L'amendement de dernière minute du gouvernement prévoyant une participation financière des salariés lorsqu'ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF) a agacé les députés Renaissance qui seront finalement associés, comme les partenaires sociaux, à la mise en œuvre, a-t-on appris mardi de sources parlementaires.

Lors de la réunion à huis clos du groupe majoritaire, dans la matinée, le rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve s'est étonné d'avoir découvert cet amendement dans le projet de loi de finances que le gouvernement a soumis au 49.3 en nouvelle lecture à l'Assemblée, ont rapporté des participants à l'AFP.

Déposé samedi, l'amendement en question n'a pas été discuté en commission à l'Assemblée. Il prévoit une forme de « ticket modérateur » par les salariés voulant utiliser leurs droits accumulés sur leur CPF.

Participation proportionnelle

La participation pourra être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d'un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire. Un décret en Conseil d'Etat devra en préciser les modalités, les demandeurs d'emploi en étant exonérés.

Présente à la réunion Renaissance, la ministre déléguée à la Formation professionnelle Carole Grandjean a répondu à M. Cazeneuve que la mesure figurait dans la « lettre plafond » entre ministères. Le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester s'est lui excusé sur la forme auprès des députés. « C'est une méthode qui ne doit pas se reproduire », a averti la présidente du groupe Aurore Bergé.

Plusieurs députés ont regretté le fond de l'amendement, alors que le CPF a été conçu comme un outil de liberté.

« Un renoncement clair à la liberté d'utilisation du CPF »

La CFDT a aussi vivement réagi dans un communiqué. Un « reste à charge pour les salariés, c'est non ». « Cela marque un renoncement clair à la liberté d'utilisation du CPF », juge la centrale syndicale. « C'est surtout une entaille à ce qu'est le CPF », « un dispositif à la main du salarié pour construire son parcours professionnel ».

« Cet amendement, c'est bien une disposition qui va davantage peser sur les salariés les plus précaires », a renchéri la CGT pour qui le gouvernement « serait bien inspiré de mieux encadrer le dispositif afin de garantir qu'il reste bien à la main du salarié et non pas du patronat ».

FO s'est dite de son côté « fermement opposée à toute logique de modération financière du CPF », estimant que « seule la généralisation du recours aux conseillers en évolution professionnelle permettrait de réguler efficacement (c'est-à-dire par la qualité des actions de formation suivies) le CPF ».

Des travaux vont être menés

Dans la soirée, le cabinet de Mme Grandjean a indiqué aux députés Renaissance que des travaux sur le décret d'application seraient menés « en associant les partenaires sociaux, les acteurs et représentants du secteur de la formation professionnelle et les parlementaires de la majorité dans le cadre d'un groupe de suivi dédié ».

Alors que les négociations entre syndicats et patronat n'avaient « pas abouti sur la mise en place d'un ticket modérateur », « le gouvernement a pris ses responsabilités » en déposant cet amendement, justifie à nouveau le ministère dans ce message dont l'AFP a eu copie.

Depuis sa nouvelle version fin 2019 quand il a été basculé en euros, le CPF a permis de financer 5 millions de formations pour 7 milliards d'euros.

Mais la CGT souligne que « le CPF ne représente que 2,7 milliards d'euros dans le budget de France Compétences », l'organisme de gouvernance de la formation professionnelle en très fort déficit, contre « 10,5 milliards pour le financement de l'apprentissage en 2022 ». Ainsi le gouvernement devrait « imposer des critères sociaux pour les aides à l'apprentissage » et non « raboter les droits des salariés ».