Le Plan d'épargne retraite, inauguré par la loi Pacte, fête aujourd’hui son premier anniversaire. Conçu pour relancer l’épargne retraite en France, a-t-il trouvé sa place ? Le point sur un an de distribution du PER.

Une bougie pour le Plan d'épargne retraite (PER) ! Il y a un an, jour pour jour, les premiers PER individuels, successeurs des Perp et autres contrats Madelin, faisaient leur apparition dans les catalogues de 4 banques, de quelques assureurs et d’une poignée de courtiers en ligne.

Issu de la loi Pacte (1), le nouveau produit d’épargne incarne l’ambition de l’exécutif de donner un coup de fouet à la retraite par capitalisation en France, en levant les freins qui ont empêché les anciens supports de décoller. Un en particulier : l’aliénation du capital, liée à l’obligation, au moment de sortir les sommes placées, de le faire sous la forme d’une rente viagère. Le nouveau PER autorise ainsi les sorties en capital, en une fois ou de manière fractionnée. Il ajoute également un cas de déblocage anticipé en cas d’acquisition de la résidence principale.

De quoi rajeunir la cible de l’épargne retraite, estime Gilles Belloir : « Jusqu'ici, beaucoup commençaient à épargner trop tard, autour de 55 ans », explique le directeur général de Placement-Direct.fr. Avec la fin de l’obligation de sortie en rente, les gens peuvent, sans crainte, commencer à épargner plus tôt. »

Une collecte multipliée par 3,5

Du point de vue des chiffres, le lancement du PER est-il une réussite ? A-t-il trouvé son public ? Il a en tout cas permis d’enrayer le passage à vide que connaissait l’épargne retraite depuis quelques années, avec une baisse du nombre de souscripteurs (-3,2%, notamment en 2018 par rapport à l’année précédente) et une collecte positive mais ralentie depuis 2016.

En 2018, la hausse de l’encours des anciens produits individuels a ainsi été limitée à 140 millions d’euros, en moyenne, par trimestre (2). Dans les trois mois qui ont suivi le lancement du PER individuel assurance, d’octobre à décembre 2019, la collecte a atteint 485 millions d’euros, soit 3,5 fois plus, si l’on en croit les chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA). De même source, ces chiffres ont continué à progresser au cours du 1er semestre 2020, pour atteindre 210 000 contrats souscrits et 2,7 milliards d’euros d’encours au 30 juin 2020.

Une bonne partie de cet argent, toutefois, provient de transferts effectués depuis d’anciens produits d’épargne retraite : 832 millions d’euros, sur les 1,5 milliards d’euros captés au 1er semestre 2020, selon le premier rapport du Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte (3). Il y a donc encore de la marge : fin 2018, l’encours du Perp et assimilés était de 51,6 milliards d’euros.

L’objectif - relancer l’épargne retraite - semble donc atteint, ou en tout cas en bonne voie. « C’est encourageant », confirme Gilles Belloir, qui note que « le produit est sorti dans le bon timing, pendant les discussions autour de la réforme des retraites ».

788 000 détenteurs tous PER confondus

Les chiffres compilés ci-dessus ne concernent que les PER individuels assurance, souscrits à l’initiative de leur détenteur. Le gros du marché, toutefois, se trouve du côté des PER collectifs, successeurs notamment des PERCO. Au total, les nouveaux PER, tous types confondus, pesaient 7,8 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2020, selon la FFA, répartis entre 788 000 épargnants. Pour comparaison, les anciens produits, eux, concernent 13 millions de souscripteurs et 235 milliards d’euros.

Où est placé l’argent du nouveau PER ?

C’était un des objectifs de Bercy : que les principaux réseaux de banque et d’assurance soient équipés en PER « d’ici la fin du 1er trimestre 2020 ». A-t-il été atteint ? Pas tout à fait. Quatre grands réseaux bancaires de détail étaient dans les starting-blocks dès le 1er octobre 2019 : le Crédit Agricole et sa filiale LCL, la Société Générale et sa filiale le Crédit du Nord. Ils ont été rejoints dès novembre 2019 par BNP Paribas, depuis février 2020 par le Crédit Mutuel Alliance Fédérale et sa filiale le CIC, et depuis mars 2020 par La Banque Postale. Prochaine sur la liste : la Caisse d’Epargne, qui devrait lancer son PER individuel dans les prochains jours, en partenariat avec CNP assurances.

