L'Assemblée nationale a adopté mercredi soir une proposition de loi LREM pour permettre la résiliation des complémentaires santé « sans frais et à tout moment », après un an de contrat, malgré l'opposition de certains députés « marcheurs » et de la gauche, et de fortes réserves LR.

Le texte, qui était examiné en première lecture et va maintenant passer au Sénat, fait suite à une demande du chef de l'État lors d'une réunion en décembre avec les complémentaires pour leur réclamer des gestes en faveur du pouvoir d'achat des Français, en pleine crise des « gilets jaunes ».

Actuellement, les contrats ou garanties souscrites ne sont résiliables qu'autour de leur date anniversaire. Les nouvelles règles entreront en vigueur au plus tard au 1er décembre 2020 - les députés MoDem et UDI-Agir ont cherché en vain à avancer la date pour éviter « des hausses de tarifs en 2019 ».

Un réel impact sur le pouvoir d'achat

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a soutenu cette proposition de loi « concrète » qui « aura un réel impact » sur le pouvoir d'achat et « répond aux attentes de nos concitoyens », selon des sondages.

« Les craintes de déstabilisation du marché sont sans fondement », a affirmé le rapporteur Dominique Da Silva (LREM). Les fédérations des complémentaires sont vivement opposées à cette réforme, comme les syndicats impliqués dans la gestion paritaire des organismes.

Une « fausse bonne idée » ?

Des députés de gauche se sont aussi élevés contre une « fausse bonne idée » qui va « mettre un nouveau coup de masse dans l'édifice » des mutuelles (PCF), et relève du « fétichisme du marché » (PS). Le groupe Libertés et territoires, également contre, craint des « effets pervers » sur les tarifs des complémentaires.

Les députés LR, qui se sont majoritairement abstenus, se sont dits aussi « dubitatifs sur le gain de pouvoir d'achat ».

Les UDI-Agir se sont prononcés pour, tout en regrettant l'absence d'étude d'impact. De façon inhabituelle, des voix se sont élevées dans la majorité pour déplorer une proposition de loi traitant « indifféremment » mutuelles, instituts de prévoyance et sociétés d'assurance, ou ne comprenant aucune disposition sur « l'accès aux soins ».

Récusant être un « frondeur », Guillaume Chiche (LREM) a défendu en vain une série d'amendements de suppression, cosignés par une dizaine de « marcheurs ». Ils mettaient en avant une série de risques : recherche de complémentaires moins onéreuses mais couvrant moins bien, augmentation des frais de gestion et de publicité, et encore moindre mutualisation des risques.

Ces députés LREM avaient retiré leur signature de cette proposition de loi portée par leur groupe, mais « pas clairement d'origine parlementaire », avait reconnu il y a peu son président Gilles Le Gendre. Le gouvernement avait voulu un temps faire passer la mesure par un amendement au projet de loi Pacte sur les entreprises.

La proposition de loi est « d'inspiration gouvernementale ou elyséenne », a lancé le communiste Pierre Dharréville, évoquant une « opération punitive » envers les complémentaires.

En décembre, Agnès Buzyn avait accusé certaines de « saboter » la réforme du reste à charge zéro (pour certaines lunettes, prothèses dentaires et auditives) et rappelé « leur engagement » de ne pas l'utiliser pour justifier des hausses de prix.