Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s'est inquiété mardi des conséquences sur le financement de l'économie de la future législation européenne Solvabilité II, qui régira le secteur de l'assurance début 2016.

Le nouveau cadre européen doit permettre notamment de mieux prendre en compte les risques auxquels sont exposés les assureurs et implique de nouvelles exigences de fonds propres. En France, les assureurs sont les principaux investisseurs à long terme en actions, aux côtés de la Caisse des Dépôts. A fin 2012, le total de leurs placements atteignait 1.970 milliards d'euros, dont 12% en actions, rappelle l'étude.

« Ces règles vont conduire les assureurs à s'éloigner des risques des entreprises », a indiqué lors d'une conférence de presse Jean-Pierre Milanesi, l'un des rapporteurs de l'étude du CESE, estimant que les autorités n'avaient « peut-être pas suffisamment réfléchi aux conséquences ».

Déjà une baisse des placements en actions et OPCVM

« Les entreprises d'assurance pourraient être conduites à se désengager de la couverture des risques longs, qui sont difficilement valorisables dans le passif des bilans sous Solvabilité II », précisent les auteurs. Ils soulignent que la mise en œuvre de Solvabilité II a déjà contribué à modifier la politique d'investissement des assureurs : entre 2007 et 2012, la part des placements en actions et OPCVM (placements collectifs comme les Sicav et FCP) des assureurs est passée de 29,2% à 21,5%.

« Un désengagement des acteurs longs renforcerait la domination des intervenants de court terme sur les marchés actions, qui ont des stratégies de valorisation rapide et une forte mobilité. Les marchés n'en seraient que plus instables », s'inquiètent-ils.

En outre, « il y a un risque de répercussion sur les grands groupes cotés, déjà largement détenus par des investisseurs non résidents » alors que les PME sont elles pénalisées par une tendance au ralentissement des financements bancaires, induit par les règles de Bâle III. L'étude redoute également que les assureurs ne deviennent plus frileux vis-à-vis des risques difficiles à évaluer, comme les risques médicaux ou les risques technologiques.

« Des distorsions de concurrence » avec les assureurs américains

Par ailleurs, l'adaptation à « Solvabilité II », qui nécessite des investissements conséquents, devrait favoriser le mouvement de concentration des acteurs du secteur. L'étude souligne aussi qu'à la différence de Bâle III, Solvabilité II ne concerne que l'Union européenne et pourrait causer « des distorsions de concurrence significatives », avec les assureurs américains notamment.