Du côté des assureurs et des mutuelles d’épargne, Apicil, Aviva, Generali, Garance, Groupama, Oradéa ou encore Swiss Life faisaient partie des premiers positionnés. Depuis, la plupart des acteurs ont suivi. Le marché, enfin, intéresse également les courtiers spécialisés en épargne : Linxea, Meilleurplacement, Mes Placements, Patrimea ou encore Placement-Direct.fr

Lire aussi : Plan épargne retraite : où pouvez-vous déjà en ouvrir un ?

Parmi ces acteurs qui se sont positionnés, comment se répartissent les près de 3 milliards d’euros du nouveau PER individuel ? Difficile, dans l'immédiat, d'avoir une vision globale du marché : certains restent en effet encore assez discrets sur le sujet. Voici les chiffres fournis par ceux qui ont accepté de nous répondre. Ils montrent notamment l'avance prise par Axa ou par le Crédit Agricole, la banque verte détenant environ un quart du total des PER individuels ouverts.

  • Crédit Agricole (PER individuel) : 145,8 millions d'euros d'encours sur 52 532 contrats vendus
  • Axa (PER individuel) : 370 millions d'euros d'encours sur « près de » 48 000 contrats vendus
  • Groupama (Groupama Nouvelle Vie et Gan Nouvelle Vie) : 112 millions d’euros d’encours sur 26 409 contrats vendus
  • Crédit Mutuel Alliance Fédérale, dont CIC (PER Assurance Retraite) : 82 millions d’euros d’encours sur 9 740 contrats vendus
  • MACSF (RES Retraite) : 76,65 millions d’euros d’encours sur 13 204 contrats vendus (au 31 juillet)
  • Société Générale (PER Acacia) : 68,4 millions d’euros d’encours sur 6 131 contrats vendus
  • Garance (Garance Sérénité) : 63,5 millions d'euros d’encours sur 9 553 contrats vendus
  • LCL (LCL Retraite PER) : 26,4 millions d'euros d’encours sur 4 652 contrats vendus
  • Crédit du Nord (Antarius PERin) : 17 millions d’euros d’encours sur 1 762 contrats vendus
  • Mes Placements (Ma Solution PER) : 16 millions d’euros d’encours sur 1 400 contrats vendus
  • Allianz (PER Horizon) : 12,7 millions d’euros d’encours sur 7 000 contrats vendus
  • Linxea (LINXEA PER) : 8 millions d’euros d’encours sur 700 contrats vendus
  • Meilleurplacement (M PER) : 5,6 millions d’euros d’encours sur 392 contrats vendus

Quelles perspectives ?

C’est sans doute l’effet nouveauté : contrairement à l’assurance vie, le PER individuel assurance ne semble pas trop affecté par la crise du coronavirus. Placement-direct.fr, par exemple, a lancé son PER en ligne en mars, au début du confinement. Dans ce contexte compliqué, le courtier a réussi à ouvrir 300 comptes. Une confirmation, selon son directeur général, de « l’engouement pour le produit ».

Les perspectives pourraient toutefois être moins bonnes dans les mois à venir. Explication de Gilles Belloir : « Les indépendants sont très nombreux parmi les souscripteurs de PER, car ce sont ceux qui sont le plus sensibilisés à la nécessité de se constituer une l’épargne retraite complémentaire. Or, ces indépendants sont, pour beaucoup, fortement touchés par la crise, et risquent donc de subir une réduction de leur capacité d’épargne ».

Voir notre comparatif de PER individuel

(1) « Loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises », portée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. (2) Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), « Les retraités et les retraites » - édition de juin 2020. (3) France Stratégie, premier rapport du Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte, septembre 2020.