Basé à Toulouse, Ilek est l'un des rares fournisseurs d'énergie (électricité et gaz) à avoir reçu en novembre le « label vert » de Greenpeace. Entretien avec son cofondateur Rémy Companyo qui nous présente le modèle original d'Ilek et sa philosophie.

En regardant votre offre, j'aurais tendance à vous présenter comme une plateforme collaborative d'énergies !

Rémy Companyo : « Oui effectivement, nous nous voyons un peu comme une marketplace, une plateforme de mise en relation des producteurs et des consommateurs. Depuis le départ, le sujet de la traçabilité de l'énergie est en effet au cœur du projet Ilek. De fait, il est important pour nous que le client puisse identifier et puisse choisir le producteur de biogaz ou d'électricité verte qu'il va rémunérer. A mon sens, il y a en ce moment une attente forte de transparence de la part des consommateurs. Ils veulent savoir d'où viennent les aliments qu'ils consomment, les habits qu'ils portent... Il nous apparait donc assez évident que dans l'énergie il faut faire le même effort. »

Est-ce ce constat d'opacité, réalisé en tant que consommateur d'énergie, qui vous a donné l'idée d'Ilek ?

R.C. : « C'est un élément important et différenciant de notre offre. Mais Ilek est né, à la base, d'une autre problématique, celle de permettre aux producteurs indépendants d'énergie renouvelable de distribuer leur électricité. Sauf si vous vous appelez EDF, il est très complexe pour une entreprise souhaitant monter un projet solaire ou éolien de rajouter la brique distribution. »

En quoi est-ce plus intéressant pour un producteur de passer par vous ?

« Le but pour nous est d'acheter et de revendre l'énergie au juste prix »

R.C. : « C'est une question d'opportunités de prix et de territoire. Sur Ilek, les producteurs sont présentés et connus nommément. Ils peuvent ainsi être identifiés sur leur territoire et s'associer à de nouveaux projets proches géographiquement. Sur l'aspect tarifaire, tous les producteurs ont un même référentiel de prix, déterminé par les flux d'offre et de demande d'énergie, qu'ils ajustent notamment en fonction de leur coût de production. Dans ce cadre, nous essayons de formuler des propositions attractives. Le but pour nous est d'acheter l'énergie au juste prix au producteur et de la revendre à un bon prix aux consommateurs. En somme, de trouver le bon équilibre. »

Les producteurs ont-ils leur mot à dire dans le tarif facturé au client final ?

R.C. : « A chaque producteur correspond une offre d'énergie (biogaz, hydroélectricité ou électricité éolienne). De fait, nous construisons ensemble l'offre. Notamment, le producteur peut lui spécifiquement choisir de proposer un prix plus bas sur une zone géographique précise. »

Pourquoi l'énergie verte reste encore 10% à 20% plus onéreuse que le nucléaire ?

R.C. : « Le prix du nucléaire est biaisé. Les fournisseurs achètent l'électricité nucléaire à un tarif qui ne prend pas en compte le coût du démantèlement des centrales. Et ce, alors même que dans le cas de l'énergie renouvelable, on en tient compte. Du coup, paradoxalement, le nucléaire est considéré comme peu cher mais sans que l'on connaisse vraiment son coût réel. »

Est-ce que c'est un combat que vous souhaitez mener ?

L'énergie verte aujourd'hui, « c'est un peu David contre Goliath ! »

R.C. : « Nous avons hélas que peu d'impact par rapport à EDF étant donné son ancienneté et les liens qu'EDF a avec l'Etat. En revanche, nous croyons à l'idée d'accompagner le changement, de soutenir par notre offre la production d'énergie renouvelable française et d'être ainsi acteur de la transition énergétique. Aujourd'hui, avec 60 000 clients, notre impact est limité. C'est un peu David contre Goliath ! Mais si demain, 1 million de Français souscrivent à une offre verte telle que la nôtre, le signal envoyé sera fort et les acteurs comme EDF devront suivre le mouvement. »

Douze ans après l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, seul 1 foyer sur 4 - soit 8 millions - a souscrit à une offre alternative dite « de marché ». Comment interprétez-vous ce chiffre ?

R.C. : « Cette proportion est très faible. Mais je pense que nous sommes actuellement dans une période charnière. EDF perd des clients et en perd beaucoup [en 2018, 900 000 clients sont sortis du tarif bleu réglementé, NDLR]. Les consommateurs ont envie de s'orienter vers des offres vertes. Car, aujourd'hui, le respect de l'environnement et l'impact carbone sont des paramètres que de plus en plus de Français prennent en compte dans leurs choix de consommation. La technologie facilite aussi cette transition. Chez Ilek, nous essayons de rendre le changement de fournisseur le plus simple possible, via des outils de simulation et un formulaire de souscription en ligne rapide. De fait, la technologie et la prise de conscience écologique aidant, je ne serai pas étonné si dans trois ou quatre ans la moitié des ménages disposent d'une offre verte. »

Au niveau d'Ilek, vous êtes-vous fixé des objectifs commerciaux ?

« Nous souhaitons faire économiser un million de tonnes de CO2 ! »

R.C. : « Nous disposons actuellement de 60 000 clients, environ 10 000 en gaz et 50 000 ont souscrit à une offre d'électricité. D'ici quatre ans, nous souhaitons multiplier par près de 10 ce nombre, et atteindre 400 000 à 500 000 foyers desservis. Mais notre ambition va plus loin. A cet horizon temporel, nous souhaitons faire économiser un million de tonnes de CO2 à la France ! »

Sur quels points forts allez-vous vous appuyer pour y parvenir ?

R.C. : « Le premier d'entre eux est notre service client. Sur les 35 personnes que compte Ilek, 20 sont dédiées à répondre aux demandes et à accompagner les clients. Et ils le font de manière formidable. Notre deuxième point fort, ce sont nos producteurs qui pour certains nous font confiance depuis le début d'Ilek en 2016. Et enfin, nous portons des valeurs fortes auxquelles nous ne dérogerons pas pour réaliser des gains financiers. Ilek est à la fois un projet entrepreneurial et environnemental. En ce sens, nous avons récemment gagné l'opération d'achat groupé d'énergie renouvelable organisée par WWF France. Quitte à faire un sérieux effort sur notre marge, cela avait du sens pour nous en termes d'image et de valeurs d'être associé à cette opération. »