Un bitcoin à plus de 100 000 dollars d'ici fin 2022. L'idée fait sourire certains, tandis que d'autres y croient dur comme fer. A tort ou à raison ? Décryptage.

Le cours du bitcoin a battu tous les records en 2021. Le 10 novembre, la star des cryptomonnaies tutoyait les plus hauts sommets, avec une valorisation supérieure à 68 000 dollars. Mais la chute a été aussi vertigineuse. Début décembre, le prix du bitcoin retombait sous la barre des 46 000 dollars. Puis même sous les 42 000 dollars en cette première semaine de janvier 2022.

Malgré sa forte volatilité, la reine des cryptos enregistre sur l'année une croissance spectaculaire (+58,14%), quoique nettement en-deçà de la flambée observée en 2020 (+309%). La hausse des cours va-t-elle reprendre en 2022, après la correction du début d'année ? Est-ce le bon moment pour investir dans le bitcoin ? On fait le point.

Appétit naissant des banques

Si jusqu'en 2020, l'engouement pour le bitcoin se cantonnait aux seuls particuliers, 2021 marque un tournant, avec l'arrivée d'acteurs institutionnels de premier plan. « Les institutionnels et les grandes entreprises internationales investissent de plus en plus dans bitcoin, principalement pour diversifier leurs placements financiers », explique Jonathan Herscovici, fondateur de StackinSat, une plateforme française qui propose un Plan d'épargne en bitcoin.

D'abord sceptiques, les banques de Wall Street ont multiplié les petits pas vers les monnaies virtuelles et les rendements - bien réels, eux - qu'elles recèlent. En mars 2021, Morgan Stanley devient la première grande banque américaine à offrir à ses clients une exposition au bitcoin. Puis, quelques mois plus tard, Goldman Sachs annonce avoir « lancé avec succès des ordres » sur des produits dérivés liés à la cryptomonnaie.

La première des cryptomonnaies gagne en retour une légitimité inédite. Son cours bondit une première fois en avril, avec l'entrée en bourse de la plateforme d'échange de cryptomonnaies Coinbase. Puis il enregistre un nouveau pic en octobre, suite au lancement du premier fond indiciel (ETF) adossé au bitcoin.

Mais l'engouement initial des géants de la finance va-t-il se confirmer en 2022 ? C'est ce que pense Loukas Lagoudis, du fonds d'investissement en cryptomonnaies ARK36. Interrogé par l'AFP, il s'attend « à ce que l'adoption des actifs numériques par les investisseurs institutionnels et leur intégration dans le système financier traditionnel poussent encore le marché des cryptos » en 2022.

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Craintes de régulation

Cela dit, les banquiers de Wall Street ne sont pas les seuls à s'intéresser aux crypto-actifs, bitcoin en tête. Les régulateurs surveillent également d'un œil inquiet l'arrivée de ces monnaies d'un nouveau genre. Si le Salvador a marqué les esprits en devenant le premier pays à élever le bitcoin au rang de monnaie nationale, tous ne se montrent pas aussi enthousiastes. Loin s'en faut.

La Chine, en particulier, a déclaré la guerre aux cryptomonnaies. Et l'empire du Milieu ne fait pas dans la demi-mesure : en septembre, la Banque centrale chinoise publiait un communiqué laconique, annonçant que « les activités commerciales liées aux monnaies virtuelles » seraient désormais « illégales ». Du jour au lendemain, le bitcoin est devenu persona non grata. Peu de temps après, les autorités chinoises ont de nouveau durci le ton en ajoutant le mining, ce procédé d'extraction de cryptomonnaies, sur la « liste négative », un document regroupant 120 secteurs restreints ou interdits aux investisseurs étrangers. La décision n'a rien d'anodin : la Chine représentait à elle seule près de la moitié des opérations de minage dans le monde.

Mais nul besoin de traverser le globe pour observer les réticences des régulateurs. En juin dernier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, plaidait déjà pour la mise en place rapide d'un cadre réglementaire européen. « Qu'il s'agisse des monnaies numériques ou des paiements, nous, en Europe, devons être prêts à agir aussi vite que nécessaire, ou prendre le risque d'une érosion de notre souveraineté monétaire », a-t-il alerté à l'occasion du colloque financier annuel de Paris Europlace. En l'absence de visibilité sur les intentions des régulateurs, difficile d'estimer avec précision la trajectoire que pourrait prendre le cours du bitcoin en 2022.

