« Payer moins et gagner plus » : voici le mot d'ordre des sénateurs Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, à l'heure de remettre leur rapport sur la protection des épargnants. Ils explicitent ces 17 recommandations, et leurs priorités pour protéger les épargnants dans le contexte d'inflation et de taux bas...

Nous sommes à quelques mois de l'élection présidentielle. Votre objectif est-il d'inscrire vos recommandations dans les débats ?

Jean-François Husson (sénateur LR et rapporteur général de la commission des finances du Sénat) : « Cette mission d'information a été lancée voici 18 mois par Albéric de Montgolfier [Ont notamment été consultés l'UFC-Que Choisir, les associations représentant banques, assureurs, conseillers financiers, économistes et experts du secteur financier, la Répression des fraudes, etc., NDLR]. Elle a été interrompue par la crise sanitaire. Ce travail est donc totalement indépendant des échéances électorales. Par ailleurs, le rapport était prêt fin juillet mais nous avons choisi de le publier à l'automne, l'été ne garantissant pas la même visibilité. »

« Ce qui motive ce rapport, c'est surtout les taux bas et le retour de l'inflation »

Albéric de Montgolfier (sénateur LR et ancien rapporteur général de la commission des finances) : « Ce qui motive ce rapport, c'est surtout le contexte de taux bas persistant, et le retour plus récent de l'inflation. Notre objectif est avant tout l'idée d'offrir aux épargnants la possibilité d'obtenir un meilleur rendement. Cela passe notamment par la question des frais, globalement trop élevés comme nous l'expliquons dans ce rapport. La volonté du Sénat est de faire avancer le débat, pas de faire des propositions aux candidats. »

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Si certains candidats s'emparaient de vos propositions, cela ne leur donnerait-il pas plus de poids ?

J-F.H. : « Il faut d'abord que ce soit utile aux épargnants. Ce qui n'empêche pas certains thèmes de s'imposer lors de la campagne présidentielle. La question du financement des retraites, et donc du rôle de l'épargne en ce sens, sera évidemment abordée lors des débats électoraux... Après, pour reprendre une expression chère à Albéric de Montgolfier, le Sénat n'a souvent qu'un seul tort, c'est d'avoir raison trop tôt. »

A.d.M. : « Pour être parfaitement clair, nous ne sommes pas un think tank mais des parlementaires. Dans la synthèse de notre rapport, nous sommes avons d'ailleurs pris soin de préciser si nos propositions relèvent d'un niveau réglementaire ou législatif. Ces propositions peuvent très bien être reprises, mais elles ne sont pas guidées par un tempo politique. »

Vous dressez plusieurs constats et en particulier la surcharge de frais, la délicate lisibilité des rétrocessions reversées aux conseillers financiers. Est-ce que cela participe à la défiance de certains Français envers les placements risqués ?

A.d.M. : « Ce n'est pas de la défiance. Mais un manque de transparence. Évidemment, quand on compare un placement aux frais multiples à un Livret A, très simple, sans frais et défiscalisé... Quand l'on voit des exemples de placements où plus de la moitié de la performance part en frais, ce n'est évidemment pas un argument en faveur de ces produits ! »

« Quand on compare un placement aux frais multiples à un Livret A, très simple, sans frais et défiscalisé... »

J-F.H. : « Les Français ont par nature beaucoup d'argent sur leur compte courant, et ce phénomène s'amplifie. Mais il n'y a pas de défiance envers les supports risqués quand l'on voit la tendance actuelle sur l'assurance vie, où les unités de compte (UC) représentent désormais 38% de la collecte en 2021 [contre 34% en 2020 et 27% en 2019, NDLR]. Avec la baisse des rendements des fonds en euros, une évolution se dessine clairement. Jusqu'à présent les Français faisaient du court terme. Ils sont peut-être plus ouverts au long terme, mais il ne faut pas qu'ils soient freinés dans cette démarche par des niveaux de frais trop élevés. »

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Parmi vos 17 propositions, en voyez-vous une centrale ?

« Il faudrait un outil pour réellement comparer les frais de l'assurance vie ! »

J-F.H. : « Non car elles fonctionnent comme un tout. S'il faut insister sur une proposition, peut-être améliorer la connaissance de la gestion passive par les épargnants et le grand public. Car [les fonds indiciels, appelés trackers ou ETF] offrent de meilleurs rendements sans l'intervention des intermédiaires ! Or les Français ont toujours eu l'habitude de passer par un intermédiaire, et ils ont l'habitude de payer le conseil via une commission sur l'épargne, et non en réglant des honoraires. Or la facturation d'honoraires permet justement de soutenir un conseil indépendant [alors que le système des rétrocessions lie le distributeur ou conseiller au gestionnaire d'actifs, qui reverse lui reverse des commissions, NDLR]. Et il faudrait un outil pour réellement comparer les frais de l'assurance vie ! »

Un comparateur public, à l'image des frais bancaires, comme l'a proposé la présidente du Comité consultatif du secteur financier ?

J-F.H. : « Oui, tout à fait ! La transparence et une bonne connaissance des enjeux, cela ne peut que faire gagner les épargnants. Un observatoire neutre, ce serait forcément un progrès. »

Bercy n'y semble pas forcément opposé... mais souligne la complexité de la mise en place d'un tel comparateur.

J-F.H. : « Quand il y a une volonté, il y a un chemin. »

Pourquoi renoncez-vous à interdire les rétrocessions ?

« Un observatoire neutre, ce serait forcément un progrès »

A.d.M. : « Il y a un problème juridique vis-à-vis des cadres français et européen. Et il y a aussi un problème de culture française : on n'a pas l'habitude de payer des honoraires pour obtenir un conseil. C'est pourquoi on avance prudemment sur ce point. Nous réclamons déjà de la transparence. »

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En juin 2020, MoneyVox a chiffré la facture des frais sur versement de l'assurance vie, qui sont généralement en grande partie reversés aux distributeurs (courtiers, banques, etc.) par l'assureur : 3,57 milliards d'euros par an, et 2,81% de frais d'entrée en moyenne. Un taux élevé notamment dû aux contrats bancaires et aux assurances vie d'ancienne génération...

J-F.H. : « Les frais sur versement des anciens contrats, c'est en effet quasiment impossible de les négocier. Et cela pose effectivement un problème. Ce point rejoint notre recommandation sur la transférabilité de l'assurance vie [ils proposent un transfert possible d'un assureur à un autre après 8 ans de détention du contrat, NDLR]. »

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