Plusieurs milliers de représentants des professions juridiques réglementées ont entamé, mercredi en début d'après-midi, un défilé dans Paris pour protester contre le projet de loi Macron présenté le matin même par le Premier ministre.

« Nos professions ont été insultées, vilipendées. Ça suffit ! », a tonné Pierre-Luc Vogel, président du Conseil supérieur du notariat, au départ du cortège, place de la République.

Comme prévu, plus de la moitié du contingent qui occupait toute la surface piétonne de la place était composée de notaires. La manifestation était également suivie par les autres professions réglementées du droit : avocats, huissiers, greffiers des tribunaux de commerce, commissaires-priseurs, ainsi que les administrateurs et mandataires judiciaires.

Perché sur un podium, Pierre-Luc Vogel a fustigé le projet de loi Macron « qui menace la sécurité juridique des Français », selon lui. Le texte prévoit notamment de libéraliser l'installation des nouveaux arrivants chez les huissiers, notaires et commissaires-priseurs, de bouleverser les grilles tarifaires ou de permettre l'ouverture du capital des sociétés à d'autres professions (y compris chez les avocats). « La libéralisation de l'installation, c'est comme de l'expropriation », a expliqué une notaire venue du Val-d'Oise, sous couvert d'anonymat. « Je ne suis pas une fille de notaire. J'ai pris un crédit sur 15 ans et là, on change les règles du jeu en cours de route », a-t-elle ajouté.

Désertification juridique

« La modification des tarifs nous ferait perdre 20% de notre chiffre d'affaires, c'est-à-dire la moitié de notre résultat », assure Karine Boy, notaire à Trevoux (Ain), qui est venue à Paris avec les 14 collaborateurs de son étude. Pour elle, la libéralisation de l'installation des notaires et l'ouverture du capital à d'autres professions favorisera le développement de grandes structures qui n'assurent plus certaines missions, notamment le conseil de proximité, en région.

La désertification juridique, Xavier Lefevre, avocat à Soissons (Aisne), la redoute aussi. Pour les avocats elle pourrait venir, selon lui, de la réforme de la postulation territoriale, qui n'obligerait plus à passer par un avocat du barreau local, comme c'est le cas aujourd'hui. Il redoute également la création du statut d'avocat en entreprise, prévu par le projet de loi. « Si les entreprises ont leurs avocats, on n'aura plus aucun dossier », s'alarme-t-il. « Il nous restera (les dossiers à, ndlr) l'aide juridictionnelle, mais ces dossiers-là, on les prend parce qu'on en a d'autres pour équilibrer notre activité. »

Une délégation devait être reçue dans l'après-midi par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, puis, plus tard, par le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.

Mercredi matin, quelque 200 commissaires-priseurs, certains venus de province, s'étaient rassemblés aux cris de « Macron démission » dans le hall de l'Hôtel Drouot à Paris pour protester contre le projet de fusion de leur profession avec celle des huissiers et des mandataires judiciaires, qui ne figure finalement pas dans les documents présentés par Bercy.