Le 30 juin prochain, les tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz vont disparaître. 2,3 millions de clients Engie sont directement concernés et doivent changer de contrat quand plus de 4 millions de foyers, titulaires de contrats indexés sur ce tarif mensuel se retrouvent dans l'expectative. Doivent-ils craindre un emballement des prix ?

Le couperet n'a jamais été aussi proche. Le 30 juin prochain, les tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz vont disparaître. Malgré les demandes répétées d'associations de défense des consommateurs comme la CLCV qui arguait que la sécurité contractuelle du client est fragilisée par cette décision, le gouvernement n'a pas reculé.

Comme le prévoit la loi Énergie et Climat promulguée en 2019, qui s'appuyait un arrêt du Conseil d'Etat, les TRV seront donc supprimés directement pour 2,3 millions de clients Engie et affecteront plus de 4 millions de foyers dont le contrats est indexé sur ce tarif mensuel proposé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et entériné par le ministère de l'Economie. Quel effet cela va-t-il avoir sur les factures de juillet ? Faut-il craindre un emballement des prix ? MoneyVox fait le point.

Un prix de référence à la place du TRV

A compter du 1er juillet, « un prix de référence qui suivra une méthodologie de calcul dans la continuité de celle des anciens TRV du gaz avec pour objectif de refléter les modalités de construction des offres de marché des fournisseurs » sera mis en place, détaille la CRE à MoneyVox. Concrètement, un prix pour un foyer utilisant le gaz pour se chauffer, un prix pour un ménage qui cuisine au gaz et un prix pour une petite copropriété consommant 150 mégawattheures par an seront définis comme référence chaque mois.

« Le tarif de référence ne protégera par le consommateur en tant que tel, car aucun fournisseur n'est obligé de proposer une offre à ce prix, contrairement au TRV du gaz. Toutefois, il constitue un repère pour le consommateur, d'une offre à un prix raisonnable et permet de le comparer à une offre à laquelle il va potentiellement souscrire », explique à MoneyVox Lucile Buisson, chargée de mission Energie à l'UFC-Que Choisir.

Rassurant ? « Contrairement à son équivalent en électricité, le TRV du gaz n'est pas un prix fixe. Ce tarif évolue chaque mois, en fonction des cours du prix de gros du gaz naturel. Il ne protège donc pas le consommateur. Durant la crise des hivers 2021-2022 et 2022-2023, ce n'est par le TRV qui a protégé le consommateur, mais le bouclier tarifaire », tempère auprès de MoneyVox Julien Teddé, cofondateur du courtier Opera Energie. De plus, la formule de calcul du prix de référence est sensiblement proche et utilise les prix mensuels (80%) - les plus fluctuants - trimestriels et annuels.

Des prix stables en juillet ?

Mais alors quels seront les prix en juillet ? La CRE confie à MoneyVox ne pas faire de pronostics quant à l'évolution des prix et des factures, mais l'organisme présidé par l'ancienne ministre Emmanuelle Wargon « a déjà pu échanger avec les fournisseurs qui vont dans la majorité utiliser la référence du coût d'approvisionnement de la CRE dans leurs offres futures. »

Malgré la disparition de nombreux fournisseurs au cœur de la crise énergétique, « il est probable qu'un certain nombre d'entre eux vont de nouveau proposer des offres » cet été, indiquait récement à MoneyVox, le médiateur de l'énergie, Olivier Challan Belval.

Des prix stables aussi à moyen terme selon Adeline Jubert, référente énergie chez le courtier MeilleurTaux. Elle estime auprès de MoneyVox que « les fournisseurs alternatifs vont se référer au prix de référence pour se positionner, ce qui régulera automatiquement le marché qui sera du coup plus concurrentiel. » « L'échéance importante pour les consommateurs me semble être davantage la fin du bouclier tarifaire en gaz, soit le 31 décembre 2023, que la fin du TRV le 30 juin prochain », pose Julien Teddé.

