La Cour d'appel de Paris a récemment estimé que « la bonne foi » de la Société Générale pouvait être « mise en doute » dans l'affaire Aristophil, la banque connaissant les risques liés aux placements que proposait cette société dans des manuscrits anciens, a appris l'AFP jeudi de source proche du dossier.

Pendant des années, Aristophil, la société dirigée par Gérard Lhéritier, proposait d'investir dans des manuscrits de son catalogue, comme le testament politique de Louis XVI, des écrits du général de Gaulle, du marquis de Sade ou d'André Breton. Elle annonçait des rendements de 8 à 9%, un niveau surprenant pour les enquêteurs, qui soupçonnent un système de cavalerie, où l'apport de nouveaux investisseurs sert à payer ceux qui souhaitent récupérer leur mise.

Les enquêteurs ont comptabilisé quelque 18.000 souscripteurs pour un montant de 850 millions d'euros de contrats, selon une source judiciaire. Gérard Lhéritier, étiqueté comme le « pape des manuscrits », a été mis en examen, notamment pour pratiques commerciales trompeuses et escroqueries en bande organisée.

La SocGen avait « conscience du caractère en vase clos »

Le 29 février, la Cour d'appel de Paris a validé quelque 100 millions d'euros de saisies opérées sur ses biens et ceux de sa fille, elle aussi mise en examen, sur les 130 millions décidés par les juges d'instruction et dont Gérard Lhéritier demandait la levée.

La Société Générale, banque d'Aristophil, intervenait à l'audience pour récupérer des garanties d'emprunt sur un crédit accordé à Gérard Lhéritier en mars 2014. La cour d'appel lui a accordé une mainlevée partielle des saisies sur une vingtaine de millions d'euros, selon des sources proches du dossier, mais elle a refusé une mainlevée sur la totalité des sommes réclamées par la banque.

« La bonne foi de la banque au moment » où elle a ouvert le crédit « peut être mise en doute au vu des éléments du dossier », écrit la cour, selon l'une des sources. La cour note que début 2014, la banque « avait conscience du caractère en vase clos du marché tenu par la société Aristophil, qu'elle s'interrogeait sur la valeur réelle des collections et qu'elle redoutait l'effondrement massif de ce marché ». Une note de la banque datant de mars 2014 montre qu'elle avait conscience des risques de ce produit, avait appris l'AFP en décembre dernier.

La banque estime avoir respecté « ses obligations de vigilance »

Contactée, la Société Générale se dit « étrangère » à l'enquête en cours, car elle « n'a jamais vendu ou placé les produits litigieux » d'Aristophil. Elle estime « avoir respecté l'ensemble de ses obligations de vigilance dans le cadre de son rôle de teneur de compte » et dénonce « une procédure périphérique opportuniste, relayée dans les médias ».

Des victimes ont assigné les banques Société Générale et CIC au civil, leur réclamant au total 150 millions d'euros, selon leurs avocats Nicolas Lecoq-Vallon et Hélène Feron-Poloni. Contacté, un autre avocat qui représente une quinzaine de plaignants, Matthias Pujos, a annoncé un pourvoi en cassation pour contester la mainlevée partielle des saisies. « La Cour d'appel pose les bonnes questions mais ne tire pas les bonnes conséquences », regrette-t-il.