Le Sénat a adopté vendredi le projet de loi Sapin II sur la transparence de la vie économique après l'avoir modifié, notamment en se montrant plus restrictif sur le statut des lanceurs d'alerte.

La version réécrite du texte porté par le ministre des Finances Michel Sapin a été votée à l'occasion d'un scrutin à main levée par les sénateurs de droite, PS et écologistes s'abstenant tandis que les communistes ont voté contre. En revanche, les communistes ont voté, comme la droite, pour une proposition de loi organique qui l'accompagnait concernant la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte. Socialistes et écologistes se sont abstenus.

Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée (une seule lecture par chambre), le texte fera maintenant l'objet d'un examen par une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune aux deux chambres. En cas de désaccord, l'Assemblée aura le dernier mot.

Le volet principal du projet de loi concerne la création d'un statut général et un régime de protection des lanceurs d'alerte. Il vise aussi à renforcer la lutte contre la corruption, à travers la mise en place d'un service chargé de sa prévention et de sa détection.

La commission des lois a voulu privilégier, en matière de lutte contre la corruption et de protection des lanceurs d'alerte, le recours au juge judiciaire et au parquet national financier et éviter de créer des dispositifs nouveaux. En séance, les sénateurs ont notamment rétabli la possibilité, supprimée en commission, pour le Défenseur des droits d'accorder au lanceur d'alerte une aide financière destinée à l'avance des frais de procédure.

Par ailleurs, ils ont renforcé les pouvoirs de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en lui confiant le contrôle du « pantouflage » (passage du public au privé) des hauts fonctionnaires, et en lui accordant la faculté de rendre publique les mises en demeure adressées aux représentant d'intérêts -les lobbyistes- qui ne respecteraient pas les règles déontologiques.

« Pantouflage »

Les sénateurs se sont également penchés sur la protection des agriculteurs en renforçant la transparence dans les acquisitions foncières et en donnant aux Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) des moyens de lutte contre l'accaparement des terres au détriment de l'installation d'agriculteurs. Ils ont aussi encouragé un processus de formation des prix agricoles prenant en compte les coûts de production.

Enfin, les sénateurs ont clarifié le dispositif par lequel les actionnaires pourraient statuer sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées : ils ont proposé un vote contraignant, au moins tous les quatre ans, sur la politique de rémunération et un vote consultatif annuel sur les rémunérations versées au titre de l'exercice précédent pour les seuls mandataires exécutifs.

« Le travail du Sénat a permis d'affiner la rédaction du texte sur plusieurs points essentiels et de renforcer encore le dispositif global de lutte contre la corruption et pour la transparence », a réagi le président de la HATVP, Jean-Louis Nadal. « Avec cette loi, la France montrera la voie parmi les pays de l'OCDE », a-t-il estimé, qualifiant la loi Sapin 2 de « modèle une fois mise en œuvre ». Il a jugé que l'encadrement des lobbies que le projet prévoit « est une première et une innovation considérable ». Mais, a-t-il prévenu, pour réussir cette réforme, « il faut des moyens qu'aujourd'hui la Haute Autorité, qui (..) fonctionne avec 900.000 euros par an, n'a absolument pas ».

Il a aussi estimé que le Parlement devait continuer « à réfléchir à une évolution » des lois concernant le « pantouflage ».