Les touristes chinois visitant Paris peuvent désormais, dans certains commerces, payer avec Alipay, une plateforme de paiement très populaire en Chine. Est-ce le prélude à une internationalisation de ce moyen de paiement déjà utilisé par 450 millions de personnes ? Alipay peut-il faire de l'ombre à PayPal et Apple Pay ?

Le 20 octobre dernier, Banque Edel l’annonçait dans un communiqué : la filiale du groupe de grande distribution E.Leclerc devenait la première banque française à proposer à ses clients le support du wallet (ou portefeuille électronique) Alipay. Les premiers commerçants à tester la solution sont les hôtels parisiens du groupe AccorHotels, certaines maroquineries de luxe ou les rayons vins et cosmétiques du centre E.Leclerc de Levallois. Les consommateurs visés, eux, sont les 1,7 million de touristes chinois qui visitent chaque année la France.

Comme d’habitude lorsqu’il s’agit de la Chine, les chiffres donnent le tournis : peu connu en Europe, Alipay est aujourd’hui utilisé par environ 450 millions de personnes dans le monde. Soit plus que Paypal (197 millions de comptes actifs fin 2016) ou que tout autre service de paiement électronique.

Le mobile, trait d’union en Chine

Alipay est né en 2004 dans le giron d’Ant Financial, la filiale financière d’Alibaba. Un peu comme PayPal a été conçu à l’origine pour faciliter les transactions sur eBay, Alibaba - géant chinois de l’e-commerce, dont il est avec Amazon le leader mondial - a ressenti le besoin de disposer d’un moyen de paiement sécurisé, adapté aux besoins de ses clients. Mais Alipay a très rapidement fait exploser le simple cadre du paiement en ligne pour devenir, comme le décrit Banque Edel dans un communiqué, une super lifestyle app. Outre le règlement d’achats sur Alibaba, Alipay permet ainsi de transférer de l’argent à d’autres particuliers, de payer ses factures d’électricité ou de mobile, de commander un taxi, de réserver un hôtel ou d’acheter des tickets de cinéma. Le tout évidemment sur smartphone et au sein d’une même application.

Dans le domaine du mobile, les Chinois ont en effet développé des usages très en avance sur ceux des Européens. Cela tient évidemment à l’histoire économique du pays, dont le décollage a été plus tardif que celui des pays occidentaux, et est pour une part contemporain de l’émergence du mobile. Les Chinois s’en sont ainsi emparés très naturellement, sans avoir besoin de renoncer à des habitudes plus anciennes. Autre facteur, celui-ci géographique : dans un pays immense et marqué par un mouvement massif d’exode rural, le mobile constitue un trait d’union indispensable entre les familles et les amis séparés.

Un concurrent pour PayPal et Apple Pay ?

Résultat : 80% des transactions effectuées grâce à Alipay sont initiées sur smartphone. En France, le taux de paiement mobile pour l’e-commerce approche plutôt des 30%. Et aucune application n’est capable aujourd’hui de couvrir l’étendue des services fournis par Alipay.

Pourtant, les usages mobiles croissent à vitesse grand V, y compris sur le vieux continent, et Alipay, avec sa puissance financière et son expérience dans le domaine, pourrait être bien placé pour y répondre. En a-t-il l’ambition ? Difficile à dire. Le wallet reste en effet largement sino-chinois, accepté chez plus d’un million de commerçants chez lui, et seulement 80.000 hors de ses frontières. Mais à l’image de l’initiative de Banque Edel, ils intéressent de plus en plus d’institutions financières dans le monde, et pourrait à terme faire de l’ombre, y compris en Occident, à PayPal, Apple Pay ou Android Pay. A suivre.

Dans les boutiques duty-free de Roissy

Outre Banque Edel, un autre spécialiste des paiements, le Français Ingenico, a annoncé le 21 février dernier l’installation d’Alipay dans les boutiques duty-free de Lagardère Travel Retail à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, « dont les visiteurs chinois représentent une large part de [la] clientèle », explique un communiqué.