Le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac a jugé mercredi « délirantes » les informations publiées par le site d'informations Mediapart, selon lequel il aurait détenu un compte non déclaré en Suisse.

Interrogé sur RTL, le ministre a réitéré son démenti sur l'existence de ce compte secret qu'il aurait eu auprès de la banque UBS et mis en cause les sources avancées par le site en ligne qui assure disposer de « nombreux témoignages » et d'« éléments documentaires probants » qu'il ne cite pas directement.

« Le premier élément qualifié de probant est un rapport, un document envoyé par un inspecteur des impôts du Lot-et-Garonne », a expliqué le ministre. Le document « dit que je possède une villa à Marrakech », mais aussi une résidence à la Baule et met « en cause les modalités du plan de financement de l'appartement que j'ai acquis en 1994 », a-t-il poursuivi. Les modalités d'achat de cet appartement « ne sont pas douteuses. Ce qu'a écrit Mediapart est factuellement inexact, je le démontrerai en publiant le plan de financement de cet appartement », a prévenu M. Cahuzac.

Pour l'élu socialiste du Lot-et-Garonne, Mediapart se fonde « pour étayer (ses) accusations sur un rapport d'un agent dont je viens de vous donner quelques éléments, qui montrent que ces accusations sont, excusez-moi l'expression, délirantes ». Pour preuve, ajoute-t-il, dans le même rapport, l'agent du fisc en question attaque également ses collègues et supérieurs hiérarchiques, « accusés soit d'incompétence soit de frauder le fisc ». « C'est un document insensé qu'on a fini par retrouver hier », a insisté Jérôme Cahuzac, regrettant que Mediapart, qu'il a dit avoir contacté, ne lui ait lui-même « montré aucun élément écrit, aucun document ».

« Allégations non fondées »

Sur son site, le média épingle le ministre qui a fait de la lutte contre l'évasion fiscale l'un de ses chevaux de bataille en assurant qu'il « a détenu pendant de longues années un compte bancaire non déclaré à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève ». « Les avoirs auraient été ensuite déplacés vers un autre paradis fiscal », « à l'UBS de Singapour par le truchement d'un complexe montage financier offshore », précise-t-il, citant « des sources informées du dossier ». « Ce compte a été formellement clos par Jérôme Cahuzac début 2010, quelques jours avant qu'il ne devienne président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale », lors d'un « discret déplacement à Genève », ajoute Mediapart.

Le site évoque également le mémoire de l'agent du fisc du Sud-Ouest, Rémy Garnier, adressé en 2008 à sa hiérarchie, dans lequel il fait état d'« un compte bancaire à numéro en Suisse » ouvert selon lui par Jérôme Cahuzac.

Mediapart parle enfin d'une conversation téléphonique en 2000 « avec un chargé d'affaires » durant laquelle le ministre s'inquiète d'avoir « toujours un compte à l'UBS ». « Je ne vois même pas à quoi cela peut faire référence », a encore réagi Jérôme Cahuzac qui a réitéré son intention de porter l'affaire devant la justice. « Mes accusateurs devront prouver que les allégations sont fondées. Ils auront du mal ».

« Pourquoi pas une hacienda au Mexique ? »

L'avocat de Jérôme Cahuzac, Me Gilles August a confirmé sur Europe 1 que son client entendait porter plainte en diffamation dans la journée et a écarté toute perspective de démission du gouvernement. Sur Europe 1, il a réfuté avec force mercredi que le ministre du Budget ait pu disposer d'un compte en Suisse. Interrogé sur l'affirmation de Mediapart selon laquelle le ministre aurait clos ce compte suisse en 2010, l'avocat rétorque : « Il est difficile de fermer un compte dont on ne dispose pas. » 

« Mediapart nous dit qu'un M. Garnier a accusé Jérôme Cahuzac. M. Garnier a également prétendu dans le même document (...) que Jérôme Cahuzac avait, je cite, une villa à Marrakech et une maison à La Baule. Moi je dis pourquoi pas une hacienda au Mexique ? », a ironisé Me Gilles August. « Il a un appartement avenue de Breteuil et une petite maison en Corse qui lui a été léguée par ses parents » et il n'a pas de biens immobiliers « ni à la Baule, ni à Marrakech, ni au Mexique, ni de compte en Suisse », selon Me August.

Me August a toutefois reconnu que Jérôme Cahuzac avait rencontré Rémy Garnier, argumentant que ce dernier, « qui est en délicatesse avec son administration », « est connu dans la Région (...) parce qu'il accuse beaucoup de gens ». Evoquant son client, il poursuit : « On accuse un homme, son honneur est sali, sa réputation est entachée, c'est un homme qui est intègre, qui s'est toujours battu contre la fraude. Il est intéressant de constater que c'est à l'heure où il se bat à l'Assemblée nationale (...) contre la fraude qu'on l'accuse ». « On colporte les élucubrations délirantes de certaines personnes, (...) d'une personne », a conclu l'avocat.

L'opposition demande des preuves

L'opposition n'a pas tardé à réagir. L'ex-ministre UMP Laurent Wauquiez a ainsi demandé mercredi à Jérôme Cahuzac d'apporter en urgence « des preuves » pour dissiper le soupçon de compte en Suisse que Médiapart fait peser sur lui, malgré ses démentis.

Son ancienne collègue du gouvernement, Nathalie Kosciusko-Morizet, a elle estimé que si ces informations étaient avérées, ce serait « très destructeur » pour le gouvernement" mais que c'était à l'accusateur - donc Médiapart - d'apporter des preuves.