Une situation corroborée par la baisse des prix sur le marché de gros, même si les consommateurs n'en tirent pas bénéfice pour le moment. Aujourd'hui, le mégawattheure de gaz naturel livré en 2024 en France s'échange aux alentours de 50 euros/MWh contre 300 euros/MWh fin août 2022 pour une livraison en 2023.

Pourquoi votre facture ne baisse pas malgré la chute des prix du gaz

Des offres avantageuses à venir

« On peut même s'attendre à une baisse des factures, du moins à des offres disponibles plus avantageuses », juge Lucile Buisson de l'UFC-Que Choisir. A date, sur le comparateur de l'association, il existe 16 offres principales de gaz, proposées par 12 fournisseurs différents. « Certaines sont très légèrement plus avantageuses que le TRV du gaz, mais sauf dans le cas d'une indexation au TRV - qui disparaîtra en même temps que lui - rien ne garantit cet avantage tarifaire dans le temps puisque le fournisseur peut modifier unilatéralement le contrat sous réserve de prévenir le consommateur au moins un mois à l'avance. »

Du côté du médiateur de l'énergie, 24 offres pour 15 fournisseurs sont référencées, sans compter les zones gérées par une entreprise locale de distribution, comme Strasbourg, Colmar, Bordeaux ou Grenoble. « Certaines offres sont moins chères que les tarifs réglementés, mais certaines sont beaucoup plus chères, jusqu'à deux fois plus. Il est donc nécessaire de comparer le prix des offres attentivement et de faire attention en cas de démarchage », précise Caroline Keller, cheffe du service information et communication du médiateur de l'énergie à MoneyVox.

Finalement, la seule offre qui permet d'avoir une certaine visibilité aujourd'hui est Passerelle, l'offre d'Engie qui va remplacer le tarif réglementé du gaz. Une offre sur laquelle basculeront automatiquement, dès le 1er juillet, les clients au TRV du fournisseur historique. Le prix de ce contrat résiliable à tout moment sera indexé sur l'indicateur de référence calculé par la CRE. En attendant, le prix indicatif de Passerelle se situait en avril à un niveau « assez proche » du tarif réglementé, quoique « légèrement au-dessus », de l'ordre de 3%, explique Engie à MoneyVox. Soit un surcoût d'environ 50 euros par an pour un foyer parisien de 4 personnes, par exemple. Mais la directrice des marchés particuliers d'Engie, Florence Fouquet, anticipe une baisse du tarif de Passerelle, sous le niveau du tarif réglementé du gaz qui disparaîtra le 30 juin.

Le danger d'un nouveau krach sur les marchés

Finalement, le danger qui guette le consommateur est « une nouvelle hausse des prix du marché du gaz en cas de tension d'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel pour l'hiver prochain », prévient Julien Teddé. Dans ce cas de figure, avec la disparition du TRV, alerte Lucile Buisson, « aucune offre à marge commerciale 'raisonnable' ne sera plus proposée » aux consommateurs.

Pour limiter les risques, « on peut penser que souscrire une offre de marché à prix fixe est plus protecteur que de rester au tarif réglementé, explique Julien Teddé. Cela permet de figer sont budget gaz naturel à un niveau relativement modéré. Et donc de ne pas subir une éventuelle nouvelle hausse lors de l'hiver prochain. »

D'ailleurs, si vous être titulaire d'un contrat à prix fixe chez Engie, et même si celui-ci est proche du niveau des TRV, votre contrat va suivre son cours jusqu'à son échéance prévue, même après la disparition du tarif réglementé au 30 juin.

Quoiqu'il en soit, à tout moment le consommateur conserve sa liberté et peut changer sans délai et gratuitement d'offre, comme de fournisseur. « C'est une bonne occasion de regarder sa facture de près, estime Adeline Jubert. Et pourquoi pas trouver un moyen de l'optimiser. »