L'Assemblée nationale a largement approuvé mardi, en première lecture, le vaste projet de loi « Sapin II » sur la transparence de la vie économique, qui prévoit notamment la création d'une agence anticorruption, une protection des lanceurs d'alerte et un encadrement des lobbies.

Le texte, qui doit désormais être débattu au Sénat, a été adopté par 304 voix contre 199, et 45 abstentions. La majorité de gauche a voté pour, le Front de gauche et l'UDI se sont abstenus, tandis que le groupe Les Républicains a voté contre. Ce projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », porté principalement par le ministre des Finances Michel Sapin la semaine dernière dans l'hémicycle, vise à permettre à la France de « rattraper son retard » en matière de lutte anticorruption.

Les députés ont complété ses différents volets : statut étoffé pour les lanceurs d'alerte, dispositif alternatif à la transaction pénale pour les entreprises mises en cause dans les affaires de corruption, ou répertoire des représentants d'intérêts élargi aux activités auprès du président de la République et à des élus locaux, soit désormais près de 10.000 acteurs de la vie publique.

Ils ont aussi rendu contraignant le vote des assemblées générales d'actionnaires sur la rémunération des dirigeants, à la suite notamment de la polémique concernant Carlos Ghosn (Renault), et créé une obligation de reporting financier public par pays (nombre de salariés, chiffre d'affaires, impôts sur les bénéfices, etc.) pour les multinationales, sous certaines conditions.

Un texte « au milieu du gué »

Pour les socialistes, « la transparence, ce n'est pas la tyrannie contemporaine que certains dénoncent », a lancé leur porte-parole sur ce texte, Sandrine Mazetier, saluant ces « enrichissements », même si « pas suffisants encore peut-être ». Les radicaux de gauche, par la voix de Jeanine Dubié, ont apporté leur soutien, tout en se disant « pas naïfs » sur les effets d'un projet de loi qui ne mettra pas « fin aux abus de la finance internationale ».

Centristes et Front de gauche ont expliqué leur abstention respectivement par le manque d'ouverture du gouvernement à leurs amendements notamment sur la transparence dans l'agroalimentaire, et par leur « déception » concernant un texte « au milieu du gué ». La définition des lanceurs d'alerte notamment est « insatisfaisante » car « elle ne couvrirait pas le cas d'Antoine Deltour, injustement traîné en justice » dans l'affaire des Luxleaks, a pointé le communiste Alain Bocquet.

Un texte « pavé de bonnes intentions »

Olivier Marleix (LR) a dit l'opposition de son groupe à un texte « pavé de bonnes intentions » mais source de « nouvelles obligations » pour les entreprises (recueil des alertes), nuisances à « l'attractivité économique du pays » (reporting) ou « atteinte à la séparation des pouvoirs » (registre des lobbyistes confié à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique).

Dans un communiqué, le chef de file des députés PS Bruno Le Roux a critiqué une droite « dure avec le monde du travail, timorée face au monde de l'argent ». La « seule satisfaction » de LR, d'après Olivier Marleix, réside dans le « renoncement du gouvernement » à l'article controversé sur un allègement des qualifications des artisans, qui avait été initialement défendu par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron. Plusieurs élus de tous bords se sont félicités de la réécriture en séance.