour les jouets)
  • Ikea (meubles montés) : tous les magasins (sauf Vélizy), toute l’année
  • Decathlon (matériel technique) : tous les magasins, toute l’année
  • Gibert Joseph (livres, disques, dvd) : tous les magasins et sur le site internet, toute l’année
  • Bocage (chaussures reconditionnées) : dans 2 magasins (Nantes et Paris), toute l’année
  • JM Weston (chaussures « restaurées ») : dans 2 boutiques à Paris, toute l’année