Mutuelles ou encore complémentaires santé sont obligées de communiquer sur les devis, leur taux de redistribution, c'est-à-dire le pourcentage de cotisations reversé à leurs clients. Censé renseigner le (futur) client sur la stratégie de l'organisme et sur sa politique tarifaire, il est trop souvent dénué d'explications claires pour faire jouer la concurrence à plein régime. Surtout, il ne se substitue pas aux garanties individuelles proposées.

Chaque année, c'est devenu un rituel, les cotisations des mutuelles, complémentaires santé et autres institutions de prévoyance augmentent. En 2023, le tarif a grimpé en moyenne de 7%, selon les estimations de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir. Sur la base de 594 contrats étudiés l'augmentation est de 126 euros par an. Selon le comparateur Meilleurtaux Assurances, les familles et les seniors sont les plus concernés par des prix élevés. La cotisation annuelle pour une famille avec deux enfants avait ainsi atteint en moyenne 1 172 euros en 2022, en hausse de 6,55% sur un an.

Reste qu'au-delà de la facture annuelle, les assurés souscrivent notamment à une complémentaire santé pour limiter le reste à charge après un passage chez le médecin ou l'achat d'une nouvelle paire de lunettes. Et le montant redistribué en 2021 est de 31,6 milliards d'euros selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Un total en hausse qui ramené au niveau de l'assuré n'est plus chiffré en euros. On parle alors de taux de redistribution.

Le taux de redistribution, c'est quoi ?

Le taux de redistribution correspond au ratio entre le montant des prestations versées et le montant des cotisations collectées. En clair, et en moyenne, la différence entre ce que je paye et ce que je reçois chaque année de la part de ma mutuelle. En moyenne toujours, il est de 80%, avec des écarts selon que vous soyez client d'une mutuelle (81%), d'un institut de prévoyance (86%) ou d'une compagnie d'assurance (77%).

Concrètement, pour 100 euros de cotisations en 2021, les institutions de prévoyance ont reversé en moyenne 18 euros en optique contre 13 euros pour les entreprises d'assurance et 11 euros pour les mutuelles. En dentaire, elles ont redistribué 20 euros contre 15 euros pour les assurances et les mutuelles, détaille la Drees dans son rapport annuel.

Autre distinction à faire pour évaluer la qualité de la redistribution : le caractère individuel ou collectif du contrat. En effet, depuis 2016, tous les employeurs du secteur privé ont l'obligation de fournir une mutuelle de santé collective à leurs salariés et de participer au moins à hauteur de 50% du prix des cotisations. Les contrats individuels (51% du total) sont plus rentables pour les organismes car le niveau de remboursement y est souvent... moins intéressant pour l'assuré qu'avec un contrat collectif.

Un taux de redistribution bien lisse

Depuis le 1er décembre 2020, il est possible de résilier sa mutuelle santé à tout moment, après 1 an d'engagement, sans justification ni frais. A cette occasion, l'UFC-QueChoisir avait dénoncé l'opacité du secteur concernant la communication du taux de redistribution aux assurés potentiels.

Selon l'association, ce manque de transparence porte atteinte à la libre concurrence sur le marché. En 2023, elle « demande toujours une meilleure information des particuliers et une meilleure compréhension du chiffre, explique Maria Roubtsova, économiste, spécialiste des études santé chez UFC-QueChoisir à MoneyVox. Ce n'est toujours pas le cas chez la plupart des organismes. »

Comme le montre le tableau ci-dessous réalisé par MoneyVox, le taux de redistribution des acteurs du marché est fourni lors d'une demande de devis simple. Il reste cependant difficile d'accès sur le site Internet des organismes de santé. De plus, même communiqué, il faut chercher l'information car sa position n'est pas figée dans le devis. Pour l'un, nous avons dû pousser à la page 49 de la notice d'information quand d'autres l'écrivent dans une police très réduite.

