L'ancien secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, artisan de la réforme du prélèvement à la source, a dénoncé mercredi le report de son entrée en vigueur, jugeant les arguments avancés pour justifier cette décision « dérisoires » et « contestables ».

Les « procès faits au prélèvement à la source pour 2018 sont en fait dérisoires » et « contestables », écrit le député PS, candidat à sa réélection en Meurthe-et-Moselle, dans un billet au ton acide (« Pourquoi reporter une bonne réforme ? ») publié sur son blog. « Jamais un texte n'a été aussi concerté, rarement une étude d'impact n'aura été si conséquente. Le crash-test évoqué comme nécessaire a toujours été prévu par l'administration pour cet été et l'audit annoncé ne sera qu'un rapport de plus », prédit-il.

« Il y a quand même un rapport du Sénat, de la commission des finances et de son rapporteur général, qui émettait beaucoup de critiques », a répondu le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin sur BFM TV, ajoutant qu'il y avait par ailleurs eu des critiques de l'Assemblée nationale, de syndicats de Bercy et des entreprises sur cette réforme. Il a toutefois souligné que ces critiques ne signifiaient pas que ce n'était « pas une bonne réforme ».

Une phase d'expérimentation

Le Premier ministre Edouard Philippe a précisé mardi dans un entretien au journal Le Parisien que la réforme de prélèvement à la source, consistant à collecter l'impôt sur le revenu lors du versement du salaire, entrerait bien en vigueur, mais le 1er janvier 2019 et non plus le 1er janvier 2018. « S'agissant de l'argent des Français et des recettes de l'Etat, je ne veux pas m'engager dans cette réforme sans avoir la certitude que, techniquement, tout se passera bien », a justifié le chef du gouvernement, confirmant la mise en place d'un audit, avec une phase d'expérimentation entre juillet et septembre.

Gérald Darmanin a indiqué qu'ensuite, il prendrait son « petit bâton de pèlerin » et rencontrerait « partout en France les artisans, les agriculteurs, les chefs d'entreprises, les associations d'employeurs pour expliquer qu'il n'y a pas de difficultés supplémentaires dans l'impôt à la source, et qu'il y a parfois des avantages ».

Soigner la « communication » de la baisse des cotisations salariales

Pour Christian Eckert, « reporter d'une année le prélèvement à la source ne relève pas des prérogatives du président ou du gouvernement ». « En matière d'impôts, notre Constitution précise que l'assiette, les modalités de calcul et de recouvrement relèvent du Parlement et de lui seul », écrit l'élu. En outre, « la loi étant connue depuis sa promulgation, les contribuables ont certainement souvent adapté leur comportement fiscal ou leur comportement tout court aux modalités de l'année de transition », ajoute le député, qui dénonce une « rétroactivité fiscale » susceptible de pénaliser tous les contribuables.

Selon Christian Eckert, qui s'était opposé à plusieurs reprises à Emmanuel Macron lorsque ce dernier était en poste à Bercy, le report annoncé par le gouvernement s'explique en réalité par une raison politique : faire en sorte que le prélèvement à la source ne rende pas invisible la baisse de cotisations salariales prévue au 1er janvier 2018. « La priorité donnée aux éléments de communication est très tendance et n'honore pas la vie politique », conclut l'élu, pour qui ce report n'est pas dans « l'intérêt des contribuables ».