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Un rempart face à l'inflation ?

Pour ne rien arranger, la nouvelle année sera marquée par l'inflation, qui signe son grand retour : elle est estimée à 2,8% pour 2021, son plus haut niveau depuis 2008. Bonne ou mauvaise nouvelle pour le bitcoin ? Là encore, difficile à dire.

Souvent comparé à l'or, le bitcoin pourrait faire de l'ombre au métal jaune et devenir la valeur refuge anti-inflation des jeunes investisseurs, selon les analystes de JPMorgan. Un constat que partage Jonathan Herscovici : « Nous avons une conviction de long terme sur bitcoin qui pourrait même atteindre 1 000 000 de dollars dans plusieurs dizaines d'années, lorsqu'il aura revêtu son statut d'étalon monétaire mondial comme l'était l'or avant la fin des accords de Bretton Wood en 1971 ».

Un cours toujours aussi instable

L'année 2022 a commencé par une forte chute, de près de 10%, le 5 janvier. Un argument suffisant, selon Vincent Boy, analyste marchés chez IG France, pour écarter l'idée que le bitcoin pourrait devenir une « valeur décorrélée des marchés spéculatifs » ou encore « une valeur de réserve » : « la chute importante [de mercredi], bien liée à la chute observée sur les marchés financiers traditionnels, montre une nouvelle fois que le bitcoin n'est, à l'heure actuelle, rien de cela. »

Les inquiétudes sur la hausse des prix font également du tort à la star des cryptomonnaies. « Il y a de plus en plus de spéculations sur une action des banques centrales pour contrer l'inflation », explique Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown, à l'AFP. Or, selon elle, ce sont justement ces « programmes massifs d'achats obligataires qui ont inondé les marchés de liquidité en faveur des actifs les plus risqués, comme les cryptomonnaies ».

Si le bitcoin pourrait effectivement pâtir de la disparition des mesures de soutien à l'économie des banques centrales, les grands argentiers se veulent rassurants : il n'y aura pas de remontée brutale des taux en 2022, a précisé la Banque centrale européenne (BCE).

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La concurrence de 16 000 cryptomonnaies... dont l'ethereum

Bitcoin est aujourd'hui la reine des cryptomonnaies. Mais va-t-elle le rester ? Alors que certains experts en sont persuadés, d'autres lui reprochent son infrastructure trop énergivore. Le bitcoin fonctionne en effet sur la preuve de travail (proof of work). Autrement dit, il faut que des mineurs valident mathématiquement chaque transaction, ce qui demande beaucoup de puissance de calcul. L'organisme Digiconomist estime ainsi que les besoins énergétiques du bitcoin représenteraient 0,4% de la production mondiale d'électricité, soit autant que la consommation des Pays-Bas !

Selon la plateforme Coinmarketcap, le bitcoin est actuellement en compétition avec plus de 16 000 cryptomonnaies. Et si la première monnaie virtuelle pèse encore 39% de la capitalisation totale, ethereum, la deuxième plus grosse cryptomonnaie (20% de la capitalisation totale), réduit progressivement l'écart. En janvier 2020, il fallait par exemple 53 jetons ethereum pour acheter 1 bitcoin. A présent, il n'en faut plus que 12.

La tendance pourrait bien s'accélérer en 2022, puisque l'ethereum s'apprête à faire évoluer son modèle en délaissant l'actuel processus de validation des transactions, l'énergivore proof of work, au profit du proof of stake (preuve d'enjeu), à la fois plus rapide et plus écologique. Par contraste, la décentralisation du bitcoin rend toute évolution virtuellement impossible. Une faiblesse, mais également une force, comme le juge Frank Downing, analyste chez ARK : « La réticence du bitcoin à changer son modèle est, selon nous, une des caractéristiques qui la rend stable et cohérente, ce qui est nécessaire pour une réelle monnaie mondiale ».

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