La loi Sapin 2 a ouvert la porte à un plus strict encadrement des clauses de domiciliation de revenus dans les contrats de prêt immobilier. L’ordonnance et le décret sont en préparation, limitant la durée de validité de ces clauses ainsi que les pénalités si elles ne sont pas respectées. Mais ces textes pourraient tomber aux oubliettes. Explications de Romain Colas, député PS et ancien rapporteur pour avis de la commission des Finances de l’Assemblée pour la loi Sapin 2.

Romain Colas, confirmez-vous que les textes en cours de validation visent à limiter les clauses de domiciliation à 10 ans ?

Romain Colas : « Oui, je confirme que c’est dans les tuyaux ! Deux textes sont en cours d’examen : le projet d’ordonnance, permis par la loi Sapin 2 et qui introduit le principe d'une durée maximum pour ces clauses ; ainsi qu’un projet de décret qui fixe ce délai à 10 ans. C’est un progrès, mais je pense que ce n’est qu’un petit pas… »

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Quand ordonnance et décret devraient-ils être publiés au Journal officiel ? Pour quel calendrier de mise en œuvre ?

R.C. : « A ce jour, ces textes doivent encore être envoyés au Conseil d’Etat. Je crains qu’ils ne soient pas transmis avant l’échéance électorale. [La loi Sapin 2 habilite en outre le gouvernement à prendre cette mesure par ordonnance dans un délai restreint, d’ici au 10 mai 2017, NDLR] »

Que se passera-t-il si les textes ne sont pas publiés à temps ?
« Je crains qu’ils ne soient pas transmis avant l’échéance électorale »

R.C. : « Il faudra remettre l’ouvrage sur le métier. »

Pourquoi ces textes restent-ils en attente ?

R.C. : « Beaucoup de textes réglementaires doivent passer au Conseil d’Etat avant la fin de mandat. Il faut donc effectuer des arbitrages interministériels. Or ce décret et cette ordonnance n’ont malheureusement pas été priorisés. »

Sans parler de son hypothétique mise en œuvre, auriez-vous souhaité une mesure plus ambitieuse ?
« Ces clauses actent l’assignation à résidence bancaire ! »

R.C. : « Oui ! J’aurais souhaité que la mesure s’insère pleinement dans le nouveau cadre de la mobilité bancaire, suite à la loi Macron. Ces clauses de domiciliation actent l’assignation à résidence bancaire ! J’aurais souhaité les interdire, tout simplement. »

Est-ce envisageable lors de la prochaine mandature ?

R.C. : « Tout dépendra du résultat des élections, mais je le souhaiterais. Le monde évolue vers plus de mobilité bancaire : les banques doivent l’accepter ! Le fait d’interdire la domiciliation forcée des revenus, cela va dans le même sens que la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur qui, elle, est entrée en vigueur. »

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Si, à terme, vous pouvez à nouveau légiférer sur le sujet, comptez-vous interdire toute liaison entre crédit immobilier et compte courant, au-delà de la domiciliation de revenus ?

R.C. : « Oui, dans l’idéal, je souhaiterais que toute clause imposant à l’emprunteur de souscrire un compte bancaire et de domicilier ses revenus soit interdite. »

Les banques évoquent souvent des raisons techniques nécessitant un compte courant pour prélever des échéances…
« Les banques ne sauraient pas opérer des prélèvements ? »

R.C. : « Les banques ne sauraient pas opérer des prélèvements ? Personnellement, mon opérateur d’électricité me prélève tous les mois ! Ce serait une première… »

Faudrait-il aussi s’attaquer à la vente liée de parts sociales ou d’autres produits tels que l’assurance habitation lors de la négociation d’un prêt immobilier ?

R.C. : « Non, pas tant que cette vente se fait dans le cadre d’une négociation. Je ne suis pas favorable à une économie administrée ! Si une banque formule des propositions annexes lors d’une discussion avec un client, je n’y vois pas d’inconvénient. Ce qui pose problème, c’est le fait d’inclure une contrainte de domiciliation bancaire dans le contrat. »

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