Il y a un an, le ministère de l’Action et des Comptes publics renforçait son dispositif de lutte contre la fraude fiscale, notamment via une meilleure exploration informatique des bases de données de nombreux organismes. Résultat : 640 millions d’euros auraient déjà été récupérés en 2019.

La somme recouvrée par Bercy grâce à son récent algorithme de lutte contre les tricheries est certes encore loin des 25 à 100 milliards d’euros que représenterait la fraude fiscale en France chaque année (1). Mais entre les 2 milliards d’euros en plus collectés grâce au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et ces 640 millions d’euros récupérés sur les 9 premiers mois de l’année (montant dévoilé par Europe 1 ce matin), l’Etat trouve des recettes bienvenues.

C’est notamment grâce au « data mining » (« exploration de données » en bon français) que cette somme, qui aurait pu échapper au fisc auparavant, a finalement été collectée. Concrètement, les services fiscaux utilisent depuis plusieurs années un algorithme (baptisé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », CFVR) pour contrôler les 5 millions d’entreprises françaises (depuis 2014) et les 37 millions de foyers fiscaux chez les particuliers (depuis 2017). Cet outil informatique permet à des ordinateurs superpuissants de croiser les données des gigantesques fichiers de plusieurs organismes : fichier des comptes bancaires (FICOBA), données de l’URSSAFF, de la CAF, de la Sécurité sociale, informations déposées au registre du commerce, données relatives au dépôt de brevets ou de marques, documents du cadastre, base nationale des données patrimoniales, fichier des contrats de capitalisation et d’assurance vie, etc. « Big Brother » vous observe et Bercy a donc accès à de plus en plus de données lui permettant de repérer les éventuelles fraudes à l'impôt.

L’année dernière, la loi du 24 octobre 2018 avait renforcé justement les dispositifs d’échange d’informations entre les administrations fiscales et sociales. Elle avait aussi conduit Bercy à investir 20 millions d’euros supplémentaires dans un logiciel analysant les données publiées par les particuliers sur les réseaux sociaux. En cas d'enquête, le but était de repérer si les photos postées par un contribuable ne trahissaient pas un patrimoine sous-évalué ou si ses données de géolocalisation pouvaient identifier un faux exil fiscal (un soi-disant résident fiscal suisse qui passerait en fait l’essentiel de son temps en France par exemple…)

Et la Loi de Finances 2020, en discussion actuellement au Parlement, envisage d’ailleurs d’aller plus loin dans ce sens. L’article 57 doit « autoriser l’administration à collecter en masse » des informations sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter…) et sur les sites de vente en ligne (Le Bon Coin, Vinted…). Le but là aussi est d’identifier les commerçants non déclarés. Mais ce ratissage extrêmement large des données, prévu pour être expérimenté pendant 3 ans, laisse la CNIL sceptique. La Commission nationale informatique et liberté estime en effet que cette aspiration massive d’informations est « susceptible de porter atteinte à la liberté d’opinion et d’expression » et se dit « réservée quant à l’efficience ainsi qu’à la faisabilité technique d’un tel dispositif ». Si la loi est adoptée, réfléchissez à deux fois avant de poster des informations sur les réseaux sociaux : les algorithmes du fisc sont susceptibles de vous lire…

(1) La Cour des Comptes a chiffré cette fraude à 25 milliards d'euros ; le syndicat Solidaires Finances Publiques l’estime, lui, à 100 milliards.