Maxence Bizien est le directeur général d'Alfa pour Agence pour la Lutte contre la Fraude à l'Assurance (ALFA) depuis 2018. Dans un entretien accordé à MoneyVox, l'expert nous explique comment le crime organisé a étendu ses tentacules à la fraude à l'assurance auto, notamment via les sinistres pour vandalismes qui se multiplient dans le sud de la France et à Marseille en particulier.

Maxence Bizien, Directeur de l’agence Alfa (Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance)
Maxence Bizien
Directeur de l’agence Alfa (Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance)

L'Agence pour la Lutte contre la Fraude à l'Assurance (ALFA) a été créée en 1989 dans le but de développer des actions de prévention et des moyens de détection des sinistres frauduleux pour les compagnies d'assurance.

Nous avons présenté à son directeur général, Maxence Bizien, les dernières données de l'association professionnelle SRA qui constent que les prix des réparations automobiles sont plus élevés dans les départements où les actes de vandalisme sont les plus nombreux.

Dans un entretien accordé à MoneyVox, cet expert explique comment le crime organisé a étendu ses tentacules à la fraude à l'assurance auto.

Assurance auto : comment les actes de vandalisme alimentent la fraude et plombent votre prime

MoneyVox : « Comment expliquer que les actes de vandalisme soient plus nombreux dans certains départements, et que, souvent, dans ces mêmes zones, les prix des répérations sont plus élevés ? »

Maxence Bizien : « Il est vrai que nous constatons une corrélation entre les départements où la fréquence des actes de vandalisme - c'est à dire des dégradations intentionnelles au véhicule, différentes d'un vol avec effraction - est la plus forte et ceux où le coût des réparations pour vandalisme est supérieur aux tendances nationales. Trois départements, les Bouches-du-Rhône, les Pyrénées-Orientales et la Seine-Saint-Denis sont dans le Top 5 des deux catégories. En clair, on a en moyenne quatre fois plus de chances de se faire vandaliser sa voiture à Marseille et les assurés y payent en moyenne les réparations via leurs assureurs deux fois plus cher qu'ailleurs. »

Surtout, ces données corroborent nos constatations en termes de fraudes. Les assureurs membres d'Alfa nous sollicitent sur des dossiers de vandalisme dans ces départements-là parce que les coûts moyens y sont plus importants. »

Assurance auto : comment les actes de vandalisme alimentent la fraude et plombent votre prime

Quelle est l'action menée par Alfa dans cette situation ?

M. B. : « Nous travaillons sur certains garages ou réseaux de garages pour mieux comprendre leur fonctionnement. Nous avons remarqué qu'ils communiquent sur les réseaux sociaux. C'est vraiment de la pub avec des annonces du type : “venez chez nous, en cas de vandalisme on paye la franchise”. Ça revient à dire que, en cas de choc léger sur un véhicule, faisons passer cela pour du vandalisme, sans frais car sans franchise. C'est un mode de communication concentré à Marseille et dans les-Bouches-du-Rhône même si on constate que cela s'étend dans le sud de la France.

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Ce que l'on voit aussi, c'est que des garages se sont spécialisés dans la réparation des sinistres de vandalisme. L'assuré a le libre choix de son garage et bizarrement, certains font le choix de ne pas aller dans les garages agréés. Pourquoi ? Parce qu'on leur offre la franchise, peut-être autre chose comme avec les pare-brises où les réparateurs ont multiplié les promotions incitatives.

C'est d'autant plus tentant que la prise en charge de l'indemnisation par les assureurs est rapide. Les garages vont jusqu'à proposer des cessions de créance aux assurés (pour qu'ils n'aient pas à avancer l'argent des réparations ndlr) pour raccourcir encore les délais. »

« C'est vraiment de la pub : “venez chez nous, en cas de vandalisme on paye la franchise”. »

Avez-vous des exemples précis ?

M.B. : « Alfa a trouvé une spécificité dans les Bouches-du-Rhône : des garages domiciliés dans des immeubles d'habitation, sans aucun local commercial, parfois situés dans les étages, en plein cœur de Marseille. La mode du moment ce sont aussi les garages itinérants. Quand une expertise est organisée, les rendez-vous ont lieu dans un autre garage que celui renseigné ou bien sur le parking de l'entreprise qui doit procéder à l'expertise. Dans ce cas le véhicule vient sur un camion qui le remorque. »

Une fois que ces pratiques sont repérées, comment intervenez-vous ?

M.B. : « C'est aux assureurs de le faire et chaque assureur répond à sa façon. Face aux enquêteurs et aux experts, les personnes en charge des garages suspectés se montrent de plus en plus virulentes, voire violentes. On est régulièrement confronté a des menaces envers les experts qu'on ne voit pas dans d'autres régions. Cette attitude renforce la suspicion de fraude. »

« On est régulièrement confronté a des menaces envers les experts »

Au final, ces fraudes pèsent sur les primes de l'ensemble des assurés. Il est impossible de stopper ces pratiques ?

M.B. : « Le rôle de l'Alfa est de conseiller les assureurs afin qu'ils puissent se coordonner pour une lutte plus efficace contre la fraude. Mais c'est un sujet complexe : nous avons affaire à une criminalité organisée, pas à de simples amateurs isolés. Ils connaissent parfaitement les rouages de l'assurance pour en exploiter les failles. D'ailleurs, la fraude à l'assurance ne représente en général qu'une partie de leurs activités. Alfa permet la mise en commun des informations et propose des moyens de lutter, mais nous ne sommes pas la police, ni la justice. La plainte doit être déposée par les assureurs concernés.

En revanche, Alfa est un relais des forces de police, notamment quand ils doivent réaliser des réquisitions judiciaires auprès de nos membres. Nous facilitons la communication entre les sphères publique et privée. Nous conseillons également nos membres sur les bonnes pratiques à adopter. Il nous semble aussi important de renforcer l'information des assurés sur ces pratiques et leurs conséquences.  Finalement, le coût de ces fraudes est supporté par tous les assurés qui voient les primes augmenter. »