Après la crise sanitaire, la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 entraîne des baisses de revenus pour des millions de ménages français, touchés par le chômage. Avec le risque pour beaucoup de ne plus réussir à boucler leur fins de mois et de tomber dans la spirale des incidents de paiement. Voici quelques conseils à mettre en œuvre rapidement pour éviter de décrocher.

50 euros par semaine et par ménage. Fin avril, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) mettait, dans Le Monde, un chiffre sur la perte de pouvoir d'achat subi par les Français avec la crise du coronavirus. Un chiffre moyen, qui recouvre évidemment des réalités très différentes selon la situation financière, et dont l'impact, pour beaucoup, a été jusqu'ici amorti par la baisse de la consommation liée aux contraintes du confinement. Mais un chiffre appelé à grossir dans les mois à venir, à mesure que les dispositifs d'urgence - le chômage partiel notamment - vont être mis en sommeil. Vous vous y attendez : selon un récent sondage (1), vous êtes 56% à être inquiets pour votre situation financière, et 39% à craindre pour votre emploi.

Pour celles et ceux dont le budget était déjà serré avant la crise - 5 millions de foyers, soit 11 millions de personnes, selon l'Union nationale des associations familiales (UNAF) -, et pour les autres qui vont voir leurs rentrées d'argent diminuer, l'enjeu des prochains mois est clair : il va falloir s'adapter pour éviter de tomber dans la spirale des incidents de paiement et l'avalanche de frais qui va avec. Et le faire sans attendre, même si les difficultés ne sont pas encore là. « Il est essentiel de prendre rapidement les choses en main, car la situation peut rapidement se dégrader », confirme Jean-Louis Kiehl, président-fondateur de la plateforme CRESUS, spécialisée dans la prévention du surendettement. Voici quelques conseils et bonnes pratiques pour vous y aider.

1 - Consulter et analyser ses comptes

C'est le premier réflexe à adopter pour éviter les dérapages : consulter quotidiennement ses comptes pour être en mesure d'anticiper un dérapage. Cela tombe bien : les applications mobiles des banques ont fait de gros progrès ces dernières années. Elles permettent toutes d'accéder quasi-instantanément à ses comptes, mais aussi pour la plupart de paramétrer des alertes sur solde, qui vous avertissent lorsque vous approchez du découvert. Si vous estimez que l'appli de votre banque est peu pratique ou insuffisante, vous pouvez éventuellement vous tourner vers un coach budgétaire spécialisé. : ils sont nombreux sur le marché.

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Consulter son solde à un instant T, même quotidiennement, n'est toutefois pas suffisant. N'hésitez pas à remonter la liste de vos opérations pour y repérer les opérations récurrentes - les remboursements de crédit, les prélèvements automatiques pour les factures notamment. Objectif : connaître les dates de ces opérations, pour être capables de les anticiper. Et passer ainsi d'une logique de solde à une logique de reste à vivre.

2 - Calculer votre reste à vivre

Déterminer son reste à vivre : c'est « la priorité » pour les ménages qui craignent les difficultés financières, estime Jean-Louis Kiehl, le fondateur de CRESUS. Cette technique, mise en œuvre notamment par les banques avant de décider de vous octroyer un crédit, est en effet la clé de tout diagnostic financier.

Le principe est assez simple : il s'agit de « mettre en regard, d'un côté, les ressources et, de l'autre, les charges fixes et les crédits », détaille Jean-Louis Kiehl. La différence entre les deux constitue le reste à vivre, c'est-à-dire l'argent qui reste pour régler les charges variables, la nourriture en premier lieu.

Comment calculer son reste à vivre ?

Pour effectuer ce calcul, il est nécessaire d'être le plus exhaustif possible. Voici les éléments à prendre en compte :

Ressources : salaires, retraites, allocations (chômage, RSA...), bourses, aides, etc.

Charges fixes : loyer avec charges, électricité, eau, chauffage, télécoms (téléphone / mobile / internet / TV), impôts et taxes, assurances, mutuelle, transport, etc.

Crédits : crédits immobiliers avec assurances, crédits à la consommation.