A l'inverse, sa rédaction est majoritairement uniformisée et lisse :

« Le rapport entre le montant des prestations versées et le montant des cotisations perçues s'élève à XX%. Le ratio entre le montant des prestations versées pour le remboursement et l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident et le montant des cotisations ou primes afférentes à ces garanties représente la part des cotisations ou primes collectées, hors taxes, par l'organisme assureur au titre de l'ensemble des garanties couvrant le remboursement ou l'indemnisation des frais précités, qui est utilisée pour le versement des prestations correspondant à ces garanties »

Le chiffre donné n'est, du coup, pas forcément explicité et on peine à comprendre comment des écarts de 20 points existent entre deux organismes :

Taux de redistribution des complémentaires santé
OrganismeTaux de redistribution
Harmonie Mutuelle84,83%
ProBTP84,16%
MGEFI84%
Matmut81%
Macif79,4%
Complévie79,1%
MGEN78,8%
AG2R La Mondiale76,86%
Groupama75,61%
Malakoff Humanis74,98%
GMF64,4%

Taux de redistribution : ratio entre le montant des prestations versées et le montant des cotisations collectées, hors taxes, par l'organisme assureur.

Source : devis demandés par MoneyVox depuis le 1er mars 2023

« Les taux de redistribution des complémentaires santé varient d'un organisme à un autre selon divers critères (contrats collectifs ou individuels, frais des coûts de distribution, frais divers...). Chaque assureur est libre d'appliquer ses propres clauses et conditions », répond France Assureurs à MoneyVox.

Des frais de gestion bien flous

Dans le mille, chacun fait ce qu'il veut, sans s'en justifier auprès des assurés. Malgré un poids moyen de 20% du total des cotisations perçues selon la Drees (22% chez les mutuelles, 14% dans les organismes de prévoyance), les frais de gestion ne sont pas mieux détaillés que la redistribution.

« Les frais de gestion regroupent les frais engagés pour la conception et commercialisation des offres, pour la gestion des contrats (encaissement des cotisations, gestion de la vie du contrat, résiliations, ...) et des prestations avec les remboursements des frais de santé, l'assistance, mais permettent également de financer des actions de prévention détaille Samuel Bansard, le président de Meilleurtaux assurance. Ils peuvent être jugés élevés par certains, mais de là découle aussi la qualité du service apporté aux assurés. »

Harmonie Mutuelle a de son côté pris un engagement 80/20 avec ses clients. Les 20% non versés pour rembourser des prestations servent aussi à développer la téléconsultation, à financer des actions de prévention ou à fournir un accompagnement social pour les personnes en difficulté.

Reste un dernier écueil à la bonne information des (futurs) clients. Le taux de redistribution est « hors taxes ». Heureusement, ProBTP, qui affiche un haut niveau de redistribution, propose aussi une infographie instructive, en plus de rentrer le détail de ses frais de gestion :

Devis édité par la complémentaire santé ProBTP le 6 mars 2023

Sur 100 euros, seulement un peu plus de 74 sont versés aux assurés malgré un taux affiché de plus de 84%. « L'écart s'explique principalement par la taxe de solidarité additionnelle (TSA) et la contribution exceptionnelle COVID-19 qui sont reversées à l'État. » De plus, depuis 2021, les organismes dénoncent la réforme du 100% santé comme pesant lourdement sur leurs charges.

Le taux de redistribution est-il utile à l'assuré ?

« Le taux de redistribution est indicatif, mais ne présage pas forcément de l'offre commerciale qui peut être faite à l'assuré. Le taux peut être bas et le niveau de remboursement individuel élevé », convient Maria Roubtsova. Néanmoins, l'évolution des frais de gestion dans le temps peut donner une idée de l'évolution du niveau des cotisations.

Si les frais d'acquisition des nouveaux clients sont élevés, on peut en déduire que des prix très attractifs sont proposés aux néo-arrivants et que les cotisations bondissent dans le temps. Comme pour les assurances dommages (auto, habitation), il est conseillé de revoir son contrat individuel au minimum tous les deux ans.

« Le taux de redistribution n'est pas l'élément prépondérant pour choisir son contrat de complémentaire santé. Il convient plutôt de regarder le montant de la cotisation et le niveau de couverture sur chaque poste », insiste Samuel Bansard. En effet, ce sont vos besoins individuels qui joueront sur la pertinence de tel ou tel contrat : optique, dentaire, médecine douce ou conditions d'hospitalisation notamment. Des critères qui changent au fil du temps et des âges.