Une député Les Républicains a déposé une proposition de loi pour appliquer un taux réduit de TVA à 5,5% sur l’ensemble des dépenses d’énergie pour les ménages en réponse à la précarité grandissante. Ce texte, qui trouve des partisans de chaque côté de l'hémicycle, pourrait même s'inviter dans la loi énergie qui doit statuer sur le sort réservé à EDF en octobre prochain.

« La proportion de ménages ayant des difficultés de paiement de leurs factures d’énergie présente un taux alarmant : de 10% en 2013, il s’élève désormais à 18% en 2020. Soit un ménage sur cinq ». L’exposé des motifs rédigé par la député Les Républicains Laurence Trastour-Isnart donne le ton de sa proposition de loi déposée le 23 février dernier. « Je reçois des demandes à la permanence, on me sollicite en circonscription, la précarité énergétique augmente et ce texte veut venir en aide aux personnes en difficulté », insiste la député des Alpes-Maritimes. Avec elle, 40 élus de plusieurs partis, sauf de la majorité LREM et du Rassemblement national (RN), ont signé un texte pour demander « d’appliquer un taux réduit de TVA à 5,5% sur l’ensemble des dépenses d’énergie pour les ménages ». En 2020, en France, 3,5 millions de foyers sont concernés selon l’Observatoire national de la précarité énergétique. En contrepartie, des taxes supplémentaires seraient prélevées sur le tabac et l’alcool, comme le dispose le code général des impôts.

Prenons l'exemple de l'électricité : actuellement en France, la TVA pèse pour 15% de la facture totale quand les taxes représentent un tiers du prix total. Mais, sur une facture plusieurs taux de TVA cohabitent. 20% sont prélevés sur la consommation et 5,5% sur l’abonnement. La nouvelle loi ne s'appliquerait donc que sur la consommation.

Electricité : pourquoi les taxes sont aussi élevées

Plus largement, les factures d’électricité et de gaz représentent chaque année, et en moyenne, 1 552 euros en France. Le montant s'élève à plus de 3 000 euros par an si on ajoute les carburants, mais ceux-ci, malgré un impact important sur le budget des ménages à chaque passage à la pompe, n’entrent pas dans le champ de la loi portée par Laurence Trastour-Isnart. Leur taxation - celle du gazole rejoint progressivement celle de l’essence par exemple - devrait continuer à augmenter dans les prochaines années pour répondre aux engagements écologiques de la France.

Par contre, les factures qui permettent l’accès au numérique comme celles émises par les opérateurs de box Internet, devenues essentielles aujourd'hui pour consulter sa déclaration d'impôt par exemple, entrent dans le champ du texte de la député. Aujourd’hui la TVA est à 20% sur l’abonnement et réduite à 10% sur les bouquets de chaînes additionnelles par exemple. Pour un montant mensuel de 40 euros, la TVA représente près de 6,50 euros. Et si les Français payent en moyenne plus de 1 700 euros d'abonnements par an, celui pour connecter son domicile au réseau représente 429 euros annuels, soit presque 100 euros de plus que l'abonnement mobile par exemple.

La facture énergétique des Français poste par poste

Le budget électricité atteint 909 euros par an, 354 euros pour le gaz naturel, 194 euros en produits pétroliers (fioul domestique de chauffage pour l'essentiel), 51 euros en chaleur distribuée par réseau et 43 euros en bois pour les cheminées ou les poêles. Sur cet ensemble de postes de dépenses, les taxes atteignent 266 euros dont 190 euros pour celles sur l’électricité. Elles ont doublé depuis 2011, précise le rapport Chiffres clés de l’énergie publié par le ministère de la Transition Écologique en septembre 2020.

Du côté des carburants, les automobilistes ont consacré 1 569 euros en 2018 à ce poste de dépense. Ce montant comprend 59% de taxes dont une part de TVA à 20%.

Des taxes gelées pendant la crise des gilets jaunes

Cette question de la taxation des dépenses d’énergie est centrale mais « c’est un combat assez nouveau, souligne François Carlier, directeur général de l’association de défense des consommateurs CLCV. L’énergie a longtemps été en France perçue comme une dépense essentielle mais aujourd’hui les taxes pèsent pour un 33% de la facture totale ».

Électricité : faut-il revenir aux tarifs réglementés d'EDF pour tous ?

Pendant la crise des gilets jaunes, la hausse des taxes sur l’électricité, le gaz ou le carburant était un axe fort de la mobilisation. Pour le carburant, le gouvernement avait gelé son calendrier d’augmentations fiscales sur l'essence. Pour les deux autres, les hausses avaient été reportées. « A sa demande, nous avions fait des propositions au ministre de l’Economie Bruno Le Maire en faveur d'une TVA énergie, même si nous sommes conscients de son poids dans le budget de l'Etat », se souvient François Carlier qui se dit prêt à compenser cette baisse sur les dépenses énergétiques par une hausse de la TVA sur d’autres biens de consommation moins nécessaires.

Si aucun retour n’a été fait pour l’heure, cette proposition de la CLCV, comme la proposition de loi de la député LR Trastour-Isnart, ne sont pas jetées aux oubliettes. Actuellement en France, les questions d’énergie sont tributaires des négociations entre la France et l’Union européenne à propos de la réforme d’EDF. L’entreprise à capitaux publics est accusée à Bruxelles de nuire à la concurrence du secteur. Avec en toile de fond le projet Hercule qui envisage de scinder EDF en trois pôles, le sujet est attendu à l’Assemblée nationale en octobre selon un calendrier donné par le Premier ministre Jean Castex aux parlementaires. Selon plusieurs députés interrogés par MoneyVox, ce texte de loi pourrait être amendé de propositions sur la fiscalité de l’énergie.

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Le marché de l’électricité doit se réformer

Avant 2025, le marché de l’électricité français doit se réinventer car ce sera la fin de la période transitoire d’ouverture à la concurrence. Pour les consommateurs, les économies envisagées lors de l’arrivée à la concurrence sont bien moindres que celles espérées. Et attendant de voir la direction choisie par les pouvoirs publics, la CLCV plaide pour un retour à 100% aux tarifs réglementés et la fin des offres de marché. Aujourd’hui, 22 millions de ménages - deux tiers du marché - sont toujours abonnés aux tarifs bleus d’EDF.