La chute de l'environnement Terra et de son stablecoin, l'UST, a fortement impacté le marché crypto. Les stablecoins, censés être arrimés à une autre cryptomonnaie ou à une monnaie fiduciaire comme le dollar pour éviter l'effet de volatilité, ont-ils encore un avenir ? S'ils devraient faire partie du futur, mieux vaut les manier avec précaution.

Une chute vertigineuse de près de 100%. Alors qu'il s'échangeait aux alentours des 110 euros fin avril, le LUNA, jeton du protocole Terra, s'est écroulé et ne vaut aujourd'hui plus rien (0.0001292 euro). Un crash qui a entraîné celui de l'UST, stablecoin « algorithmique » de l'environnement Terra, censé valoir, quoi qu'il arrive, un dollar. Pour rappel, une cryptomonnaie stable est une cryptomonnaie dont le prix est arrimé à une autre cryptomonnaie ou à une monnaie fiduciaire. Contrairement à d'autres cryptoactifs dont le cours est très volatil, les stablecoins n'ont donc normalement pas ce problème. Dans le cadre de l'UST, c'est le LUNA qui faisait office de balance. La chute de l'un a donc entraîné l'autre, l'UST valant aujourd'hui un peu plus de 8 centimes de dollar.

L'affaire a connu un retentissement important, au point que certaines personnalités politiques se sont déjà emparé du sujet, à l'image du leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Un rendement trop beau pour être vrai

Les stablecoins sont-ils une vaste arnaque ? Avant de tout jeter au feu, il est bon de se pencher sur Terra. À travers le protocole Anchor, les détenteurs d'UST étaient invités à déposer leur argent sur la platerforme. Ce qui leur permettait de recevoir des intérêts. Dans le cadre de ce protocole, les détenteurs d'UST se voyaient promettre un rendement annuel de près de 20%. « Le modèle économique n'était pas soutenable, juge François Laviale, directeur de la gestion chez Alphacap Digital Asset Management. Dans notre analyse, nous avions anticipé cette crise à venir, tout simplement parce qu'on ne peut pas distribuer comme ça un rendement aussi important. Ce qui a posé problème, c'est que quand on atteint 40 milliards de capitalisation, on ne peut pas continuer à donner 20% de rendement en prenant sur les fonds propres. »

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Jonathan Herscovici, fondateur du courtier Stackinsat, estime que la chute de Terra Luna n'est « absolument pas une surprise au vu de l'équilibre instable derrière ce protocole. De manière plus générale, le problème, c'est que certains ont fait croire à des gens qu'ils pouvaient devenir millionnaire en trois semaines grâce aux crypto. Les gens entrent dans la crypto en pensant faire facilement de gros gains et ne s'intéressent pas aux fondamentaux. Dans le cas de Terra, beaucoup se sont fait avoir par un marketing qui proposait 20% de rendement, sans comprendre vraiment ce qu'il y avait derrière. »

Les stablecoins ont un rôle à jouer dans la crypto

Alors, est-ce vraiment la fin des stablecoins ? Certains sont réputés comme étant plus sûrs, car adossés (collatéralisés) au dollar. C'est le cas par exemple du BUSD ou encore de l'USDT. La promesse est donc que pour chaque jeton de ces actifs, un dollar est mis sur un compte. Une équation censée assurer la stabilité de ces crypto, même si là encore, des problèmes existent, à l'image de l'opacité de certains acteurs comme Téther, qui propose l'USDT.

Pour François Laviale, le futur passera quoi qu'il en soit par ce type d'actifs : « Les stablecoins restent une classe de cryptoactifs incontournables dans l'éco-système. On aurait beaucoup de mal à faire de la finance décentralisée (DeFi) en ayant seulement des cryptos volatiles. On a vraiment besoin des stablecoins pour accompagner le développement de la finance décentralisée. »

Si « les stablecoins collatéralisés par des dollars paraissent aujourd'hui une alternative plus sûre », le DAI, autre stablecoin algorithmique mais collatéralisé par de l'Ether, trouve également grâce aux yeux de nos intervenants. « Il s'est très bien comporté pendant cette baisse de marché, juge François Laviale. Le DAI existe depuis longtemps et a fait ses preuves. »

L'euro numérique, la solution ?

Si Jonathan Herscovici concède que les stablecoins peuvent avoir une réelle utilité, il estime également que « la mise en place opérationnelle est très compliqué ». Pour lui, « le stablecoin le moins pire serait l'euro numérique créé par la la BCE ». Cela permettrait en effet d'avoir un stablecoin de confiance qui devrait être moins opaque que le USDT dont les risques systématiques sont majeurs pour l'industrie.

« Le problème avec l'euro-numérique c'est qu'il pourrait y avoir un certain nombre de dérives liberticides, comme on l'observe avec le Yuan numérique », note le fondateur de Stackinsat, qui organise fin août la troisième édition de Surfin' Bitcoin, la plus grosse conférence sur le sujet en Europe. En effet, alors que l'environnement crypto s'est construit sur les notions de liberté et de vie privée, l'idée d'avoir un État qui pourrait contrôler et avoir un œil sur l'intégralité de nos transactions va à l'encontre de la philosophie du bitcoin.

Les stablecoins à manier avec grande précaution

Si les stablecoins peuvent encore avoir une utilité, ils seraient donc à manier avec précaution. Mieux vaut se pencher sérieusement sur le projet avant d'investir dedans. Comme Warren Buffet qui préconisait de « ne jamais investir dans une entreprise que vous ne pouvez pas comprendre », François Laviale ne dit pas autre chose : « Si vous ne comprenez pas comment une crypto peut proposer un rendement de 20%, mieux vaut ne pas y aller. Si on ne comprend pas un business modèle, c'est que souvent ce n'est pas soutenable. »

Autre conseil : si les crypto-actifs peuvent être un moyen de diversifier son épargne, mieux vaut y investir ce que l'on est prêt à perdre. Et même au sein de son portefeuille crypto, mieux vaut diversifier ses actifs et ne pas tout investir dans le même projet.

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Pour Jonathan Herscovici, il n'y a de stable que Bitcoin. Celui qui se définit comme un « bitcoin maximaliste » (croyant en Bitcoin pour son utilité déjà démontrée en opposition aux autres cryptoactifs NDLR), met en garde contre cette fausse image d'argent facile : « L'achat de crypto-actifs autre que Bitcoin devrait concerner 1% de la population, qui prend du temps et a l'expérience pour le faire. La crypto, c'est comme une action biotech. Dans ces actions, on investit en espérant que la biotech sorte par exemple un jour un vaccin révolutionnaire. Mais peut-être que ce vaccin ne verra jamais le jour. Avec les altcoins, c'est pareil. C'est un pari sur l'avenir, mais qui n'a pas 100% de chance d'aboutir. » À l'inverse, Bitcoin a déjà une utilité par exemple au Salvador ou en Centrafrique, qui l'ont reconnu comme monnaie légale.

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