Le Sénat dominé par l'opposition de droite a voté jeudi l'extension pour la fraude sociale d'une expérimentation lancée il y a un an visant à collecter des données sur les réseaux sociaux pour détecter des fraudes fiscales.

Le Sénat, qui examine en première lecture le projet de budget de la Sécurité sociale, a voté à main levée un amendement de la sénatrice centriste Nathalie Goulet, dont le gouvernement avait demandé le retrait. Selon la sénatrice de l'Orne, « on ne prend pas la mesure de l'enjeu » de la fraude sociale - fraudes aux cotisations comme aux prestations. « C'est comme si vous jouiez au basket avec les règles du football », a-t-elle dit. « On a besoin d'intensifier la lutte contre la fraude sociale et on a besoin pour cela de recourir aux nouvelles technologies, notamment sur les réseaux sociaux », a appuyé Michel Canevet (centriste).

L'amendement vise à dupliquer pour la fraude sociale l'expérimentation mise en place par le projet de loi de finances pour 2020, pour trois ans, au sein de l'administration fiscale et des douanes. Celle-ci peut collecter et exploiter les données librement accessibles sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques (par exemple Facebook, Le Bon Coin, Twitter, etc.).

« Des dispositifs lourds à mettre en œuvre »

Pour le secrétaire d'Etat Adrien Taquet, qui souhaitait le retrait de cet amendement, il ne s'agit pas « d'une opposition de principe, bien au contraire, de la part du gouvernement, à ce que nous disposions de tous les outils de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière », mais d'un « principe de réalité ». « Il faut juste bien avoir en tête que ce sont des dispositifs lourds à mettre en œuvre », a-t-il souligné, mettant en garde contre le fait qu'une extension immédiate à la fraude sociale « puisse ralentir l'expérimentation qui est en cours ».

A gauche, Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) a appelé à la lutte « contre l'ensemble des fraudes, en commençant par celles qui nous coûtent le plus cher ». « On peut s'attaquer à la fraude au RSA, c'est vrai ça existe, c'est 800 millions d'euros, mais par exemple la fraude à l'impôt sur les sociétés, (c'est) 27 milliards d'euros », a-t-il souligné.

Le Sénat a par ailleurs voté un amendement PS visant à lutter contre le non recours aux aides existantes. Entre 32 et 44% des potentiels bénéficiaires de la CMU passeraient ainsi à côté, selon Bernard Jomier. L'amendement prévoit que l'accès à un dispositif déclencherait automatiquement l'examen de l'éligibilité aux autres prestations. Tout en affirmant que le gouvernement partageait « pleinement » son objectif, M. Taquet a fait valoir que le « dispositif se heurte à un certain nombre d'impossibilités matérielles », l'administration ne disposant pas des informations pour répondre « à cette promesse de systématisation que porte cet amendement ».