La majorité risque de devoir se contenter d'un texte a minima pour la loi sur la reprise des sites rentables, promise pour cet été, afin d'éviter la censure du Conseil constitutionnel.

Ce texte, « projet ou proposition de loi, sera examiné par le Parlement d'ici à l'été » et « fixera à l'entreprise qui ferme un site de production l'obligation de rechercher un repreneur susceptible de permettre son maintien », a réaffirmé lundi le président de la République François Hollande, qui avait promis ce texte pendant la campagne.

Annoncé « avant la fin de l'année » 2012 par Arnaud Montebourg fin septembre, repoussé sur demande des partenaires sociaux pour l'après-négociations sur l'emploi entre patronat et syndicats, elle a finalement été annoncée pour juin par le ministre des Relations avec le Parlement Alain Vidaliès. Ses premiers jalons, qui concernent le code du travail, ont été posés dans l'accord interprofessionnel du 11 janvier. Ils prévoient que les entreprises doivent identifier de potentiels repreneurs lors de la fermeture d'un établissement, et que le CE soit associé à cette démarche.

Tout l'aspect relevant du Code du commerce reste en revanche à définir par le gouvernement et surtout les parlementaires, qui sont dorénavant à la manoeuvre. « L'objectif c'est de combler un trou dans la raquette de la puissance publique » et d'« empêcher que ne se constituent des déserts industriels (...) notamment parce qu'un repreneur refuse de voir arriver à sa place un concurrent », affirmait mi-janvier le député socialiste Guillaume Bachelay, en pointe sur le sujet.

Mais la construction juridique d'une telle loi se révèle particulièrement délicate. Une source gouvernementale pointait fin janvier toute la difficulté de l'exercice : « Qu'est-ce qu'un site ? Une activité, un établissement ? Peut-on apprécier la rentabilité d'un site, indépendamment de la rentabilité du groupe auquel il appartient ? » s'interrogeait-elle sans fournir de réponse.

Atteinte au droit de propriété ?

« La rentabilité d'un site est une notion difficile à définir », confirme Antonio Balboni, économiste chez Xerfi. De plus, elle s'estime sur le temps long, « la rentabilité à l'instant T ne veut rien dire », explique-t-il. Plus compliquée encore à mettre dans la loi : l'obligation de céder le site si des repreneurs sont trouvés.

Pour Bruno Courtine, avocat spécialisé dans la reconversion de sites industriels, le législateur se heurtera aux mêmes difficultés que pour la « nationalisation temporaire » un temps évoquée pour Florange. « Le droit de propriété n'est pas uniquement garanti par la Constitution, il est garanti par la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen », précise-t-il. Il rappelle que le principe de nationalisation, qui pose des problèmes similaires sur la question de la propriété, a été encadré en 1982 par le Conseil constitutionnel, qui a posé « des conditions extrêmement restrictives » à son application.

En l'occurrence, toute nationalisation doit passer par une loi et être assortie d'une « juste indemnité », dont les calculs pourraient là encore s'avérer compliqués. Les parlementaires pourraient donc se limiter à l'obligation de recherche de repreneurs et exclure celle de céder le site. « Une loi, si elle est faite, c'est pour être promulguée », assure en tout cas le député PS François Brottes, qui affirme pourtant vouloir « être au rendez-vous de l'efficacité économique et sociale ».

Le président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée reconnaît en tout cas « la complexité du sujet » et assure que les députés « y travaillent ». Au final, la loi risque de ne concerner que « très peu de sites », selon la source gouvernementale. Elle semble en tout cas attendue par une majorité de Français : près de deux tiers d'entre eux (64%) estiment qu'une telle loi aurait pour effet de limiter les fermetures d'usines en France, selon un sondage Tilder/LCI/Opinionway publié jeudi.