La réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu sera-t-elle mise en œuvre en 2018 ? Non à en croire les dernières déclarations du chef de l’Etat. De son côté, le gouvernement sortant a « ficelé » sa réforme en collant au calendrier annoncé.

A chaque fin de mandat présidentiel, le Journal officiel s’épaissit jour après jour à l’approche de l’échéance. Parmi les textes réglementaires, de nombreuses nominations, mais aussi des arrêtés et décrets pour mettre en œuvre des textes votés au cours de la mandature. Un exercice qui nécessite quelques arbitrages interministériels, les délais étant parfois trop courts pour solder l'ensemble des mesures dans les tuyaux.

La mise en œuvre du prélèvement à la source semble avoir été érigée au rang de priorité par l’équipe gouvernementale sortante. Trois textes liées à l’impôt à la source ont été publiés dans le Journal officiel du mercredi 10 mai, trois jours après un arrêté dans celui du 7 mai, sans compter d'autres textes au mois d'avril.

Leur contenu ? Des précisions sur les modalités de déclaration mensuelle du prélèvement à la source, à destination des employeurs et autres organismes collecteurs, sur les modalités d’encaissement des acomptes, ou encore sur la création d’un système de traitement automatisé au sein de l’administration fiscale. Bref, des textes d’ordre technique, nécessaires à la future application du prélèvement à la source. Avec un détail d’importance : ces mesures ne doivent s'appliquer qu'au 1er janvier 2018, date officielle de généralisation du prélèvement à la source, comme le prévoit la loi de finances pour 2017.

Le nouveau président veut un « audit » du dispositif

La publication de ces textes, à la dernière minute, fait écho à la promesse du désormais ex-ministre de l’Economie Michel Sapin : « Mon administration a en charge de faire que le dispositif, dans ses complexités, soit totalement impeccable, en place, net, prêt à démarrer », déclarait-il en décembre dernier. Charge, désormais, au nouveau gouvernement de suivre la mise en œuvre de ce prélèvement à la source, d’amender le dispositif, de le reporter ou de le supprimer. En sachant que tout report ou suppression doit passer par une nouvelle loi de finances.

Problème : le nouveau président de la République a certes jugé le prélèvement à la source comme « une bonne réforme », qui « se fera », mais en ne cachant pas ses doutes sur la mise en œuvre au 1er janvier prochain. Le 5 mai, Emmanuel Macron a ainsi ouvertement évoqué une simple expérimentation en 2018. Avant que le porte-parole du mouvement En Marche Benjamin Griveaux n’annonce, vendredi dernier, la tenue d’un « audit au mois de juin » : « On va regarder cet audit et, si l'expérimentation peut être lancée dans de bonnes conditions, elle sera lancée et si ce n'est pas cas, il y aura un report. » A en croire ces propos, une généralisation au 1er janvier 2018 ne serait déjà plus à l’ordre du jour, c’est désormais l’expérimentation à cette date qui serait menacée.

Une campagne télévisée annonçant… la réforme pour 2018

Pourtant, un spot publicitaire signé Bercy est actuellement diffusé à la télévision, afin de promouvoir le prélèvement à la source, et en l’annonçant pour 2018. Une campagne qui doit être diffusée jusqu’au 19 mai. D’emblée, Bercy avait donc choisi de suivre son calendrier, sans tenir compte de l’échéance présidentielle.

En décembre déjà, l’ex-secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert mettait en garde les candidats non-favorables à cette réforme, en visant plus particulièrement François Fillon, à l’époque favori dans la course à l'Elysée : « Certains disent qu’ils ne le mettront pas en œuvre. C’est leur responsabilité ! (…) Des dizaines de millions d’euros ont été investis par des éditeurs de logiciels de paie, par l’administration dans des plans de communication… »

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Le 5 mai dernier, à l’écoute de la volonté de report de réforme d’Emmanuel Macron, Christian Eckert a opté sur son blog personnel pour un discours bien plus musclé à l’égard de celui qui a été élu deux jours plus tard : « Sur la forme, [Emmanuel Macron] méprise le vote du Parlement intervenu fin décembre 2016, qui a validé le dispositif dans son principe, ses détails et son calendrier. »

L’ex-secrétaire d’Etat analyse même cette volonté de report comme une manœuvre politique : « Monsieur Macron veut en fait que les baisses de cotisations salariales qu’il annonce sur la feuille de paie de certains se voient fin janvier. (…) La mise en place simultanée du prélèvement à la source aurait enlevé de la lisibilité à cette opération. » Le parti Les Républicains n'ayant pas caché son opposition au prélèvement à la source, une partie de l’avenir de cette réforme pourrait aussi se jouer lors des élections législatives, en attendant « l’audit »…