Touchés de plein fouet par la crise, les jeunes forment-ils une génération « sacrifiée » sur le marché du travail ? Une étude s'intéresse aux conséquences sur leurs salaires futurs et brise (peut-être) certaines idées reçues.

C’est une étude qui va peut-être donner des raisons d’espérer aux quelques 700 000 jeunes qui terminent chaque année leur cursus avant de débarquer sur le marché de l’emploi. L’Insee publie ce mardi une analyse bienvenue sur les conséquences sur les salaires futurs de l’entrée sur le marché du travail en période de crise.

Car depuis plus d’un an et demi, la situation est particulièrement difficile notamment pour les jeunes. De nombreuses personnalités parmi lesquelles le patron de la Société Générale, Frédéric Oudéa, ou encore l'ancienne ministre du Travail, Nicole Pénicot, viennent de lancer un appel pour la mise en place d'états généraux de la jeunesse.

Le récent baromètre de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), publié début mai, constate que l’insertion des jeunes diplômés s’est très nettement dégradée en un an. Un taux d’emploi de 69% par exemple pour les Bac +5 de la promotion 2019, en chute de 16 points par rapport à la promotion 2018, et des postes plus précaires. Le constat est similaire chez les Bac + 3/4. « L’autre signe de conditions d’emploi moins avantageuses est la baisse des salaires perçus », constate l’Apec. La rémunération brute annuelle médiane s’élève à 31 000 euros par an, contre 32 000 euros l’année dernière. Et la rémunération des jeunes femmes, toujours inférieure à celle des jeunes hommes, a baissé plus fortement en un an : - 2 000 euros contre - 300 euros pour leurs collègues de sexe masculin.

Sentiment d'appartenir à une génération sacrifiée

Du côté des étudiants de grandes écoles, c’est la douche froide aussi : la crise sanitaire a été vécue comme une « déflagration » d’après une récente une enquête pour la Conférence des grandes écoles sur la « génération Covid ». 54% sont inquiets pour leur avenir professionnel et 71% ont le sentiment d’appartenir à une génération sacrifiée au nom de la sécurité sanitaire.

C’est dans ce contexte que l’Insee a décidé de s’interroger « sur l’existence de générations sacrifiées en raison de leur insertion sur le marché du travail dans un contexte d’après‑crise ». Pour cela, l’étude remonte dans le temps et s’intéresse à ceux qui ont débuté leur vie professionnelle entre 1975 et 1980 à la suite du choc économique de 1975, entre 1991 et 1993 après le choc du début des années 1990, et entre 2009 et 2011 après la crise économique et financière de 2008‑2009 .

Une progression salariale homogène à long terme

« À court terme, la progression salariale des cohortes 1988‑1990, qui s’insèrent dans le contexte économique favorable de la fin des années 1980, est plus élevée que celle des cohortes voisines : leur salaire a augmenté de 30% après trois années de carrière, contre +21% pour les cohortes 1981‑1985 et +18% pour les cohortes 1991‑1993. Mais à plus long terme, l’écart de dynamique devient faible : le salaire progresse entre 52% et 54% sur 10 ans et d’environ 100% sur 25 ans pour chacune de ces trois cohortes », explique l’Insee. Constat identique pour les jeunes qui ont fait leurs premiers pas professionnels entre 2009 et 2011 après la crise des subprimes.

« Cette progression salariale relativement homogène à long terme suggère qu’une insertion difficile sur le marché du travail, avec des épisodes de chômage lié à un contexte économique défavorable, ne pénalise pas durablement les salaires : en matière de progression salariale, il n’y a pas de générations « sacrifiées », conclut l’Insee. Il faudra attendre quelques années pour vérifier que cette analyse se confirme bien de nouveau pour les jeunes entrants actuellement sur le marché du travail.

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