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Calculer ce reste à vivre va vous permettre de déterminer si vous avez dépassé ou non le seuil d'alerte, au-dessous duquel vous êtes exposés à des fins de mois difficiles. Seuil qui, évidemment, peut varier selon l'endroit où vous vivez : il ne sera pas le même dans une grande ville ou un petit village.

En général toutefois, on estime à 600 euros pour une personne seule (ou par unité de consommation, pour reprendre la référence statistique utilisée par CRESUS) le seuil d'entrée dans les difficultés financières, à partir duquel il faut commencer à adapter ses habitudes de consommation pour éviter les découverts de fins de mois. Et à 400 euros le seuil d'alerte, de déclenchement de la « lumière rouge », pour reprendre l'expression de Jean-Louis Kiehl, qui nécessite de se faire accompagner. Des chiffres, bien sûr, qu'il faut adapter à la situation précise de votre foyer.

Dans un foyer, le premier adulte compte pour 1 unité de consommation, les autres personnes de 14 ans et plus pour 0,5, et les moins de 14 ans pour 0,3. Ainsi, un couple avec deux enfants de moins de 14 ans représente 2,1 unités de consommation (UC), ce qui situe le seuil d'alerte à 840 euros de reste à vivre.

3 - Diminuer ses dépenses fixes

Avec la crise du coronavirus, votre reste à vivre est passé sous le seuil des 600 euros ? Rien de grave encore, mais vous risquez de finir le mois à découvert et donc de générer des incidents de paiement, qui ne feront qu'aggraver la situation.

Pour repasser dans le vert, une solution est de diminuer le poids de vos charges fixes. Plusieurs pistes pour cela. La première, la plus simple, est de couper dans vos loisirs. Là encore, remonter le fil de vos dépenses et listez tout le superflu : l'abonnement à la salle de sport où vous n'allez jamais, le service de streaming que vous ne regardez pas, la revue que vous n'avez pas le temps de lire...

Deuxième piste : faites baisser le coût des services indispensables, en changeant par exemple d'opérateur téléphonique, de fournisseurs d'énergie, de banque ou d'assureur... Autant de secteurs où la concurrence fait rage et où il est possible de faire rapidement et assez facilement de substantielles économies.

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4 - Dialoguer avec sa banque

Si cela ne suffit pas encore pour vous faire repasser dans le vert, l'étape suivante est de contacter votre, ou vos organismes financiers, pour leur faire part de vos difficultés. « Il ne faut pas hésiter à se tourner vers sa banque le plus tôt possible », conseille Jean-Louis Kiehl. « N'attendez pas que la situation se dégrade et complique le dialogue. »

Que peut vous proposer votre banque ? Elle peut d'abord relever le niveau de votre autorisation de découvert. Mais attention : ce relèvement doit être de préférence ponctuel, ou d'une ampleur raisonnable. « Il faut veiller autant que possible à ce que l'autorisation reste proportionnée aux revenus », alerte Jean-Louis Kiehl, afin d'éviter que le découvert se creuse de mois en mois. Si c'est déjà le cas, et que vos rentrées d'argent ne permettent plus de boucher le trou, vous pouvez demander à votre banquier de transformer ce découvert en crédit à la consommation amortissable, que vous pourrez rembourser petit à petit.

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Si vous êtes emprunteur, immobilier ou à la consommation, votre banque dispose d'autres leviers pour amortir le choc d'une baisse de revenus. A court terme, elle peut vous proposer un report des échéances des crédits en cours. Depuis le début de la crise du coronavirus, la plupart des enseignes ont joué le jeu, selon le fondateur de CRESUS : « C'est aussi leur intérêt d'éviter que la situation de leurs clients se détériore ».

A plus long terme, elle peut vous proposer de restructurer votre dette, grâce à un regroupement de crédits. Une solution qui allonge la durée de remboursement de la créance, et donc son coût, mais qui permet aussi de récupérer du reste à vivre. Et donc de limiter les fins de mois dans le rouge.

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(1) Sondage réalisé par internet les 26 et 27 mai 2020, par Elabe pour BFMTV selon la méthode des quotas, sur un échantillon représentatif de la population française de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus.