La prix Nobel d'économie Esther Duflo s'est déclarée lundi opposée à l'annulation de la dette de la Banque centrale européenne (BCE) qui ferait flamber les taux d'intérêt, mais a prôné le rétablissement d'une « fiscalité progressive » pour la rembourser le moment venu.

Annuler la dette ne générerait « aucun gain puisque de toute façon la dette ne coûte rien pour l'instant, on a tout le temps qu'il faut pour la rembourser et ça peut être fait par une fiscalité adaptée », « sans limiter les dépenses », a déclaré la professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) sur France Inter. Ce faisant, celle qui est cette année professeure invitée à la Paris School of Economics (PSE) prend le contre-pied de l'appel lancé par plusieurs économistes, dont son collègue Thomas Piketty de la PSE, à un abandon par la BCE des titres de dette publique européenne qu'elle détient.

« La raison pour laquelle les taux d'intérêt sont à zéro, c'est parce que le marché financier est absolument persuadé que cette dette sera remboursée », a fait valoir l'économiste, citant l'exemple de l'Espagne ou de la Grèce pendant la crise de la zone euro, qui « lorsqu'elles empruntaient en leur propre nom faisaient face à des taux énormes car les investisseurs avaient peur que cette dette ne soit pas remboursée ».

Rembourser la dette pour réduire les inégalités

Pour Esther Duflo, ce débat a d'autant moins lieu d'être qu'il n'y a « aucune pression à court terme » pour rembourser cette dette vu le niveau des taux qui rend le service de la dette indolore. En revanche, « dès que les économies seront reparties sur leur rythme de croisière », il faudra revenir à « des budgets plus équilibrés » et ce sera « l'occasion de repenser à une fiscalité qui soit progressive à l'intérieur des pays et idéalement concertée entre les pays pour permettre justement cette fiscalité progressive », a-t-elle fait valoir.

« Plus de progressivité, c'est une réponse à comment rembourser la dette » mais aussi à l'accroissement des inégalités de revenus, a-t-elle ajouté, rejoignant sur ce sujet Thomas Piketty. Preuve que cela n'a rien d'utopique, « dans l'Amérique d'Eisenhower, les taux d'imposition sur les revenus les plus importants étaient de 95-96% » a-t-elle souligné en référence au général qui présida les Etats-Unis de 1953 à 1961.