Avec la crise grecque, le rôle et le fonctionnement des agences de notation ont de nouveau suscité la polémique. Décrites comme ultra puissantes, incontrôlables et faillibles, ces sociétés privées sont dans la ligne de mire de nombreux États. L’Europe a adopté en septembre dernier un règlement pour mieux les réguler et le projet de loi français de régulation bancaire et financière, examiné à partir du 10 juin à l'Assemblée nationale, prévoit également de les responsabiliser.

Chargées d’évaluer par des notations succinctes la stabilité financière et la solvabilité d’Etat ou d’entreprises, ainsi que le risque de produits financiers, les agences de notation ont été accusé de souffler la panique en dégradant les notes de plusieurs Etats européens, sur des marchés financiers déjà agités par la crise grecque.

Les trois agences mondiales, Moody’s, Standard’s & Poors et Fitch Ratings établissent des notations sur lesquelles s’appuient les investisseurs du monde entier pour prendre leurs décisions. Premier problème, le manque de transparence dans le processus qui aboutit à ces notations. Deuxième point où le bas blesse : pour leurs notations, ces sociétés privées sont payées par ceux qui les notent, d’où un risque de conflit d’intérêt. Enfin, les agences de notation ont démontrées qu’elles étaient faillibles. En 2007, elles avaient continué jusqu’au bout à attribuer la note maximale de fiabilité aux subprimes, ces prêts immobiliers hypothécaires à risque, à l’origine de la crise financière.

Un règlement européen pour limiter le risque de conflit d'intérêt et imposer plus de transparence

Dès 2004, l’Union européenne avait affiché sa volonté de surveiller davantage ces agences. Puis, en septembre 2009, l’Europe a adopté définitivement un règlement communautaire, visant à contrôler leur activité. Contrairement à une directive, l’application de ce règlement est obligatoire et directe dans tous les Etats membres, et ne nécessite pas de transposition dans le droit national. La mise en application est échelonnée en trois étapes. Amorcée en décembre 2009, elle se poursuivra jusqu’en juin 2011.

Mais la date clé pour les agences est le 7 septembre 2010. En effet, c’est pour elles la date limite de dépôt de la demande d’enregistrement désormais imposée par le règlement, auprès des autorités de contrôle des marchés financiers (AMF en France).

Cet enregistrement les contraint à se conformer à de nombreuses mesures, concernant notamment leur fonctionnement interne, qui visent d'une part à éviter le conflit d’intérêt et d'autre part à imposer plus de transparence.

Ainsi, les agences auront interdiction de fournir des services de conseil ou de consultation, elles devront en outre instaurer un roulement progressif de leurs analystes de notation et de ceux chargés de valider les notations, pour éviter que leurs employés travaillent trop longtemps pour le même client. Elles devront également compter au moins trois personnes dont la rémunération est indépendante des performances économiques de l’agence dans leur conseil d’administration.

Par ailleurs, les agences auront l’obligation de publier un rapport de transparence annuel, de rendre public les éléments et les méthodes sur lesquels elles fondent leur notation et de fournir au CERVM (Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières) les données sur leurs performances passées qui seront également rendues publiques.

En attendant la création, courant 2010, d’un organe européen chargé de contrôler l’application de ce règlement, cette surveillance revient aux autorités de contrôle des marchés financiers de chaque Etat membre, et donc à l’AMF en France.

Projet de loi français : pour un engagement de leur responsabilité

De plus, la loi française devrait prochainement prévoir des contraintes supplémentaires. Ainsi, dans le projet de loi de régulation financière et bancaire, qui sera discuté à partir du 10 juin à l’Assemblée nationale, un amendement propose de renforcer la responsabilité des agences de notation financière en cas d’erreur de notation, en instaurant la nullité de plein droit de toute clause qui viserait à atténuer cette responsabilité.